De notre correspondant à Paris: Zine Elabidine Hamda - Le 18ème Maghreb des livres, qui s'est tenu à l'Hôtel de Ville de Paris les 11 et 12 février 2012, a été, encore une fois, l'occasion de mettre à l'honneur les écrivains et les créateurs maghrébins dans la ville lumière. Organisé par l'association Coup de Soleil que préside Georges Morin, avec le soutien indéfectible de la Mairie de Paris et de son Maire Bertrand Delanoë, le Maghreb des livres a honoré cette année les lettres marocaines. 165 auteurs et artistes se sont retrouvés à l'Hôtel de ville, venus des pays du Maghreb, de France, d'Italie et de Hollande pour rencontrer leurs lecteurs, dédicacer des livres et participer aux différentes activités organisées autour du salon des livres : rencontres, tables-rondes, entretiens, café-littéraire, expositions. Cette année, le Maroc, qui succède à la Tunisie, s'est taillé la part du lion. Les thématiques liées au Maroc étaient partout présentes même si les autres pays du Maghreb n'étaient pas absents des rencontres et débats organisés. Une table-ronde sur l'histoire du Maghreb, « la solidarité du Maroc et de la Tunisie envers les Algériens dans leur lutte pour l'indépendance », avec la participation d'Omar Carlier, Habib Kazdaghli et Maati Monjib, a précédé une autre, portant sur l'actualité, « Quel rôle pour les sociétés civiles dans la construction de l'unité du Maghreb », avec Sarah Ben Nefissa, Mohammed Hachemaoui et Khadija Mohsen-Finan. Un hommage au grand résistant marocain Abdelkrim El-Khattabi a clos le cycle. Une table-ronde sur « l'écrivain marocain face à la pluralité des langues » à laquelle a participé l'écrivain marocain, résidant à Amsterdam, Fouad Laroui, a été le clou de la manifestation. Alerte, disert, à l'humour spontané, Fouad Laroui a été la star de la rencontre. La problématique de la « tragédie » de la pluralité des langues au Maroc a été étendue à la pratique des langues européennes dans l'écriture. Déchiré entre le berbère, le dialecte local et l'arabe classique, l'écrivain marocain se réfugie souvent dans…le français pour s'exprimer et laisser libre cours à sa créativité. La place de l'arabe, dans la littérature marocaine, s'en est trouvée lésée. Les noms de Ben Jelloun, Chraïbi, Laroui ont éclipsé de grandes plumes arabophones. C'est ce qui ressort des débats. Mais un autre volet vient s'ajouter à la littérature marocaine, à travers l'expérience de Fouad Laroui et des vingt écrivains marocains néerlandophones qui vivent en Hollande et qui constituent une part non négligeable de cette littérature polyglotte et multidimensionnelle. Présence tunisienne La Tunisie, présente à travers les maisons d'éditions tunisiennes Cérès, Elysad, Arabesques, Simpact et Al Manar, a présenté les dernières œuvres d'écrivains et de chercheurs : Yves Aubin de la Messuzière avec Mes années Ben Ali, Tahar Bekri avec Je te nomme Tunisie, Emna Bel Haj-Yahia avec Jeux de rubans, Djillali Ben Cheikh avec Beyrouth canicule, Lina Ben Mhenni avec Tunisian Girl, Blogueuse pour un printemps arabe, Sophie Bessis et Souhayr Belhassen avec Bourguiba, Habib Boularès avec Histoire de la Tunisie, François-G. Bussac avec E la nave va, vers une Tunisie libre ? Samy Ghorbal avec Orphelins de Bourguiba et héritiers du prophète, Cyril Grislain-Karray avec La prochaine guerre en Tunisie, Ilf-Eddine avec La dernière ronde, Oussama Khalfaoui et Najah Missaoui avec Dégage, dégage, dégage, Yamen Mannai avec La sérénade d'Ibrahim Santos, Radhi Meddeb avec Ensemble, construisons la Tunisie de demain, Gérard Sebag avec Tunisie 1910-1960, Victor Sebag, un photographe dans le siècle. Se sont ajoutés les auteurs éditès en France par les Editions Chemin de traverse et Gallimard, Albert Memmi avec Le mirliton du ciel, Ali Mezghani avec L'Etat inachevé : la question du droit dans les pays arabes. Ces auteurs, présents pour la plupart, ont animé à leur façon les différentes manifestations, mettant en évidence la qualité des contributions tunisiennes que ce soit au niveau de l'écriture ou de l'édition. Une autre participation originale est celle de la photographe Catherine Dressayre qui, suite à l'exposition de photographies sur Douz, édite une sélection de photos fruits de ses trois voyages au Sahara tunisien où elle s'est imprégnée des paysages et où elle a fait d'étonnantes rencontres. Hommages Comme à l'accoutumée, le Maghreb des livres profite de l'occasion pour rendre hommage à des personnalités, des écrivains issus des deux rives de la Méditerranée qui ont laissé une œuvre ou des traces de fraternité et de dialogue entre les cultures de la région. Cette année, outre l'hommage à Abdelkrim El-Khattabi, un autre, émouvant, fut rendu aux six dirigeants des centres sociaux-éducatifs d'Algérie (Max Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons algériens et français) assassinés à Alger par l'OAS, en mars 1962. Un autre hommage a été rendu aux éditeurs, engagés contre la guerre d'Algérie, François Maspero, Jérôme Lindon et Nils Andersson qui bravèrent la censure pour marquer leur soutien aux Algériens insurgés contre la colonisation. Enfin, l'hommage rendu à Frantz Fanon, en présence de son fils Olivier et de son amie Alice Cherki qui vient de publier Frantz fanon : portrait au Seuil, a été un grand moment. L'auteur des Damnés de la Terre était présent, par sa pensée et son engagement, comme un précurseur aux développements qui agitent le Maghreb et le monde arabe depuis la révolution tunisienne. Avec une affluence record cette année, le Maghreb des livres est devenu une institution incontournable en France qui jette des ponts de dialogue entre les deux rives de la Méditerranée.