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Création et révolution
L'art, hier et aujourd'hui
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 09 - 2011

La révolution déclenchée le 17 décembre 2010 a réussi à balayer le dictateur en moins d'un mois, soit le 14 janvier 2011. Elle a la particularité d'avoir été l'œuvre du peuple tunisien de l'extrême Nord à l'extrême Sud du pays qui a été l'artisan de toutes les données nécessaires pour agir, y compris l'information par les nouvelles technologies. Un événement sans précédent dans le monde. De plus, la révolution s'est propagée hors des frontières de la Tunisie. Qui peut prétendre avoir créé une œuvre artistique, ou autre, aussi grandiose et aussi significative que ce qu'a réalisé le peuple tunisien, avec le minimum de dégâts?
Cela ne veut pas dire que les artistes se sont croisé les bras : cinéastes, acteurs, plasticiens, photographes, musiciens, écrivains, caricaturistes, journalistes, poètes… se sont exprimés, chacun à sa manière. Ils ont éprouvé un besoin urgent de communiquer, ou de participer activement à la révolution qui, rappelons-le, se poursuit pour réaliser ses objectifs.
Comment se sont-ils exprimés? Est-ce qu'on peut parler de création? Est-ce qu'on peut créer une œuvre majeure—en se branchant à la révolution— en si peu de temps?
Il y a juste un siècle—en 1910—, éclata la révolution au Mexique, qui a mis du temps pour réaliser ses objectifs. Ce n'est qu'en 1923 que les artistes ont commencé à s'exprimer à travers la peinture murale comme moyen d'expression sous la conduite de Riveira Siqueiros…,et ce, après des événements divers, dont une guerre civile en 1914, des coups d'Etat successifs, l'élaboration de la constitution en 1917. Aussi, quand en 1928, on entama la construction du pays. Notre situation n'est, bien sûr, pas celle du Mexique de 1910, mais il y a quand même des leçons à tirer. La différence fondamentale est certainement le fait qu'au Mexique ceux qui ont fait la révolution ont pris le pouvoir. Chez nous, c'est une sorte de passation du pouvoir conformément à la constitution qui a eu lieu.
Ce sont des hommes formés par Bourguiba qui tiennent les rênes, espérons tout de même qu'ils nous mèneront à bon port. Passons aux événements et actions artistiques réalisés depuis le 17 décembre 2010, même si l'on ne peut pas tout citer, bien sûr. Pour ce qui est de la poésie, on se rappelle que Sghaïer Ouled Ahmed, poète rebelle, protestataire, sous les régimes de Bourguiba et Ben Ali, et probablement sous les régimes qui suivront, s'est naturellement constitué l'enfant de la révolution, a déclamé, fin janvier 2011, un poème relatant les événements qu'a vécus notre pays en évoquant, à sa manière, le drame de Bouazizi qui s'est immolé par le feu, dans un lexique simple, mais combien expressif et pénétrant.
Lors d'une soirée poétique à Hammam-Lif avec le caricaturiste Chedly Belkhamsa, Ouled Ahmed a déclaré : «J'ai fait ma propre révolution depuis plus de vingt ans, pour me libérer», une déclaration qui nous éclaire sur la responsabilité et le rôle de l'artiste qui, nécessairement, doit avoir les moyens techniques pour pouvoir prétendre réaliser une œuvre artistique, en plus du contenu, qu'il soit politique ou autre. Ceux qui n'ont pas perçu cette problématique ont produit des œuvres superficielles ou naïves.
Le rôle de l'artiste dans les circonstances actuelles ou face au pouvoir, c'est d'être lui-même.
Certains créateurs ont fait une lecture personnelle des événements. Chedly Belkhamsa, par exemple, a, depuis l'avènement de la révolution, réalisé au moins un dessin caricatural par jour, constituant ainsi une sorte de journal de la révolution. Notre artiste a saisi toutes les attitudes bizarres, contradictoires, aberrantes, géniales, stupides, constructives, destructives… qu'a vécues et vit encore notre société. C'est une lecture de l'esprit de la révolution, dans la rue et dans le milieu politique. Nous avons ainsi obtenu un lexique des mots-clés de cette étape : la dictature, la démocratie, la liberté, … Belkhamsa, avec son esprit ironique et satirique et son talent de dessinateur, a pu passer le message.
D'autres artistes ont puisé les thèmes de leurs œuvres dans les préoccupations et les revendications des masses populaires en réalisant des œuvres picturales ou des affiches sur la torture, le jugement et le châtiment du dictateur et sa suite. Certaines manifestations, qui ont eu lieu dans des places publiques, ont eu un écho favorable et constituent un acte créatif. C'est le cas de jeunes plasticiens qui ont réalisé une intervention plastique sur les carcasses des voitures de luxe ayant appartenu aux Trabelsi, dans un parking à La Goulette. Ce fut un acte instantané dont le but n'est pas de créer des œuvres d'art durables.
Passons à un autre mode d'expression dans la rue. Des anonymes ont utilisé les murs de la ville pour s'exprimer à travers des citations, dont la plus expressive et qui résume ce que le peuple tunisien a récolté de sa révolution‑: «la khaoufa baâda'l yaoum» (jamais plus peur, désormais).
En musique, prenons l'exemple de Lotfi Bouchnak qui a toujours été engagé sur tous les plans. Il y a quelques années, il a ressuscité la chanson palestinienne très particulière de Abdallah Haddad‑: «Ya khellati» qu'il a interprétée magistralement. Dans le sillage de cette chanson, il a composé dans la même atmosphère après la révolution, réussissant à toucher le public. Il faut dire qu'il compte dans son répertoire des chansons à caractère engagé, et même révolutionnaire, écrites par Adam Fathi, un militant de la plume. Citons : Cinéma, Hadhi ghnaya lihom, Sarajevo, Khouya'l insan.
Mohamed Jebali a, pour sa part, réussi une chanson qui peint les péripéties de la révolution, où il a inséré la voix du président déchu et des expressions abracadabrantes du sanguinaire Kadhafi. Jebali se renouvelle sans cesse dans chacune de ses chansons et nous estimons qu'avec un meilleur choix de paroles, il ira très loin. Les artistes confirmés ont beaucoup hésité (le cas de Jebali) avant de se mettre au travail à cause des mauvaises langues qui les accusent d'opportunisme (roukoub athaoura).
Quant aux chanteurs dits «engagés», leur objectif était, depuis les années 1970, de créer des chansons satiriques critiquant le pouvoir en place inspirées du vécu de la classe ouvrière et d'autres problèmes de la société. Certains, qui étaient interdits, ont vu la révolution mettre fin à leur calvaire. Les chansons les plus célèbres, et qui ont défié le temps, sont les mieux composées et dont les textes sont à la hauteur. Babour zammar de Khémaïes Zalila et Hédi Guella vit encore ainsi que Ouhibbou-l-bilada, version Guella, écrite par Ouled Ahmed. La chanson intitulée Hila hila ya matar du groupe «Al bahth al moussiki» a dépassé les frontières après la révolution, et a été beaucoup appréciée dans les stations satellitaires égyptiennes, surtout avec son nouvel arrangement.
Pour ce qui est des rappeurs, il faut signaler que ce genre d'expression où les paroles priment la forme musicale, nos jeunes rappeurs ont fait leur devoir d'artistes et de militants en exprimant, à leur manière, les péripéties de la révolution. Ils n'ont aucun rapport avec le «tarab» ou avec la chanson qui domine la scène artistique. Ils ont pour but de passer des messages. Cependant et concernant la forme, les rappeurs ont intérêt à chercher les formules nécessaires pour imposer leur langage, on peut ­—comme cela a été expérimenté ailleurs— recourir à d'autres genres musicaux, en gardant l'unité et la spécificité du rap.
On insiste que les rappeurs et les chansonniers, comme Bendirmen, ne sont pas à comparer avec des chanteurs comme Jebali ou Bouchnak, les objectifs, le discours et la forme musicale étant totalement différents.
Pour ce qui est du théâtre, il a toujours été la cible de la censure, avant la révolution : la Troupe du Maghreb arabe, du Nouveau Théâtre, etc. Le one man show, qui a dominé la production, cette dernière décennie, a vu les mêmes textes se métamorphoser pour s'adapter aux événements actuels.
Les artistes doivent aujourd'hui, et plus que jamais, militer pour changer radicalement le système et recouvrer une vraie liberté d'expression qui ne peut se réaliser tant que l'on dépend toujours des subventions de l'Etat.
Pour y parvenir, il est nécessaire de déclencher une révolution culturelle.


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