L'Institut Arabe des Chefs d'Entreprise a abrité hier à son siège, une rencontre-débat autour du Programme économique et social du gouvernement de transition, sous le Patronage du Premier Ministre, Béji Caïd Essebsi et en présence des ministres des Finances, Jalloul Ayed, du Développement Régional, Abderrazak Zouari, de l'Industrie et de la Technologie, Abdelaziz Rassaa, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Saïd Aydi, de la Planification et de la Coopération Internationale, Abdelhamid Triki et avec la participation de représentants des Partis politiques, de la Société Civile, des Chefs d'Entreprise. « La Tunisie a connu une Révolution populaire menée par des jeunes sans idéologie aucune et sans prétention de leader non plus et qui a réussi à faire chuter le régime » déclare Béji Caïd Essebsi à l'ouverture de la rencontre-débat. “Une situation désastreuse ” Selon le Premier ministre, la situation actuelle du pays est désastreuse : des entreprises incendiées, des entreprises fermées, une croissance aux alentours de 0%, le chômage grimpant, surtout celui des diplômés du supérieur ayant atteint les 140000 etc. Aussi est-il question de défaut de sécurité dans le pays et une faiblesse médiatique évidente. Ces aspects taxent la situation sociale, économique et politique d'instabilité menaçante et il devient de plus en plus urgent d'y remédier. Les grands moyens doivent donc être déployés de manière immédiate en mettant en place un projet prompt. « Il importe de briser le déséquilibre interrégional en Tunisie, en finir avec le favoritisme des régions côtières à celles intérieures. » dixit le Premier ministre. Pour ce faire, un programme a été mis sous étude pendant deux semaines, spécifique aux entreprises tunisiennes qui offrent leur aide de façon volontaire à travers un financement exclusivement tunisien. L'objectif étant de montrer la capacité du pays à sortir du gouffre économique, se creusant chaque jour davantage en s'autofinançant et sans faire appel à des fonds étrangers. Ainsi le gouvernement de transition ambitionne-t-il de créer pas moins de 60000 postes d'emploi par le biais de la mise en place du programme d'urgence, dont 20000 emplois au sein de l'administration. Selon les dires de Béji Caïd Essebsi, il est impératif de fournir aux employés un climat de travail sain pour une meilleure productivité et afin de hisser l'économie tunisienne au plus vite. Par ailleurs, quant à la question de la vague des grèves qui envahit le pays depuis la Révolution, le Premier ministre a qualifié l'attitude des citoyens de « capricieuse » et qu'elle ne débouche sur aucune issue efficace. Certes, nous savons parfaitement bien que l'arrêt de travail dans plusieurs entreprises qu'elles soient étrangères ou tunisiennes dégage un manque à gagner colossal à l'économie nationale, rien que par le flux des chômeurs qu'elle déverse. Le fait est que les employés s'obstinent à ne reprendre le travail qu'en contre partie d'une réponse favorable à leurs revendications d'ordre social. Le Premier ministre privilégie la piste du complot derrière la tenue de ces grèves, ceux qui ne veulent pas le bien de la Tunisie et qui ont beaucoup à gagner à la destruction de son économie. Un plan Marshal d'investissement Béji Caïd Essebsi, à sa sortie, a été vivement applaudi par l'audience, bigrement apprécié pour son humour inhabituel des hommes politiques et laissant la parole à Jalloul Ayed ministre des Finances pour faire part des quatre éléments fondamentaux du programme en question. « Nous n'avons pas le droit à l'erreur mais nous avons le droit de rêver d'une Tunisie meilleure. » Voilà les premiers propos fort optimistes du ministre et qui ont été objectivement bien argumentés. Le programme a été mis en place en partant de la réalité du pays et se basant sur les différents aspects de sa situation actuelle. La mise en place des mesures d'urgence a pour objectif la résolution du problème de chômage, assurer les bonnes conditions pour la relance économique ainsi que la relance des activités dans les régions défavorisées. En ce qui concerne le programme d'urgence, il s'agit de quatre initiatives de deux natures : fiscale et financière. Jalloul Ayed a précisé qu'il était à l'écoute des entreprises concernées afin de mieux comprendre leur besoin et d'y répondre adéquatement. Ainsi, la première mesure en question est-elle une première selon le ministre des Finances, elle est même « audacieuse », c'est l'avance sur l'impôt pour les entreprises. Une autre mesure concerne l'investissement dans les régions qui sera insoumis à l'impôt afin de mieux inciter les entreprises à s'y installer et donc à réduire l'écart entre les régions. De plus, les entreprises exportatrices, de surcroît celles qui exportent vers la Libye et l'Egypte, pourront écouler leurs marchandises sur le marché local à hauteur de 50% au lieu de 20% et 30%. En outre, aux dires du ministre, il est possible d'atteindre un chiffre de 20000 postes d'emploi créés en cette année contre les prévisions de 80000 lorsqu'il était question de 5% de taux de croissance économique. « C'est un coût élevé, en effet, mais il faut bien payer le prix de cette Révolution. » précise Jalloul Ayed. Par ailleurs, il est impératif d'opérer deux réformes : celle du secteur public et celle de l'administration qui devrait devenir plus moderne et plus efficace en étant dotée davantage de moyens. De plus, il faut un plan économique basé sur une infrastructure, le fondement même d'un développement qui réussit et qui permet la réduction de l'écart entre les régions. La question qui se pose est comment assurer ces investissements de la manière la plus efficace ? Car ce type d'investissement demande des moyens importants qui ne sont pas forcément disponibles en cette conjoncture difficile. Il faut, déjà instaurer un cadre réglementaire pour l'ensemble de la micro finance. Les investisseurs devront apprendre à prendre plus de risques et c'est tout un métier. A propos de finance islamique Sur un autre plan, le ministre des Finances a évoqué la question de la finance islamique qui requiert un intérêt capital. Parce que c'est la finance islamique qui ramène les flux des capitaux et non pas les banques islamiques. Selon Jalloul Ayed, Christine Lagarde s'est trompée en voulant faire installer les banques islamiques en France pensant que c'est la solution pour l'injection des flux dans l'économie du pays. Le ministre des Finances remet aussi en question la structure du système bancaire qui demande une réforme très profonde, notamment la gestion des risques et la gouvernance, car ce système peut devenir un vrai moteur de l'économie nationale. La Tunisie est l'un des rares pays au monde qui a son système bancaire à la traîne derrière l'économie. D'ailleurs, les banques les plus concernées par la réforme sont celles publiques, donc sont les prioritaires quoi que la réforme prendra au moins cinq années. En outre, il faut développer le marché des capitaux plus rapidement sachant que l'expérience de la Tunisie en la matière est très modeste. « Je suis optimiste et serein quant à l'avenir économique de la Tunisie surtout avec le plan Marshal d'investissement mis en place. » a affirmé Jalloul Ayed. Par ailleurs, il a de même été question des augmentations de salaire, devenue une question de rapport de force, des conventions collectives et de la citoyenneté sociale des entreprises. Le gouvernement de transition nous propose donc un programme d'urgence, un plan Marshal, aux allures perspicaces, pour sauver l'économie tunisienne, cocorico et total respect. Encore faut-il que le festival des grèves auquel nous assistons s'achève.