Nous continuons nos pérégrinations à travers diverses villes et villages de la Tunisie et après Tabarka, nous nous sommes rendus à Hammamet, une cité balnéaire luxueuse, où on ne devrait pas, en principe, rencontrer de gros problèmes d'approvisionnement ou de prix. En fait, cet axiome de départ allait se retrouver erroné et le couffin de la ménagère hammamétoise se révéler très coûteux ! Car on oublie souvent que cette ville possède une population à deux vitesses : celle des richards avec leurs yachts et leurs villas de maitre ornées de piscines d'un côté. Et de l'autre côté, le bon peuple des travailleurs qui sont souvent saisonniers, qui tirent le diable par la queue, qui ont un mal fou à joindre les deux bouts. Ces gens modestes sont généralement des autochtones qui font marcher les hôtels et les divers secteurs de la ville : jardiniers, femmes de chambre, gardiens et même les taximen… C'est d'ailleurs notre premier contact avec la ville : un taximan vindicatif et râleur qui protestait contre tout, contre tous. Pour lui « les prix sont scandaleux, mais il ne faut pas se tromper de cible : les agriculteurs ne sont pas en cause, ce sont des victimes au même titres que les consommateurs. Les vrais responsables ce sont ces intermédiaires peu scrupuleux qui semblent ignorer que cette ville et constituée d'habitants pauvres. » Une vision des choses que l'on retrouvera au sein même du marché local où une dame de condition modeste nous affirme : « seuls les riches Sayafa (vacanciers) et les clients passagers qui ne regardent pas à la dépense d'un jour, sont capables de faire face à ces prix excessifs. » Et en effet, les prix du marché de Hammamet défient le bon sens pour cette population fragile. Les oignons commencent à 600 Millimes, les pommes de terre à 750, les piments sont à 1D700. « Même les feuilles de Malsouka sont à 70 ou 80 Millimes pièce, alors qu'elles étaient à 10 ou 20 l'an dernier », nous assure cette dame. Côté fruits, la différence de prix avec Tunis est encore plus évidente, avec des bananes qui culminent à 2D720, des raisins qui défient le bon sens avec 2D600, des poires qui ne s'achètent pas à moins de 2D100, tandis que les pêches restent sages à 1D900 tout de même… Le gros problème ici, c'est que la loi de l'offre et de la demande est faussée, au détriment des gens de condition modeste. En effet, à cause des estivants qui envahissent la ville par milliers chaque été, mais aussi des hôtels qui doivent satisfaire la consommation des touristes, la demande explose et les prix grimpent vertigineusement. Résultat : les fruits et légumes dont le prix est abordable sont vite achetées par caisses entières, tôt le matin, par les restaurateurs et les hôteliers et il ne reste aux habitants de la ville que des produits aux prix prohibitifs. « Je m'en souviendrais ce Ramadhan 2011, raconte un homme d'un certain âge. Je pensais que la révolution allait apporter la justice sociale et réduire la pauvreté, mais c'est pire qu'avant… » Côté poissons, c'est la même rengaine : hôtels et restaurants se servent en premier et il ne reste pour les autochtones de Hammamet que des poissons hors de prix. Un habitant fait remarquer : « nous habitons en bord de mer, mais nous n'avons pas souvent l'occasion de manger du poisson. C'est bizarre, mais c'est la vérité de cette ville et de toute la région d'ailleurs… » Il est temps de réfléchir aux spécificités de Hammamet, qui ne doit pas rester une cité balnéaire hors de prix, mais elle doit retrouver son âme et son authenticité.