Il y a six mois, le poste frontalier de Ras Jdir défrayait la chronique en accueillant les premières vagues de réfugiés fuyant en masse le territoire libyen à peine secoué par les premières étincelles du conflit armé. Pendant six longs mois, ce point névralgique est le théâtre d'un exode impressionnant de centaines de milliers de réfugiés en détresse, en quête de lieux sûrs. Les nouvelles parvenant du front font état d'exploits spectaculaires réédités par les insurgés qui n'ont d'yeux maintenant que sur le tronçon côtier Tripoli-Ras Jdir (170 km) encore entre les mains des milices de Kadhafi. La prise de la ville stratégique de Zaouia, suivie deux jours après par la récupération de Sabrata, ne peut que déblayer la voie devant les rebelles pour conquérir la ville de Zouara et s'emparer ensuite du poste frontalier, avant de se résoudre à assaillir Tripoli. Les échanges de tirs entendus tard dans la soirée du mardi 16 août à quelques encablures du point de passage prouve que l'assaut rebelle est éminent et qu'il n'est plus qu'une question de jours pour venir à bout des milices loyalistes contrôlant encore la zone. Ce point de passage stratégique constituant l'unique échappatoire à un régime assiégé et agonisant, s'apprête-t-il, six mois après, à occuper de nouveau le devant de la scène ? Ras jdir est-il sur le point d'être de nouveau le théâtre d'un soubresaut décisif à même de fixer le sort de Kadhafi et de déterminer l'issue du conflit ? Rien n'y est comme ces derniers mois. Le flux des réfugiés affluant massivement, le flot interminable des voitures, le brouhaha indescriptible et la confusion des grands jours ne sont plus à l'ordre du jour. Le personnel humanitaire d'habitude nombreux, débordé et sollicité de toutes parts pour prêter l'assistance requise aux nouveaux arrivants, est quasiment inexistant ; un seul volontaire du Haut Comité des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) reconnaissable au dossard qu'il portait était présent, mais visiblement las d'être là sans rien faire. Quelques rares taxis stationnés à proximité attendent vainement d'être desservis, regrettant l'abondance des grands jours. Les agents de la police et de la douane sont presque au repos forcé dont ils ne peuvent que se réjouir en ce mois de jeûne, chaud et pénible; quelques badauds scrutent du regard l'autre côté des frontières encore plus déserte, et prêtent l'oreille au moindre bruit, attendant peut-être qu'une déflagration ou qu'un crépitement des balles brise ce silence plat régnant. Des militaires armés jusqu'aux dents sont sur le qui-vive réagissant au moindre détail suspicieux; des véhicules et des chars de l'armée nationale sont déployés discrètement dans les alentours, prêts à intervenir promptement et opportunément. Entre temps, nos frères Libyens installés à Djerba, comme assurément dans les autres régions du pays suivent assidûment le cours des événements, attendant impatiemment la chute du dictateur pour regagner leurs terres qu'ils ont dû quitter en hâte, sans jamais le vouloir. Beaucoup parmi eux originaires particulièrement des villes et des villages de Jebel Nefoussa, sécurisés enfin en entier par les rebelles, ont pris le chemin du retour, nourrissant l'espoir de voir leurs compatriotes originaires des autres régions leur emboîter le pas sans trop tarder. Ils ont hâte de se débarrasser à jamais d'un tyran mégalomane et de son règne cauchemardesque qui n'a que trop duré, et de chanter enfin bellement victoire.