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A qui profite la fermeture du centre de désintoxication de Jebel Oust?
Trafic et consommation de drogue
Publié dans Le Temps le 30 - 09 - 2011

«On croyait qu'il y avait une réelle volonté politique de traiter ce phénomène complexe», déclare le Pr Jouda Ben Abid, chef du service au centre de l'Espoir
Les substances de la toxicomanie ne cessent d'augmenter
Un phénomène de société, la toxicomanie et le trafic de drogue existent en Tunisie. Ce fléau aux conséquences lourdes s'est aggravé après la Révolution à cause du manque de contrôle des frontières ce qui laisse le terrain favorable aux trafiquants.
Les chiffres affichés la semaine dernière lors de la rencontre périodique des représentants du gouvernement avec la presse nationale a démontré que 60 kilos de (Zatla) et 1000 comprimés de stupéfiants (subitex, …) ont été saisies. Un constat inquiétant d'autant plus que le centre de l'Espoir expérimenté dans le sevrage de tous les types de toxicomanies a été fermé en juin suite à la pression des syndicalistes de la station de Jebel Oust. Une fermeture qui ne fait que sanctionner les dépendants voulant se libérer d'une substance quelconque. Les prétextes présentés par le ministère de la Santé publique prétendant fermer le centre pour des travaux de réaménagement et pour réviser la loi régissant les stupéfiants ne sont pas convaincants. Il est possible d'effectuer ces révisions tout en assurant un service aux toxicomanes. Est-il logique et admissible de « sanctionner » un service expert dans la formation, l'information et la sensibilisation contre ce phénomène ? Les associations seront-elles capables à elles seules de répondre aux besoins dans le domaine et limiter surtout ce fléau ?
Il s'agit en fait d'un service pilote. C'est la seule structure de référence qui permis depuis 1998 de développer le statut universitaire du service en matière de recherche de formation et de soins de toxicomanes. C'est ce qu'explique le Professeur Jouda Ben Abid chef du service de l'Espoir au complexe sanitaire de Jebel Oust. Interview.
*Le Temps : Parler de la toxicomanie, ça a toujours été un sujet tabou en Tunisie ?
-Pr Jouda Ben Abid : La toxicomanie n'a pas été un sujet tabou. Il y a toujours eu des articles dans les journaux quand le service l'Espoir a été crée par la volonté de l'ex-président. Il est venu en 1998. Il a déclaré que la toxicomanie doit être traitée régulièrement. Mais ce qui est tabou c'est de parler du trafic local de drogues et du nombre croissant des toxicomanes. Pour nous qui avons contribué à la création de ce service, la visite du président et le fait qu'il nous envoyait des journalistes nous a laissé croire qu'il y avait une réelle volonté politique pour traiter ce phénomène complexe.
*Comment la toxicomanie est-elle un phénomène complexe ?
-C'est un phénomène qui se développe quand l'environnement est favorable à cela, c'est-à-dire l'environnement social et tout ce qui peut rendre vulnérable les individus et les fragiliser telles que la pression économique, sociale et affective. Ce phénomène touche d'ailleurs, aussi bien les riches que les pauvres. Il concerne les jeunes d'une moyenne d'âge de 25 ans. Mais il faut rappeler qu'ils commencent jeunes à dépendre des substances, d'où des risques grandissants.
*C'est à l'adolescence que ces jeunes commencent à dépendre des substances ?
-La toxicomanie débute lors de l'adolescence, période où l'individu a besoin de s'affirmer et où il commence à s'opposer à ses parents. Pendant cette période de vulnérabilité, le jeune va chercher des solutions à ses problèmes à l'extérieur de sa famille, et c'est là où la politique joue un rôle fondamental, d'une part à travers les solutions qu'elle offre aux jeunes (intégration sociale, formation professionnelle, loisirs…) et d'autre part, par tout ce qui peut canaliser les jeunes vers des choix constructifs.
*Malheureusement, nous enregistrons un manque à ce niveau
-Cela manque en Tunisie. Nous savons que malgré le discours qui a été fait en faveur de la jeunesse, les programmes et les espaces destinés aux jeunes ont été limités, sans parler du manque d'encadrement. D'ailleurs, dans tous les nouveaux quartiers y compris les luxueux, les terrains conçus pour la construction des espaces de loisirs ont été occupés par les bâtiments.
Par contre, la pression pour la réussite, les programmes scolaires sont de plus en plus chargés, et n'y résistent que les jeunes les plus solides. Même l'argent ne suffit pas pour les protéger contre les dérives. Il ne faut pas aussi oublier l'effet du stress qui est de plus en plus important dans notre société. Il touche les enfants et les adultes. A cela s'ajoutent les phénomènes de mode et les moyens d'information qui s'introduisent sans qu'il y ait une éducation spécifique pour un bon usage. Face à ce phénomène, il est facile et habituel d'accuser ou de responsabiliser les parents et c'est politique, ce qui permet d'ailleurs, aux responsables politiques de se décharger du problème. Les parents sont responsables de la petite famille et les politiques du national. En fait, les parents ont un rôle lors de la petite enfance, mais il faut arrêter des réponses d'ordre social pour les adolescents. On demande aux parents de surveiller les enfants et on oublie que pendant l'adolescence, ils ont de moins en moins la possibilité de le faire. A cet âge, tout en restant vigilants et continuant à surveiller à distance, les parents doivent encourager l'autonomie de leurs progénitures. Il faut qu'ils les encouragent à ça, leur apprendre à s'intégrer dans la société et à acquérir une relative autonomie.
*En quoi consiste le rôle des hommes politiques alors ?
-Le rôle général est d'offrir une ambiance de développement et des lois en faveur de ces jeunes. Cela ne manque pas d'ailleurs à ce niveau. Tout ce qui a été fait et qui sera fait en leur faveur pour améliorer les conditions de vie aussi bien dans le domaine économique que social, éducatif et culturel, constitue une amélioration de la santé psychiatrique et réduit la vulnérabilité à de tels fléaux.
De manière plus spécifique, deux volets sont essentiels et importants, le premier c'est la lutte contre le trafic (la réduction de l'offre). C'est ce volet là qui a fondé les conventions internationales auxquelles la Tunisie a adhéré. Ces conventions s'intéressent beaucoup plus à la réduction du développement du trafic, les mafias…Le deuxième volet également important, c'est la lutte contre l'usage de ces substances. Les conventions internationales tout comme les législateurs pensaient que s'il n'y a pas de personnes qui achètent cela réduit le trafic. Malheureusement, en Tunisie comme dans tous les pays du monde les phénomènes sociaux sont plus diversifiés et la pénalisation de l'usage est loin de réduire le fléau. Elle n'a fait que servir l'intérêt des trafiquants et ce parce que l'adolescence est une période de vulnérabilité. La peur d'une condamnation et de la prison fait que les personnes sont piégées par les trafiquants qui eux savent comment exploiter leur vulnérabilité. Ils ont peur d'en parler ce qui accentue le stress du jeune consommateur lequel entre dans un cercle vicieux de dépendance au produit et au vendeur. Même les familles quand elles découvrent ce problème ont peur des conséquences (prison, rejet social…). Cette situation fait que dans tous les pays qui ont une législation répressive par rapport à l'usage, il y a échec total de la prévention. En fait la prévention doit se baser dans une première phase sur le développement de programme d'information et de sensibilisation pour apprendre aux jeunes à se protéger face à ce danger, il s'agit de la prévention primaire. La deuxième phase doit se baser sur le dépistage précoce des personnes dès les premières consommations, d'où la prévention secondaire et ce pour éviter l'usage et la dépendance. En Tunisie on agit sur les lois en interdisant le produit cela n'empêche pas la consommation des substances.
Une autre raison pour laquelle on échoue en Tunisie, est que les substances qui donnent lieu à une toxicomanie ne cessent d'augmenter. En fait les produits interdits par la loi sont inscrits sur la liste des stupéfiants. Toute personne qui consomme et/ou qui distribue est punie par la loi. Le consommateur est ainsi considéré comme un criminel en Tunisie au même titre que le trafiquant. Même les articles de loi qui régissent l'orientation vers les soins ne tiennent pratiquement pas compte des spécificités de cette pathologie et restent entièrement imprégnés d'une approche répressive face à ce phénomène où la notion de la dépendance qui implique qu'il s'agit d'une maladie chronique presque comparable à un cancer, et donc où le phénomène de rechute est quasi constant surtout quand on intervient tard.
*Il importe ainsi d'intervenir tôt.
-Le traitement sera d'autant plus efficace qu'il va soigner les causes de cet usage (les causes psychologiques, sociales, familiales, économiques).
*La loi tunisienne actuelle permet-elle de soigner les gens ?
-Elle a permis au service l'Espoir d'accueillir et de prendre en charge plus de 1500 patients depuis son ouverture en novembre 1998 dont 50 % seulement étaient des détenus.
*Quels sont les critères d'affectation des prisonniers dans le centre de l'Espoir pour poursuivre une cure de sevrage ?
-Les critères n'ont rien à voir avec ceux médicaux. Il y a eu beaucoup de débat avec le ministère de la Justice en attendant l'application des recommandations que nous avons formulées pour l'application des critères scientifiques et médicaux. Ce sont des critères administratifs, liés à la nature de la condamnation et aux antécédents judiciaires. D'ailleurs, les détenus sont pris en charge gratuitement, ce qui a posé problème. Le ministère de la Justice fonctionnait comme si le service était une prison spécialisée dans le sevrage des détenus qu'il souhaitait adresser alors qu'en réalité et ceci nous n'avons cessé de le rappeler, le service est entièrement et exclusivement sous la tutelle du ministère de la Santé publique.
Quant à sa gestion financière c'est celle d'un établissement public de santé avec ce que cela implique d'autonomie financière et c'est là où le bat blesse. Le complexe sanitaire de Jebel Oust étant un EPS et le service de l'Espoir est un service hospitalo-universitaire comme les services des hôpitaux du Razi, La Rabta…et selon la législation des hôpitaux, les patients qui s'y adressent doivent bénéficier des mêmes droits que dans tous les hôpitaux du même type, d'autant plus que les toxicomanes qui ont peur de la loi s'adressent à ces structures. Beaucoup poursuivent d'ailleurs des cures de désintoxication et de prise en charge dans ces services. Ils s'adressent aux autres structures où les frais sont plus importants et la prise en charge moins efficace. La loi de la toxicomanie n'est pas appliquée à ce niveau.
*Le centre L'Espoir est victime d'une étiquette alors ?
-L'étiquette de la toxicomanie a été collée au service de l'Espoir. Elle a servi de prétexte à toutes les discriminations à l'égard des patients qui s'adressent au service. C'est le paradoxe qu'ont réussi à créer les responsables politiques qui ont présidé à la création du service et c'est contre cette discrimination que nous n'avons jamais cessé de lutter ouvertement sous le régime déchu. Malheureusement trop de gens avaient intérêt à ce que le fonctionnement de ce service soit bloqué. Cependant et malgré tous ces obstacles, nous avons réussi à développer une stratégie de soins ouverte à toutes les catégories de toxicomanes consommant des produits licites (alcool, colle…) ou illicites (stupéfiants, hachich, cocaïne, héroïne…).
Nous avons partagé en deux le service à partir de 2003 pour accueillir les détenus et les civils ce qui nous a permis d'accueillir tous les demandeurs de soins même les libres qui utilisent des stupéfiants qu'ils soient des alcooliques ou dépendants à des médicaments. La prise en charge ne se limite pas à l'hospitalisation. Toute une activité de soins aux ambulants a été développée d'où la prévention primaire et secondaire.
*Le centre a dû faire face à des obstacles ?
-Ils sont de deux types à savoir les obstacles liés à la population à soigner et la désinformation des gens malgré tout ce que nous avons fait à ce niveau. L'autre obstacle est d'ordre économique et politique. Au niveau économique, l'accueil des détenus sans compensation financière n'a fait que couler le complexe sanitaire de Jebel Oust. D'autre part et malgré son statut, le complexe sanitaire est le seul EPS à assumer de façon intégrale la charge salariale d'autant plus qu'il a hérité d'une masse importante de personnel qui appartenait au ministère du Tourisme.
* La fermeture du Centre l'Espoir est certes une perte pour les toxicomanes qui veulent poursuivre des cures.
-En fait, je me pose la question à qui profite la fermeture du centre ? Certainement pas aux malades, à la société, puisque le phénomène ne cesse d'augmenter et certainement pas à la CNAM qui paye cent fois plus les complications de la toxicomanie (prise en charges de l'hépatite, des infections multiples, des problèmes cardiaques, l'hospitalisation dans les cliniques…). Tous ceux qui peuvent s'enrichir en profitant des trafics multiples liés à la drogue. Mais ce qui est plus grave, qui profite de la souffrance et de la détresse des familles ?
*Etes-vous pessimiste ou optimiste par rapport à la reprise de l'activité du service ?
-Je ne suis pas pessimiste parce que la Révolution a révélé tout le dessous des obstacles politiques au développement d'une véritable stratégie de soins, mais ce que je crains le plus c'est que devant la multiplicité des urgences, les gouvernements actuels et à venir, continuent malgré les dangers et les conséquences déjà visibles pour tous à croire que la prise en charge de ces fléaux peut encore attendre. Cette attitude risque d'être dramatique pour l'avenir de notre jeunesse assoiffée de liberté et manipulable à merci par les bandes organisées de trafiquants qui profitent de la désorganisation transitoire de notre société.
Propos recueillis par Sana FARHAT

Taha Zine El Abidine, Directeur du Complexe de Jebel Oust
«Ça arrive qu'une institution s'arrête pour s'évaluer»
Taha Zine El Abidine, Directeur du Complexe de Jebel Oust, déclare que le service l'Espoir a été fermé pour une période le temps d'évaluer les résultats du travail après 13 ans d'exercice. « Ca arrive qu'une institution s'arrête pour s'évaluer et mieux repartir », ajoute le Directeur tout en précisant « qu'il y a trop de spéculations par rapport à cette question ». Le directeur parle également, de la propagation du phénomène de la toxicomanie en Tunisie et de la limite de capacité d'accueil du centre l'Espoir, d'où l'importance de son extension. Il évoque aussi la révision de la loi de prise en charge des toxicomanes. « Une loi qui ne leur permet de suivre une cure qu'une fois seulement ». Par ailleurs, « des travaux de réaménagement seront effectués dans la station, d'où sa fermeture », toujours d'après le Directeur.


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