La Constitution de 57 – quoique positive à bien des égards - était déjà taillée sur mesure pour Bourguiba et, surtout, avec le jonglage dont a fait l'objet l'article 51. La Constitution de Ben Ali a été tellement amendée que, non seulement, elle devenait un costard à sa mesure, mais aussi une chaussure à sa pointure… On sait que Bourguiba – comme De Gaulle – a régné en monarque présidentiel. C'était dans le cours normal de l'histoire avec la récurrence fantasmée du « Père de la Nation ». Dans ses fondements, néanmoins, la Constitution qui n'avait rien laissé au hasard – l'identité pas plus que la religion – prônait un régime présidentiel. C'est resté lettre morte car la dialectique même y faisait défaut : le parti unique en faisait, finalement, une utopie. Mais, une utopie dont nous nous accommodions. Après Bourguiba, un pluralisme de façade accréditait l'aspect présidentialiste du régime alors que la Constitution était ballottée, révisée, réécrite et « légalement violée » sous les avatars d'une outrancière personnalisation des rouages de l'Etat. Le Parlement lui, est resté dans son rôle de prédilection : une chambre d'enregistrement et l'arène où se lèvent des bras laudateurs. Mais, aujourd'hui, maintenant que tout cela est passé et que la Constitution est suspendue, quelle teneur auront les prochains « textes sacrés » ? De quelle couleur – oui, couleur – sera notre Constitution et de quel type de régime accouchera-t-elle ? Dissensions, nous dit-on, au sein de la Troïka, dont Ettakatol et le CPR souhaiteraient un régime semi-présidentiel quoique cette gradation ne soit pas rigoureusement codifiée par les grands constitutionnalistes mondiaux, y compris les nôtres et un certain Yadh Ben Achour qui n'a de cesse de rappeler que la Tunisie ne peut être gérée que par un régime présidentiel, assaini, propre et s'appuyant sur le jeu des partis. Mais, il y a un hic. Et ce hic réside dans l'option résolue d'Ennahdha pour un régime parlementaire : à savoir un président de la République qui fera de la figuration, un Premier ministre (nahdhaoui, bien sûr) qui gèrera le gouvernement, et une commode majorité parlementaire qui n'excluera pas le recours aux alliances et qui restera aliénée aux lubies nahdhaouies. Le tableau est clair, en somme, et la feuille de route (idéologique) parfaitement aiguillonnée. Il y aura tout juste une composante inédite : les orientations du « guide suprême ».