Dimanche dernier, ultime jour des vacances de printemps : des milliers d'hommes, femmes et enfants parcouraient le centre ville de Hammamet, au point qu'il fallait faire des centaines de mètres pour se garer dans les rues avoisinantes… D'habitude, en cette saison, ce sont les touristes étrangers qui se promènent par grappes, par groupes, dans les rues de Hammamet, se prélassant sur ses plages et occupant ses lieux de loisirs dans une ambiance bon enfant. Or cette année, les hôtels ont changé de clientèle et on ne voit plus que des Tunisiens, essentiellement des familles. Mais où sont les touristes ? Et qu'est-ce qui les empêche de venir apprécier notre soleil et notre hospitalité comme jadis ? Une dame se souvient : « jadis, quand je venais avec mon mari et mes deux enfants, on devait payer dix Dinars de droit d'entrée chacun, puis on se faisait arnaquer avec des prix prohibitifs pour la moindre boisson. Aujourd'hui on nous reçoit à bras ouverts et on nous fait des prix très abordables pour les bourses moyennes. C'est un juste retour des choses… » Un ton vindicatif provoqué par les années d'humiliation que devaient subir les Tunisiens qui osaient s'aventurer à l'entrée d'un hôtel de Hammamet. Un père de famille très remonté contre les hôteliers raconte : « nous sommes en train de prendre notre revanche sur les années de plomb, lorsque la majorité des Tunisiens se faisaient refouler dès le portail extérieur, sans même arriver à la réception ! » Une opinion que ne partage pas un directeur d'hôtel : « le tourisme intérieur est incapable de remplacer celui des tours opérateurs, d'abord à cause de l'apport en devises des touristes européens et arabes et surtout à cause du nombre de nuitées qu'ils peuvent drainer. De toutes façons, avec la crise que traverse le pays, combien de Tunisiens peuvent se permettre des vacances dans les hôtels trois ou quatre étoiles ? » Pour lui, le principal problème actuel, c'est l'insécurité qui règne dans certaines régions : « imaginez un bus plein de touristes bloqué sur une route où des contestataires manifestent avec violence. Ce serait la mort pour tout le pays… » Il a également évoqué certaines manifestations contre la communauté juive qui auraient selon lui eu un impact très négatif sur les tours opérateurs… Concernant les prix trop élevés pratiqués par certains hôteliers à l'encontre des tunisiens, il estime que c'est un faux problème : « c'est vrai les prix sont parfois assez élevés pour les Tunisiens et que les touristes payent des sommes dérisoires pour un « all inclusive » mais c'est le système et nous n'en sommes qu'un rouage. Les étrangers, au moins, ils rapportent des devises au pays, ce qui n'est pas une mince affaire dans la situation actuelle... » Actuellement, le taux global d'occupation des hôtels d'Hammamet varie de zéro à 10%. Or le seuil de rentabilité pour un hôtel démarre à 40% et on est loin du compte... Selon une réceptionniste expérimentée, les hôtels qui travaillent avec deux ou trois grandes agences n'ont que 150 ou 200 clients, en général des personnes du troisième âge peu enclins à sortir et à dépenser. Une information confirmée par un chauffeur de taxi : « d'habitude mon compteur n'arrête pas de tourner en cette saison, mais tous ces extrémistes ont réussi à faire peur aux touristes et ils ne viennent plus que par petits groupes, mais surtout ils ne sortent pas beaucoup de leur hôtel. Alors je poireaute et je passe des heures à attendre un client improbable…» Les travailleurs aussi vivent dans la crainte d'une mauvaise saison touristique, avec des conséquences catastrophiques sur leurs emplois et leurs familles. L'un d'eux résume les propos qui se tiennent dans cette station balnéaire : « on n'arrive déjà pas à joindre les deux bouts en travaillant, alors qu'allons nous devenir si les hôtels ferment et que l'on se retrouve au chômage?» Un chef d'agence de voyage résume la situation en ces termes: « il faut arrêter ces discours de haine contre Israël et les juifs, il y a d'autres moyens beaucoup plus efficaces de manifester son soutien avec les Palestiniens et de toutes façons, ces discours sont contre-productifs car ils ne résolvent aucun problème…» A méditer… Yasser Maârouf sihem Tiza