Après d'interminables et harassants travaux de vérification, l'Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE), a finalement publié son rapport définitif. Elle l'a remis au président provisoire de la République Moncef Marzouki et au président de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), Mustapha Ben Jâafar. Elle attend de faire autant avec le Chef du Gouvernement provisoire, Hamadi Jebali auprès duquel une demande de rendez-vous fut formulée et qui demeure encore sans suite. Ce qui ouvre la voie à toutes les supputations. Le rapport a été présenté hier, aux représentants de la presse nationale et internationale, des partis politiques, des associations nationales et étrangères et des observateurs venus nombreux pour suivre la conférence de presse. Kamel Jendoubi, président de l'ISIE, entouré des autres membres de cette instance, a exposé les grandes lignes de ce rapport réparti sur cinq volets : le cadre général et l'organisation, l'encadrement des différentes étapes du processus électoral, les relations avec les différents intervenants, la réalisation des différentes étapes du processus électoral et le suivi des opérations de dépouillement et la proclamation des résultats. Le rapport n'a pas été avare en recommandations formulées pour la prochaine étape. Les élections de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), rappelle Kamel Jendoubi, avaient été conçues comme une revendication de la Révolution. L'ISIE a été chargée de son organisation. En avril 2011 cette instance a été créée. Le 12 mai, elle a achevé sa composition. Le 23 octobre ont eu lieu les élections. « Tous les rapports des observateurs ont été unanimes à conforter la réussite de l'ISIE. Ce succès relève de plusieurs facteurs, dont le plus important est la position du gouvernement et des structures régionales, la légitimité de l'ISIE et la détermination des électrice et électeurs pour aller voter », dira le président de l'ISIE. Cette issue heureuse si l'on peut dire ne doit pas pour autant nous leurrer quant aux difficultés rencontrées, ni sur les insuffisances constatées. Cette instance vit le jour dans des circonstances difficiles non exemptes de tentatives de discréditation et de mise en doute de ses capacités. La mise en place des bases d'une administration indépendante était un des premiers défis que devait relever l'instance. Difficultés rencontrées Aujourd'hui, la plus importante recommandation émise par l'ISIE porte sur la formation d'une instance permanente pour les élections, comme stipulé dans la loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs. Il faut une administration électorale, indépendante et neutre qui aura la confiance de tous les intervenants politiques qui s'occupe de toutes les étapes des élections, en commençant par l'inscription des électeurs. D'ailleurs, il faudra au moins 8 mois pour organiser des élections. Les 16 membres de l'ISIE étaient élus par la Haute Instance de Défense des Objectifs de la Révolution. Les 27 instances régionales étaient composées, chacune de 14 membres, choisis parmi 4022 candidats dont seulement 604 femmes, soit 18%, sans compter les 6 circonscriptions à l'étranger. Une structure administrative et financière a été mise en place. Un système informatique a été installé en collaboration avec le Centre National Informatique (CNI). Des difficultés ont été rencontrées, comme le manque de compétences, l'absence de locaux, des appréhensions qui avaient accompagné le choix des membres des instances régionales…Dans cet ordre l'ISIE recommande de fixer et déterminer dans l'avenir, le rôle qu'aura à jouer l'instance qui supervisera les élections. Il faut consacrer le principe de l'indépendance de l'Instance, structurellement, administrativement et financièrement. Il faut commencer le parachèvement de l'inscription des électeurs dans les plus brefs délais. Lors du processus électoral, l'ISIE a dépensé jusqu'à la fin de décembre 34,5 millions de dinars, et recruté 3753 agents et cadres. Elle déplore au moment de son travail l'absence de cadre légal de l'opération électorale et l'absence de loi organisant les partis politiques et l'information. Le caractère provisoire qui définit l'instance ne facilitait pas ou ne permettait pas le recrutement de cadres compétents. L'ISIE recommande de séparer l'inscription des électeurs du calendrier électoral, sauf pour les inscriptions exceptionnelles. L'interdiction de la publicité politique est à prendre à partir de l'invitation des électeurs à voter. Il faudra aussi dire explicitement que les bulletins blancs doivent être comptés. Pour améliorer les compétences de ceux qui superviseront les élections, il est recommandé de bénéficier de la formation et des expertises étrangères. « Les ressources humaines, déjà formées doivent être sauvegardées », dira Kamel Jendoubi. Création d'un centre d'observation Les rapports de partenariat avec les différents intervenants comme le gouvernement ont été fructueux. Il en est de même pour la société civile. Avec les électeurs, cinq campagnes de sensibilisation ont été organisées. Il est recommandé de poursuivre le partenariat avec le pouvoir, dans un esprit de complémentarité, sans porter atteinte à la neutralité et à l'indépendance de l'instance qui sera chargée des élections. Les électeurs doivent être mieux encadrés en utilisant un langage et des procédures plus faciles à comprendre. Concernant le financement de la campagne électorale l'ISIE recommande de revoir la législation et d'instaurer le principe de la récupération des dépenses engagées. Des sessions de formation en gestion financière et administrative doivent être organisées au profit des partis et des indépendants. Pour améliorer le rendement des observateurs, l'ISIE propose la création d'un centre d'observation indépendant de l'administration électorale, en mettant l'accent sur la compétence et le sérieux de l'observateur. Dans la phase de dépouillement et de proclamation des résultats, Kamel Jendoubi, évoque les difficultés rencontrées comme le dépôt des PV dans les urnes. Concernant les litiges électoraux, il est recommandé de définir le litige électoral, d'organiser des journées d'étude sur ce thème et d'instituer le recours à deux niveaux dans ce domaine. A propos des rapports actuels de l'ISIE avec le gouvernement, Kamel Jendoubi, dira qu'un rapport a été transmis au Gouvernement, contenant plusieurs propositions, voire une feuille de route avant la promulgation de la loi créant une Instance permanente des élections. Une première rencontre a eu lieu avec Lotfi Zitoun, chargé des Affaires politiques. L'ISIE attend toujours les réponses aux propositions pratiques formulées. « L'expérience a montré que les appréhensions exprimées lors de la création de l'ISIE étaient sans fondement. Celle-ci est restée indépendante et neutre », rappelle Kamel Jendoubi. L'équipe actuelle de l'ISIE poursuivra-t-elle ses activités. Exporterait elle son savoir faire à la Libye ? « La décision de poursuivre le travail de l'ISIE revient aux instances spécialisées, présidence, gouvernement et Assemblée Nationale Constituante », répond Kamel Jendoubi. Quant à l'exportation du savoir faire, aucune demande dans ce sens n'a été exprimée. « Le plus important est de valoriser notre expérience en Tunisie », précise, le président de l'ISIE.