• « Ce n'est pas ainsi qu'on construit une large alliance » • Pas de rapprochement de notre mouvement avec l'UPL Emna Menif est une femme de terrain. Cette femme médecin incarne la Tunisie de demain. Acteur politique indépendant, elle préside actuellement l'Association Kolna Tounes, un projet que porte la mouvance démocratique progressiste centriste. Emna a bien voulu nous parler de son avenir politique, des initiatives de rassemblement des partis centristes, du rendement de la Troïka et des prochaines élections de mars 2013. Est-ce vrai que l''Union patriotique libre, UPL, est disposée à s'allier avec l'initiative Kolna Tounes. Si non, quel est l'avenir d'Emna Menif ? Posée ainsi, la question laisse entendre une démarche de Kolna Tounes en direction de l'UPL, or il n'en est rien. Nous n'avons aucun contact avec ce parti et ne sommes pas du tout dans la perspective d'une alliance avec l'UPL. L'avenir d'Emna Menif est dans l'action sur le terrain, au service de notre pays et de notre peuple! En toute liberté et indépendance. Ma position de militante politique et d'acteur dans la société civile me satisfait et me donne le sentiment d'être utile à mon pays. Notre mouvement participe à l'effort d'édification de l'avenir et cela nous paraît le plus important. Est-ce que Kolna Tounes va rejoindre l'alliance centriste ? Il faudrait d'abord savoir de quelle alliance on parle? Aujourd'hui nous assistons à des initiatives de rassemblement qui se réclament toutes du centrisme et qui sont, de plus, encore labiles. Nous observons toutes ces dynamiques de près et gardons des canaux de communication avec nos amis démocrates. Pensez-vous que ce genre d'alliance a de l'avenir? Pour qu'une alliance soit viable, elle doit obéir à certaines conditions, la nécessité d'un projet sociétal commun et des orientations socio-économiques convergentes. En fait, nous considérons que l'émergence d'une nouvelle force politique doit, bien entendu, être motivée par la nécessité de rassembler les forces démocratiques progressistes rationalistes pour faire face à la majorité actuelle et pour préparer la prochaine échéance électorale, mais elle doit surtout être en mesure de proposer un projet alternatif qui peut incarner le rêve tunisien et apporter les réponses aux aspirations des tunisiens. Que pensez-vous de la dernière réunion de Monastir ?Elle s'est limitée à un plébiscite d'un homme providentiel, en l'occurrence monsieur Beji Caïd Essebsi, par une famille politique se réclamant de la pensée bourguibienne et du destour, et à un appel à un large rassemblement autour des «destouriens». Cela nous évoque le retour à une bipolarisation entre islamistes, d'un côté, et la lignée politique qui a commencé par le parti socialiste destourien et s'est poursuivie par le rassemblement constitutionnel démocratique, de l'autre. Ce n'est pas de la sorte qu'un paysage politique équilibré et construit autour des cohérences indispensables précédemment citées pourra être offert aux tunisiens pour que chacun puisse se reconnaître dans ses orientations idéologiques et ses choix de société et socio économiques. L'avenir de la Tunisie n'est pas seulement dans cette bipolarisation. Il est indispensable que d'autres voies soient offertes. Nous ne sommes ni pour la dispersion des forces politiques ni pour une offre politique réduite et réductrice du débat. Cela ne présage pas non plus de l'instauration d'une nouvelle manière de faire de la politique ni de l'émergence d'une nouvelle classe politique. Que pensez-vous du rendement de la Troïka ? Le gouvernement n'a pas présenté de programme sur lequel il pourra être jugé au terme des cent premiers jours d'exercice. La loi de finances complémentaire n'a toujours pas été présentée. D'un autre côté, nous avons observé beaucoup d'hésitations, de contradictions, d'insuffisances dans le traitement des dossiers les plus importants et surtout de bonnes raisons d'inquiétude quant à la maîtrise de la situation sécuritaire, surtout dans une sorte de complaisance vis à vis des manifestations extrémistes et de leurs dépassements et débordements. La troïka n'a pas réussi à rétablir la confiance des citoyens ni la paix sociale. Et l'application de l'article 1 de la constitution de 1959 ? Il y avait un consensus autour de cet article pendant la campagne électorale et tous les partis représentés dans l'assemblée nationale constituante ont affirmé leur attachement à cet article. Le débat n'est pas là, il est sur le reste des articles de la constitution de nature à garantir les libertés, les droits, l'instauration d'institutions démocratiques et qui consacrent au final les valeurs républicaines et le caractère civil de l'Etat. Un an nous sépare des prochaines élections législatives et présidentielle. Quelle feuille de route doivent suivre les partis ? Les partis politiques sont appelés à se structurer démocratiquement et à se rassembler, et cela est souhaitable, sur la base de principes et de programmes communs, à établir un authentique lien avec leurs bases et se rapprocher du peuple dans une vraie communion pour être la voix du peuple et à son service et pour que leurs programmes soient des réponses à leurs aspirations. Kamel Bouaouina