Après deux expériences sous la dictature sanctionnées par la répression bien évidemment, revoilà l'Observatoire en action. Hier, il a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a exposé son programme, le démarrage est pour aujourd'hui. Il affiche de meilleures dispositions et une grande détermination à réussir sa tâche dans ce nouveau climat postrévolutionnaire qui offre de vraies opportunités pour réaliser l'objectif escompté à savoir le monitoring des médias. Une phase supplémentaire de surveillance
Pour plus d'efficacité, on a ajouté une nouvelle phase dans le processus de ce contrôle, avant, lors des élections de 2004 et 2009, l'Observatoire n'intervenait que pendant et après les élections, cette fois-ci, il commencera son travail de surveillance avant le démarrage de ces dernières. «C'est l'apport de la Révolution, a commenté Sihem Ben Sedrine, c'est la première fois que cela se produit chez nous et aussi en Egypte. » Ce travail s'étalera sur six mois qui seront répartis sur trois moments. Le premier allant du 11 juillet au 2 août se rapportera à l'inscription sur les listes électorales et à la période du contentieux relatif à cette inscription ; le second, celui de la campagne électorale, débutera le 22 octobre et le dernier prendra fin le 22 décembre, ce sera le moment post électoral. Un rapport évaluatif sera rédigé à la fin de chacune de ces phases.
Multiplier les acteurs
Sana Ben Achour a mis l'accent sur le fait que ce monitoring est un tissu social interactif constitué depuis l'époque sinistre. Le rôle de ces associations est, selon elle, politique, philosophique, social… Leur aspect multidimensionnel leur donne le moyen d'intervenir efficacement dans cette œuvre gigantesque. Elles sont invitées à assister le citoyen, à le conscientiser, elles sont les gardiens qui tirent la sirène d'alarme quand ils détectent un danger provenant soit des partis politiques soit des médias. La tâche de l'observatoire consiste à impliquer et à responsabiliser toutes ces parties dans cette opération électorale très délicate qui va décider de l'avenir de notre pays et participer à mettre en place les institutions démocratiques tant rêvées par tout un peuple. Au-delà de leur implication et leur responsabilisation, l'observatoire veillera à ce que leur comportement soit conforme aux normes établies. Toutefois, de par le pouvoir dont ils sont investis, les médias restent les acteurs essentiels, les protagonistes de ce grand jeu électoral, ceux qui vont en déterminer dans une très large mesure l'issue, la manière dont ils transmettent l'information au récepteur sera à coup sûr déterminante, c'est pourquoi « les journalistes sont tenus à présenter une information juste pour que l'électeur choisisse en connaissance de cause, a précisé Sana Ben Achour. »
L'intégrité et l'impartialité
«On sait que l'information est un discours qui est en fait une approche, une lecture des faits qui sont forcément entachés de subjectivité, donc on ne demande pas au journaliste de se détacher, tout ce qu'on exige de lui c'est d'observer l'intégrité et l'impartialité, de respecter la déontologie, ce sont le garant de la démocratie, a-t-elle ajouté. » Arbi Chouikha, le spécialiste de l'information était allé dans le même sens quand il a soutenu que « le journaliste ne peut pas être objectif, cependant, il ne lui est pas permis de déroger aux règles de démocratie et de professionnalisme, il est appelé à les respecter scrupuleusement et ce quels que soient les conditions. » Un technicien a parlé des méthodes d'observation, l'une est quantitative, l'autre, qualitative. La première consistera à mesurer par centimètre la presse écrite, et par minute l'audiovisuel, cet espace et ce temps accordés aux acteurs politiques et leurs tons (positif, négatif ou neutre) détermineront le profil de l'organe d'information. L'autre critère pour évaluer le travail fourni c'est la méthode qualitative, elle concernera essentiellement le style journalistique et le professionnalisme des médias.
Lutter contre la censure
A notre question selon laquelle une telle évaluation serait-elle fiable dans un contexte de censure où le journaliste ne pourra aucunement assumer une responsabilité qu'on aurait tendance à lui faire supporter, Sihem Ben Sedrine a fait savoir que ce serait l'organe qui ferait l'objet d'une évaluation et non pas lui. Soukaina Abdesmad, la journaliste syndicaliste, a été plus intransigeante envers la censure : « quelle soit externe, imposée par le gouvernement, ou interne, le produit de la maison, elle doit être dénoncée par celui-ci, a-t-elle souligné. » Pour mieux appréhender la réalité des médias, Sana Ben Achour a évoqué la mise en contexte politique, juridique et médiatique et dénoncé les limites imposées aux médias. « Nous vivons un vide juridique, puisqu'on est dans une période transitoire, on continue de fonctionner avec les lois de la dictature, voilà pourquoi la presse n'est pas encore libre, a-t-elle commenté. Mais, on ne doit pas croiser les bras, bien au contraire, nous avons le devoir de batailler pour obtenir la liberté et non pas attendre que le gouvernement nous la délègue, la censure offre une opportunité de lutte pour le journaliste, a-t-elle conclu. »
Le vide juridique
Les médias qui sont classés en public et privé ont été jugés différemment. Les premiers « ne sont pas autorisés à prendre parti pour personne, ils sont redevables aux contribuables, a vivement noté Arbi Chouikha. » Il était également question des médias étrangers, mais là, on s'est heurté à l'impunité, notre législation ne peut bien sûr pas leur être appliquée. Le rôle que pourrait jouer certains d'entre eux qui jouissent d'une grande popularité et dont les agendas ne sont plus à cacher ont suscité beaucoup d'inquiétudes. L'universitaire a relaté une autre menace, celle de la publicité politique. « Certains partis s'ingénient à détourner les interdits, et c'est le rôle du monitoring de les dénoncer, d'ailleurs, nous sommes en train de préparer un texte organisant la campagne électorale pendant laquelle nous interviendrons systématiquement, a-t-il rassuré. »