Le rapport entre politique et culture est souvent conflictuel. Régulièrement, lorsque la politique et la culture se heurtent, c'est la liberté de la création qui déclenche et alimente leurs démêlés. Il suffit de faire une incursion dans l'histoire de notre culture pour s'apercevoir que, la censure n'a pas cessé d'inquiéter le théâtre, la poésie, l'art et la culture. Aujourd'hui comme autrefois, la polémique éclate autour de cette relation entre l'homme de culture et le politicien et c'est dans ce cadre que s'inscrit la table ronde organisée par le centre culturel Néapolis sur ce thème d'actualité après le 14 janvier. Sur ce sujet très brûlant, les avis des politiciens et des artistes sont partagés. Mohamed Tahar Ajroudi artiste et écrivain estime que cette relation a été souvent conflictuelle. « Ce que nous avons vécu pendant cette année nous interpelle sur plusieurs niveaux et nous pousse à nous pencher sur plusieurs questions. Je peux en citer quelques unes: Comment le politicien conçoit cette relation avec l'homme de culture? Comment le concept de la culture est pensé aujourd'hui par les différents acteurs politiques ? Les objectifs du dialogue politique -culture comprennent-ils la création d'un climat de confiance et la création de passerelles entre gouvernements et acteurs culturels afin d'analyser en commun les problèmes, d'identifier les politiques et les réformes institutionnelles qui peuvent conduire à un environnement plus favorable au développement de la culture? Hassen Ben Othman, journaliste écrivain et homme de théâtre a précisé que le thème culture et politique pose beaucoup d'interrogations sur la nature de cette relation. « Nous constatons, a-t-il dit, que cette relation a été toujours conflictuelle durant les 23 dernières années. La culture était enrôlée au service de la nation avec souvent cette promotion de l'image du pouvoir. L'art, le théâtre et même la musique défendaient une cause politique qui est celle de l'ancien régime qui favorise le pouvoir de l'Etat et des hommes qui le dirigent. La politique culturelle étend les moyens de propagande de l'Etat. En plus de vingt ans de dictature, le monde de la culture a beaucoup souffert. La censure a étouffé la créativité, l'absence de moyens financiers a démotivé les artistes et rendu impossible la réalisation de certains spectacles ou films». Pour un régime dépourvu de mécanismes démocratiques « traditionnels », le dialogue entre l'Etat et La culture était limité voire absent et comme l'a précisé l'écrivain et politologue Slah El-Jourchi, « le paysage culturel tunisien cache souvent politiquement les acteurs et des intervenants censés de jouer un grand rôle dans son élaboration dit- il . La politique peut freiner la culture voire même contribuer à sa destruction car l'homme politique dépourvu de connaissance et de savoir peut devenir sauvage et passer à des actes irréfléchis. La marginalisation de la culture se situe à trois niveaux. Tout d'abord quand le politique devient démagogue et impose ses valeurs. Ce qui contribue à la déformation des goûts et créer une nouvelle culture qui ne répond pas aux attentes du peuple contribuant à sa destruction. Le politicien pourra aussi utiliser les hommes de culture et la culture même pour son rayonnement. Ce système bloque toute activité culturelle créatrice et porte en lui les germes de son effondrement. Il faut signaler aussi que le politicien a toujours peur du culturel. C'est pourquoi il tente de le freiner . De ce fait, on constate un complexe chez le politique qui est souvent considéré comme un calculateur qui agit en fonction de ses intérêts. D'où ce conflit perpétuel entre les deux parties car souvent le culturel veut se libérer et garder ses distances vis-à-vis de l'Etat car il ne percevait pas le développement culturel comme un produit de la politique. Donc c'est tout un système qu'il faut changer et là la séparation politique- culture est nécessaire ». À l'instar de tous les secteurs de la société, le monde de la culture est donc appelé à se réformer en profondeur et à faire sa propre révolution. Mais il est essentiel que les autorités favorisent le développement d'une culture démocratique. L'acte artistique et culturel ne doit pas être l'émanation de la seule initiative de l'Etat. Dans une société démocratique, l'action artistique et culturelle doit aussi venir de l'initiative de la société civile et des acteurs indépendants.