Les amateurs du 4è art étaient au rendez-vous vendredi 06 janvier avec le spectacle d'ouverture de la 15è édition des Journées Théâtrales de Carthage qui s'est tenu à la coupole d'El Menzah. Il s'agit de la pièce intitulée « Thaouret Saheb al himar », mise en scène, dramaturgie et dialogues de Fadhel Jaziri. Un nouveau projet théâtral inspiré du livre « Thaouret Saheb al Himar » (La révolte de l'homme à l'âne) de l'écrivain Ezzeddine Madani. Fadhel Jaziri qui nous a habitués à ses méga spectacles a choisi la coupole pour présenter son œuvre grandiose qui comprend au moins une trentaine de comédiens et plus d'une centaine de figurants, à part les membres de la troupe musicale qui ont assuré la musique de fond et des chansons, sans parler des dizaines de techniciens et de spécialistes qui ont travaillé sur la lumière, le son, les costumes… Un spectacle complet qui a certainement nécessité plusieurs moyens logistiques, techniques et artistiques et surtout plusieurs mois de préparatifs et de répétitions. La pièce retrace les grands moments de la révolte qui a secoué Ifriqiya, révolte dont l'instigateur était un agitateur surnommé « l'homme à l'âne » qui a voulu durant 13 ans mettre fin au règne des Fatimides (10ème et 11ème siècle) à Kairouan et Mahdia. C'est une interprétation artistique libre du mythe de Bouzid, l'homme à l'âne, qui, de révolutionnaire combattant pour la liberté et la justice, s'est transformé en tyran sanguinaire dès la prise de Kairouan. Il a détruit Sfax, mis le feu à ses oliveraies et empoisonné ses sources d'eau. Il a enfin assiégé Tunis et installé ses troupes dans une de ses proches banlieues. Il installa alors un régime de violence, de répression et de corruption durant lequel lui et ses proches ont fait la pluie et le beau temps. Mais un jour, la sédition a éclaté parmi ses alliés et l'a emporté ainsi que les siens… L'histoire nous rappelle un peu le régime du président déchu et de sa famille mafieuse ! C'est une adaptation du texte original de Ezzeddine Madani pour brosser un tableau de la conjoncture actuelle du pays : la révolution et après ? En effet, nous passons par une période délicate où la prudence est de rigueur, de peur que la révolution ne se retourne contre les révolutionnaires. Cette œuvre théâtrale passe pour un témoignage d'un mouvement historique connu par Tunisie : la Révolution. La performance des acteurs était formidable à part quelques déficiences survenues au niveau de la sonorisation, ce qui provoqua un certain remue-ménage parmi une partie du public. De même, les deux perchmen, chargés de manier la perche à micro au- dessus des comédiens qui parlaient, étaient parfois dérangés par les mouvements souvent rapides effectués sur scène par les acteurs, ce qui empêcha une bonne prise de son. Hechmi KHALLADI
Témoignages *M. Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture : « C'est une pièce basée sur un texte patrimonial, historique, présentée avec une nouvelle approche et dont les thèmes principaux sont la violence, le désordre qui régnaient à une époque donnée de l'histoire de Tunisie, mais aussi la capacité d'affronter certains problèmes de l'époque afin de construire l'avenir, qui est notre présent aujourd'hui. Le personnage Ibn Abou Dhiaf qu'on a vu dans la pièce, ce scribe chargé d'écrire l'histoire et de reproduire les faits sur son ordinateur, est une allusion aux actuels réseaux sociaux, en l'occurrence Face book, qui ont suivi la chronologie de la Révolution » *Ezzeddine Madani, dramaturge : auteur de «la révolte de l'homme à l'âne» d'où est inspirée la pièce de Fadhel Jaziri : « C'est la version personnelle choisie par le metteur en scène de mon texte original. Et ce n'est pas mal du tout comme adaptation tant que l'esprit du texte y est. Il a interprété le texte en l'adaptant à la conjoncture actuelle dans le pays. Il a en quelque sorte modernisé le texte original qui est plutôt anachronique. Propos recueillis par : H.K
Les à-côtés : ** Il était 19h45 mn quand on a ouvert les portes au public, alors que l'équipe technique essayait encore le matériel de sonorisation, si bien que la pièce a commencé à 20h15 mn, soit un quart d'heure de retard. **Le public était assez nombreux, presque les des sièges étaient occupés ; mais à plusieurs reprises, des huées et des sifflements provenaient du côté gauche de la coupole pour protester contre la mauvaise qualité du son. **Plusieurs hommes de culture étaient présents à ce spectacle d'ouverture, notamment Mehdi Mabrouk, ministre de la culture, Wahid Saâfi, directeur des JTC et Ezzeddine Madani. ** Malheureusement, le spectacle a été perturbé plus d'une fois suite à des trouble-fêtes qui lançaient des paroles incongrues à l'encontre du metteur en scène, Fadhel Jaziri, en scandant : « Ya jaziri Amelt El ârr, Wini al thaoura ya hmarr ». Certains disaient que c'étaient des énergumènes venus spécialement pour saboter le spectacle, d'autres pensaient qu'il s'agissait de quelques spectateurs qui, désappointés par le spectacle, ont manifesté leur mécontentement de la sorte.