Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Abdelwahab Héni: «Tout pouvoir est tenté par le despotisme. Il ne sera pas démocratique de son propre chef» Le bilan gouvernemental aux yeux du Parti Al Majd
Il va sans dire que l'hégémonie de l'exécutif sur les décisions gouvernementales fait du bruit et fait grincer des dents de plus d'un. Le secrétaire général du parti Al Majd nous donne sa propre analyse de la situation. Avec Abdelwahab Héni on aborde bien d'autres questions d'actualité. Le Temps : Que pensez-vous de l'action du gouvernement ? Abdelwahab Héni : Le gouvernement agit, mais son bilan est en deçà des attentes des Tunisiens et des Tunisiennes. L'action gouvernementale est prisonnière de la logique de la prochaine campagne électorale et des considérations politiciennes. Le gouvernement fruit de l'alliance de la Troïka peine à trouver une cohérence entre ses membres. On assiste à une cacophonie avec une absence de discipline des ministres qui dépassent leurs prérogatives en grignotant sur celles des autres. Pas de concertation, même pas au niveau du conseil des ministres. La démocratie est un apprentissage pour tous mais on a l'impression que le gouvernement agit en l'absence d'une feuille de route claire avec beaucoup d'hésitation. Le gouvernement était un peu trop laxiste pour gérer la question des salafistes. Il a fait exprès de laisser faire sans pour autant intervenir pour imposer la loi à ceux qui s'en gaussaient. Il voulait en fait séduire cette base électorale. Il y a, par ailleurs, une lenteur visible à l'œil dans les travaux de l'ANC. On assiste à un ralentissement grave des travaux de la Constitution pour permettre au gouvernement de constituer un bilan électoral alors que celui-ci ne travaille pas à un rythme d'urgence. On parle de consensus, est-ce que ce concept trouve vraiment son sens dans l'action de l'Assemblée nationale constituante ? Le consensus est avant toutes choses un état d'esprit. Je crois qu'il faut trouver les moyens de dégager ce consensus. A l'ANC on a fait le choix d'organiser des séances d'écoute : en s'ouvrant aux propositions qui viennent de l'extérieur de la coupole du Bardo. Un autre point positif à relever concerne les commissions qui n'ont pas été calquées sur la composition de la Troïka. On a réussi en ce sens à se débarrasser de la notion du pouvoir/opposition, où l'on assiste à des commissions présidées par des constituants de la Troïka avec des rapporteurs de l'opposition et vice versa. Et qu'en est-il des menaces aux libertés auxquelles nous assistons depuis des mois ? Est-ce que la Révolution est menacée pour autant ? Les menaces aux libertés sont toujours là. Je pense que des membres du parti de la droite religieuse tenteront une radicalisation du pays vers la droite. Il y a des menaces aux libertés dans la mesure où l'on assiste à la création de nouvelles associations d'obédience islamique qui font ce que bon leur semble sans en être privés La Révolution est encore là. La Révolution vit et se développe d'elle-même. A Révolution a immunisé le Tunisien pour qu'il la protège à son tour contre ceux qui veulent se maintenir au pouvoir. Que pensez-vous de l'initiative BCE à rassembler la famille progressiste et celle des anciens destouriens ? Est-ce qu'on verra Al Majd dans cette alliance ? C'est une très bonne initiative pour reconstituer la scène politique tunisienne pour donner une meilleure visibilité au Tunisien qui pourra choisir avec beaucoup plus d'aisance dans les prochaines élections. Le parti Al Majd est en pourparlers avec des partis centristes pour essayer de dégager un consensus et ce, en vue d'être dans une alliance pour les nouvelles élections ou pour être dans un nouveau parti. Une alliance ne se construit pas d'une manière arithmétique mais selon des valeurs communes. A mon sens, il faut qu'il y ait une famille centriste capable de gouverner le pays et se présenter en tant qu'alternative politique... Dans toute politique extrémiste, l'histoire est le fruit des conflits. Le virement vers l'histoire sacrée est dans ce cas de figure. Pour les partis centristes, l'histoire est le fruit du compromis. Elle agit dans l'intérêt de toutes les catégories de société. Il est à remarquer, par ailleurs, qu'il y a une bipolarisation terrible dans la société et nous avons besoin de passeurs d'idées entre l'ensemble des familles politiques. Est-ce qu'on peut dire que les prémices d'une nouvelle dictature sont déjà installées ? Les politiques ne sont pas recrutés en fonction de leurs compétences mais en signe de récompense à des années passées en prison. Les dernières nominations ont provoqué notre indignation.C'est un signal du retour du despotisme par la fenêtre. Tout pouvoir est tenté par le despotisme. Il ne sera pas démocratique de son propre chef mais par sa limitation avec le contre pouvoir et les mécanismes d'organisation des pouvoirs. Il faut aussi revaloriser l'esprit de l'application de la loi pour limiter les dérives de l'Etat. Il ya a un énorme espoir crée par la Révolution qu'on n'a pas le droit de trahir. Dès le début le gouvernement a fait de mauvais choix non pas ceux du consensus mais il a agi en opposition à tout ce que dit l'opposition. Les attaques contre l'opposition, contre les médias en sont des preuves. Il est revenu par la suite à l'apaisement, mais après quoi. Les responsables de cet affrontement devraient être écartés du gouvernement. Il y a parmi eux ceux qui sont dans l'illusion pathologique. Mona BEN GAMRA