Invité par l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprises, section de Sfax, le ministre des Finances, M. Jalloul Ayed a présenté le « Plan Jasmin » qui ambitionne d'opérer une restructuration de l'économie nationale porteuse de prospérité. Mais avant d'aborder ce sujet, le conférencier a mis en lumière deux réformes capitales relatives à la micro finance et au capital risque pour impulser le financement des projets et créer de l'emploi. D'après le ministre des Finances, une fois la transition démocratique réussie, grâce aux atouts de la Tunisie en matière tels le PNB par habitant, l'espérance de vie , l'égalité entre l'homme et la femme, l'existence d'une classe moyenne assez forte et surtout la profondeur civilisationnelle, la consolidation démocratique pourrait être envisagée avec espoir vu les conditions favorables dont peut se prévaloir notre pays, soit l'Etat de droit caractérisé par la séparation des pouvoirs, la société civile, vrai rempart contre les dérapages, les institutions bien solides comme l'armée républicaine ou les institutions économiques et surtout un prochain gouvernement fort issu de la légitimité populaire. Gestion de l'attente « Il reste quand même, une cinquième condition qui manque encore : c'est la prospérité qu'il n'est pas possible d'assurer du jour au lendemain, ce qui nécessite en attendant, la gestion de l'anticipation de l'attente. Le gouvernement provisoire a pris des décisions en ce sens mais ce ne sont que des palliatifs. Or, ces mesures ont mobilisé des fonds très importants. A titre d'exemple, l'Etat aura déboursé 400 millions de dinars d'ici la fin 2011, dans le cadre du programme « Amel ». On pourrait citer également les incitations fiscales qui vont coûter au budget de l'Etat le montant de 5 milliards de dinars. On a alloué aussi 250 millions de dinars pour le développement régional. Mais on s'en sortira quand même avec un déficit de moins de 4%. » Promotion du micro financement La priorité la plus urgente étant de créer de l'emploi, M. Ayed, a mis l'accent sur deux réformes structurelles. La première a porté sur la micro finance. A ce propos, il a précisé que 6000 microcrédits déjà approuvés n'ont pas pu être attribués faute d'autofinancement. Pour éluder la difficulté une issue a été trouvée : « Finalement d'ici le 23 octobre 3000 demandes en microcrédits seront satisfaites dans le cadre d'une solution sociale. Par ailleurs les 280 associations de la micro finance vont bénéficier d'un soutien accru en les professionnalisant davantage avec la promotion de leur cadre réglementaire», assure-til. Le capital risque, levier privilégié La deuxième réforme a pour objet le capital risque : « En Tunisie nous avons les SICARS dont certaines ont réussi, mais ces SICARS dénaturent en réalité le capital-risque. Cela nous amène à nous interroger sur le concept d'investissement, très sophistiqué dans les pays développés qui ont soigné l'acte d'investir, ce qui revient à dire qu'il faut séparer le financement du capital, ce qui n'est pas le cas en Tunisie et dans d'autres pays. Par exemple, nous avons un système financier assez fort, avec des banques qui accordent des crédits et non pas des capitaux. Par conséquent, il faut qu'il y ait des compétences et une industrie du capital-risque car si on parvient à professionnaliser l'investissement chez, nous jetterons les bases de la réussite. » Professionnalisation des Sicars Le conférencier a par la suite exposé quatre types de capital-risque : le premier est « le capital-risque», injecté dans une entreprise nouvelle. En Tunisie, ce genre de capitaux est assuré par les Sicars, sociétés qui quoique obtenant des incitations fiscales en amont et en aval, n'ont le droit d'exercer que dans certains secteurs et uniquement dans les régions de l'intérieur. Dans la nouvelle réforme, leur activité couvrira tous les secteurs de l'économie, à l'exception de celui de l'immobilier résidentiel, non créateur de valeurs. Par contre, les incitations fiscales dont elles bénéficient jusqu'à présent seront revues progressivement à la baisse. Dorénavant, elles bénéficieront d'incitations à la sortie, au bout de cinq ans, pour encourager les projets à moyen et à long termes, avec toutefois une mesure exceptionnelle ramenant cette période à deux ans en faveur des projets à niveau d'employabilité élevé. En revanche, elles seront professionnalisées de façon à devenir d'authentiques « capital risqueurs », c'est-à-dire des spécialistes en capital investissement. Le deuxième type de capital risque est « le capital-développement » qui sert à accompagner le développement en capital, d'une entreprise déjà implantée mais qui n'a pas les moyens de s'agrandir. LBO et réforme des banques La réforme prévoit également un troisième type, celui du « capital-transmission » lequel concerne les cas d'entreprises léguées dans le cadre d'une succession. Généralement les héritiers ont recours à des crédits bancaires à haut niveau de levier. Il s'agit des « leveraged buy-out » ou LBO. Plus le levier est haut, plus le risque devient grand. Par conséquent, nos banques sont appelées à se doter des compétences nécessaires pour pouvoir analyser les dossiers LBO. C'est d'ailleurs l'objet de la réforme préconisée pour les institutions bancaires. Cependant, pour les promoteurs réticents à l'idée d'ouvrir leurs entreprises familiales à des capitaux étrangers, la formule adaptée est celle des fonds mezzanine, un niveau intermédiaire entre la dette et le capital. Les tiers pourvoyeurs de ces fonds, ne participent pas au capital mais auront droit aux bénéfices à des taux convenus, à hauteur de 12% à 15%. Le troisième type prévu par la réforme est « le capital- retournement » : celui-ci concerne les cas d'entreprises qui accusent un déficit à l'instar de nombreuses unités hôtelières. A l'exception de cinq cas, ce genre de capitaux est inexistant en Tunisie. Booster les investissements privés Sachant que la finalité des réformes ci-haut mentionnées est la promotion de l'emploi, sachant également que la création de 700 mille emplois nécessite des fonds de l'ordre de 35, milliards de dinars, (soit 50 mille dinars par poste d'emploi), la question capitale est de savoir qui va assurer les investissements requis. D'après M. Ayed, de toutes les façons, ce ne pourrait pas l'Etat, vu les risques d'alourdissement de l'endettement qui pourraient en découler, même, si pour la Tunisie, il ne représente que 40% du PNB, alors que la moyenne européenne est de 85%. Par conséquent, la meilleure alternative revient à doter les investisseurs privés de la force de frappe adéquate, comme préconisé dans le « Plan jasmin »