Fêter le nouvel an du calendrier grégorien est une pratique qui, depuis des décennies, est entrée dans les traditions des Tunisiens lesquels célèbrent l'événement qui chez eux, qui dans les restaurants et les hôtels, mais tous autour d'une galette de gâteau de taille plus ou moins importante. Profitant d'un récent passage à Sousse, important pôle touristique du pays et grande destination des réveillonneurs de fin d'année, nous avons pensé à mener une enquête auprès des hôteliers de la Perle du Sahel pour savoir s'ils accueilleront plus ou moins de clients tunisiens à l'occasion du Jour de l'An. Avant cela, nous avons pris connaissance sur diverses brochures publiées sur Internet des tarifs proposés en ce moment par les différentes chaînes hôtelières et qui sont vraiment tentants : à Tabarka, Hammamet et Jerba, les demi-pensions dans les hôtels 4 étoiles sont à moins de 40 dinars et parfois à moins de 30 dinars. Qui dit mieux ? Nous nous sommes également adressés à un grand pâtissier pour nous parler de la tendance en matière de commandes des gâteaux du Réveillon.
Demande faible
Les hôteliers interrogés nous ont d'abord appris qu'à Tozeur, les hôtels affichent complet en cette période et depuis le début des vacances d'hiver en fait : l'un d'eux nous explique que c'est « sans doute en raison du temps qu'il y fait, du Festival de Douz et de l'engouement que connaît de plus en plus, auprès des Tunisiens comme des touristes étrangers, le tourisme saharien. Ici à Sousse, les clients tunisiens choisissent les hôtels qui organisent des soirées-galas pour le réveillon du Nouvel an. » Dans un autre hôtel huppé de la Perle du Sahel, un directeur commercial précise que « ce sont les tarifs compétitifs, pour ne pas dire bas, que pratiquent les unités hôtelières en cette saison qui tentent la clientèle locale. A 38 dinars et à 44 dinars la demi-pension dans un hôtel de luxe, c'est plus intéressant que les prix d'un restaurant soi-disant sélect. Nous n'avons pas le choix, nous pratiquons ce qu'on appelle dans le secteur « une économie d'échelle », autrement dit, nous misons moins sur la qualité de la clientèle que sur son nombre et la durée de son séjour à l'hôtel. Cela dit, la demande reste tout juste moyenne et ne compense que relativement l'absence de clients de haut standing; mais il faut reconnaître que nos agences de voyage promeuvent assez bien le tourisme intérieur en offrant au Tunisien le prix le moins rebutant et en pratiquant elles-mêmes des tarifs très réduits, concurrence oblige ! ». Un deuxième directeur commercial ajoute : « Nous sommes obligés de composer avec cette clientèle assez particulière. En effet, le Tunisien ne réserve qu'à la dernière heure, fréquente les hôtels seulement les week-ends et pendant les grandes occasions, et enfin ne passe jamais plus de quatre ou cinq jours à l'hôtel. De surcroît, il lésine toujours sur les tarifs même si on lui propose la pension complète à 25 dinars. En ce qui concerne notre unité, nous proposons les deux nuits en demi-pension à 95 dinars et c'aurait été plus bas sans la soirée-gala. Nous avons quelques demandes, mais ce n'est pas la bousculade. La baisse est sensible et je peux l'estimer à plus de 30 % de l'effectif habituel. Nous espérons néanmoins que comme d'habitude, ça bougera mieux pendant cette fête».
C'est la galère pour la galette !
Le pâtissier que nous avons choisi d'interroger est l'un des plus connus et des plus appréciés de la ville de Sousse. Et de témoigner : « J'essaie de comprendre le Tunisien qui court après le produit le moins cher à l'occasion du Jour de l'An. C'est pourquoi nous lui confectionnons des galettes standard à 13 et 17 dinars. Il y a quelques années, la galette la moins chère valait 25 dinars. Aujourd'hui, le client se contente d'un gâteau de moindre taille et à moindre coût, l'essentiel est qu'il rentre chez lui avec une galette. Et c'est le même comportement qu'il adopte en achetant par exemple la viande ou les fruits : au lieu du kilo habituel, il ne commandera qu'une livre. C'est pourquoi, nous autres pâtissiers, nous vendons moins qu'avant. Ajoutez à cela une nouvelle pratique des maîtresses de maison tunisiennes : près de 30 % d'entre elles préparent le gâteau du Jour de l'An chez elles. J'en ai croisé récemment quelques unes, chez nos fournisseurs, en train de commander de petites quantités de produits pour la garniture et la décoration de la galette. Je ne suis pas sûr que cela leur coûte moins cher que la galette du pâtissier, par contre je suis certain que ce ne sera pas aussi réussi ! Sachez que la plupart des matières premières avec lesquelles nous travaillons (chocolat, sucre, beurre, margarine, fruits secs etc.) ont vu leurs prix augmenter. Or nos tarifs stagnent et au meilleur des cas n'augmentent que faiblement. Figurez-vous qu'en suis arrivé à surveiller de très près les sacs de fruits secs et même à les cacher de peur que mes employés n'en usent pour leur consommation propre. Il faut également savoir que les factures d'électricité se font de plus en plus lourdes pour les pâtissiers qui sont, comme vous le savez, appelés à laisser continuellement en marche leurs frigos et autres appareils électriques indispensables. Du fait que les appareils sont énergivores, c'est excessif. Quand on paie jusqu'à 700 dinars pour la seule consommation d'électricité et 400 dinars à la SONEDE et à l'ONAS, comment voulez-vous que nos gains soient satisfaisants ?! » En somme et pour résumer ce que dit ce pâtissier, sale temps pour la galette, pour ses fabricants et pour ses consommateurs !