Cette semaine a été enrichie par deux morceaux de bravoure. Dans le 16ème numéro de notre consœur "L'Expression", Ridha Kéfi analyse ce révisionnisme historique, redevenu à la mode et qui est trop commode, trop facile et, pour tout dire, fallacieux. Il parle de nos "ex" ministres qui se font bonne conscience instrumentalisant "l'amnésie volontaire", dit-il, "la culture de l'omerta"", ajoute-il. La commémoration du 30ème anniversaire des émeutes du 26 janvier 1978 auront constitué un prétexte de plus. L'un de ces prétextes faciles, pour que les protagonistes, nos "ex", écrit ironiquement l'auteur de l'article, s'en rejettent mutuellement la responsabilité. Ils sont tous innocents. Conclusion: c'est le Système, avec un grand "S", qui le veut, depuis la nuit des temps Dans sa chronique, sur les colonnes de "Akhbar Al Joumhouria", Moncef Ben Mrad parle d'une dialectique: autour de "Les dinosaures de l'information". Article audacieux, qui rappelle à quel point, l'information a été domestiquée, muselée par des forces occultes, utilisant, de surcroît, les appareils de l'Etat au service d'un "propagandisme" morbide ou, plutôt, clientéliste. Des chroniques et des réflexions qui percent les tabous, on en a besoin. Car, aujourd'hui, le monde évolue inexorablement vers la consécration des libertés et de la liberté de la presse. Non que le journaliste doive agir en électron libre. Non qu'il doive encore se croire investi d'un pouvoir et d'une mission messianiques. Mais il doit apprendre à renoncer au confort de cette prison dorée dans laquelle le confine le "Système". Il ne s'agit pas de "Pouvoir" mais de "Système". Il faut aussi cesser de se leurrer : comment le journaliste peut-il se targuer d'appartenir au "quatrième pouvoir" (une chimère?) s'il s'accommode des déterminismes, du conformisme et caresse ("dans sa schizophrénie"), dans le sens du poil tout en voulant donner l'impression de percer les tabous. Dans son ouvrage: "Le temps qui reste" Jean Daniel a trouvé le mot. C'est : "imposture". Or nous sommes face à un "Système". Et notre mental érige aussitôt des barrières qu'on appelle "lignes rouges"; cette auto-censure que nous nous imposons nous-mêmes. Le Chef de l'Etat veut une presse libérée de ces pesanteurs et qui soit audacieuse. Nous l'avons vu au journal de 20 heures inciter les directeurs des journaux à faire leur travail: l'information sacro-sainte; le commentaire libre et responsable; la critique constructive. Mais nos ministres, et disons l'administration, ne communiquent pas. Un moment, ils tinrent des points de presse périodiques. Puis de moins en moins… Puis, presque plus rien. Quelques ministres privilégient, certes, le contact informel. Et invitent la presse sur des questions ponctuelles. Mais pas d'interviews, en dehors des exposés sur les plateaux de la télévision nationale où les journalistes présents, politiquement corrects, choisis et triés sur le volet, ne doivent pas poser des questions dérangeantes. Nous sommes, dans un régime présidentiel. Ben Ali a même redonné sa force à ce régime après l'ambiguïté d'une présidence à vie, composant, quand même, avec quelques commodités; dans la gestion des affaires de l'Etat; commodités empruntées au régime parlementaire. Oui, le régime de Bourguiba et la Constitution elle-même, comme nous l'ont enseigné nos maîtres de Droit constitutionnel, étaient taillés, tel un costard, pour Bourguiba. Ces temps sont révolus. Mais, curieusement, les ministres de Bourguiba se libèrent, aujourd'hui, pour faire dans le révisionnisme historique et chacun pour se refaire une virginité politique… Ils nous font revenir en arrière et dans une profusion d'anachronismes. Et, c'est là que nous souhaiterions que nos ministres actuels, les ministres de Ben Ali communiquent, disent où nous en sommes aujourd'hui (chacun en ce qui concerne son secteur), et ce qu'il en serait de l'avenir. C'est le meilleur service qu'ils puissent rendre à leur patrie et aux citoyens qui ont besoin de se sentir proches de leurs gouvernants.