• Au vu de l'article 10, huit membres du bureau sortant, dont Jerad, n'ont plus le droit de briguer un nouveau mandat L'Union générale tunisienne du Travail (UGTT) tiendra son 22ème congrès les 26, 27 et 28 décembre à Tabarka. La centrale syndicale a déjà annoncé, dans un communiqué rendu public vendredi dernier, l'ouverture des candidatures pour le bureau exécutif de l'union, la commission nationale du règlement intérieur et la commission nationale du contrôle financier, à partir du mercredi 7 décembre 2011. Le dernier délai de dépôt des candidatures a été fixé pour le 16 décembre 2011 à 18h00. Ce congrès de la doyenne des organisations syndicales dans le monde arabe, qui a désormais deux concurrentes (la Confédération générale tunisienne du travail de Habib Guiza et l'Union des travailleurs de Tunisie de Ismaïl Sahbani, ndlr) se tiendra sur fond d'une crise de crédibilité. Après avoir été depuis l'indépendance de la Tunisie un véritable contre-pouvoir face à un régime monolithique et hostile à toute forme d'opposition, l'UGTT s'est retrouvée au lendemain de la révolution accusée d'avoir entretenu des relations incestueuses avec le palais de Carthage. Le dernier rapport de la Commission d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CICM) accusant le secrétaire général de l'organisation d'«abus de pouvoir et de malversations» sous le règne de Ben Ali n'a fait qu'enfoncer le couteau dans une plaie déjà saignante. Depuis la chute de l'ancien régime, la colère gronde contre la direction du syndicat fondé en 1946, auprès des manifestants et même chez les syndiqués eux-mêmes. Après «Ben Ali dégage» et «Ghannouchi dégage», le slogan «Abdessalem Jerad dégage» a été brandi durant plusieurs mouvements de protestation. Crédibilité d'antan Outre des présumées malversations qu'aurait commises par le secrétaire général de l'organisation, accusation que la direction de l'organisation a vigoureusement démenti, les protestataires pointent du doigt la tentative du Bureau exécutif de l'UGTT de sauver un régime aux abois durant les premières semaines de la révolte populaire. Ils rappellent notamment les déclarations de Jerad, qui affirmait début janvier dernier sur les colonnes de journaux que les rassemblements de soutien aux manifestants de Sidi Bouzid organisés par certains syndicats traditionnellement combatifs comme ceux de l'enseignement et de la santé «n'engageaient pas l'organisation». Sous la pression grandissante de la base, la direction de l'UGT avait fini de se rallier aux revendications du peuple révolté, mais le mal était déjà fait. Accessoirement, les manifestants dénoncent le «soutien aveugle» du Bureau exécutif aux revendications post-révolutionnaire démesurées de milliers de salariés Dans ce contexte, le congrès de l'organisation ouvrière devrait prendre les allures de petite révolution dans la révolution. L'enjeu majeur qui revient sur toutes les lèvres est de rompre avec les pratiques du passé et de redonner à l'organisation sa crédibilité d'antan. «La direction sortante, qui s'est longtemps alignée systématiquement sur les positions officielles, a fini par perdre son indépendance et par renoncer à la défense des salariés. L'organisation doit, par conséquent, faire sa révolution et nos camardes sont à élire des dirigeants militants, honnêtes et incorruptibles», martèle Radhi Ben Hassine, ancien membre du Bureau exécutif de l'Union régionale du travail de Tunis et porte-parole d'une «plateforme pour la réhabilitation de l'UGTT» baptisée «La Rencontre syndicale démocrate et militante». Tractations autour de la constitution des listes Au regard des enjeux colossaux du 22ème congrès de la centrale syndicale qui revendique plus de 500.000 adhérents, on s'attend à un nombre très élevé de candidatures au Bureau exécutif national qui est l'une des plus hautes instances dirigeantes de l'organisation. En vertu de l'article 10 du règlement intérieur, qui limite le nombre des mandats successifs des membres du Bureau exécutif à deux seulement, huit membres du Bureau exécutif sortant n'ont plus le droit de briguer un nouveau mandat. Il s'agit d'Abdessalem Jerad, Ali Romdhane, Mohamed Saâd, Mohamed Chendoul, Ridha Bouzriba, Mohamed Sehimi, Moncef Yaacoubi et Abid Briki. Les autres membres du Bureau sortant (Belgacem Ayari, Hassine Abbassi, Mouldi Jendoubi et Moncef Ezzahi) envisagent, quant à eux, de se représenter dans le cadre d'une liste consensuelle regroupant, entre autres, Noureddine Tabboubi (actuel secrétaire général de l'union régionale de Tunis), Mohamed Mesalmi (secrétaire général de l'union régionale de Ben Arous) et Kamel Saâd (secrétaire général de la fédération du tourisme). Une deuxième liste devrait être parrainée par les initiateurs de «La Rencontre syndicale démocrate et militante». Cette liste se composerait, entres autres, de Radhi Ben Hassine, Taoufik Touati (ancien secrétaire général de l'Union régionale de Tunis), Jilani Hammami (ancien secrétaire de la fédération de la poste), Zouhaïr Jouini (ancien membre du Bureau exécutif du syndicat de l'enseignement secondaire) et Hédi Mesahli (ancien membre de l'union régionale de Ben Arous). Précision de taille: une quarantaine de responsables syndicaux proches du mouvement islamiste Ennahda ont tenu récemment une réunion de coordination pour déterminer la stratégie qu'ils vont suivre lors du congrès. Les tractations se poursuivent entre les autres mouvances proches des partis politiques certains, dont la présence volontairement feutrée n'en est pas moins active, notamment lors des réunions électives. De manière générale, les cartes demeurent encore très brouillées.