Les processus d'unification des partis centristes se poursuivent, sans se ressembler nécessairement. Après l'opération réussie d'unification entre Ettajdid, le Parti du Travail Tunisien et des indépendants du Pôle Démocrate Moderniste (PDM) qui a abouti à la naissance de la Voie Démocratique et Sociale (VDS), le week-end dernier, les travaux d'unification de l'autre pôle des forces progressistes et modernistes rassemblant le Parti Démocrate Progressiste (PDP), Afek Tounes, le Parti Républicain (PR) ont démarré hier. C'est le cinquième congrès du PDP qui s'ouvre à ces forces politiques ainsi qu'au Parti du Progrès, le Mouvement Biladi, le Parti El Karama et le Développement et le Parti de la Justice sociale et démocrate. Une ambiance festive reignait hier à l'ouverture au Colisée à Tunis des travaux de ce congrès unificateur qui se poursuivront aujourd'hui et demain à Tunis. Des invités de partis amis, des personnalités nationales, des représentants de la société civile étaient présents. Des slogans comme « Non à la concentration des pouvoirs dans une seule main », « Pas de justice transitionnelle, sans récupération de l'argent spolié et sans que les symboles de la corruption rendent compte de leurs méfaits », « le travail est un droit sacré et l'emploi un devoir national », « la femme un partenaire actif dans la transition démocratique », « la séparation entre parti et Etat est une nécessité pour instaurer la démocratie », sont adoptés par les congressistes. Le jeune constituant du PDP, Yadh Dahmani, rappelait que la création du nouveau parti centriste va dans le droit fil de l'esprit des réformateurs tunisiens et des actions des militants comme Habib Bourguiba, Farhat Hached, Salah Ben Youssef.. Meya Jéribi (secrétaire générale du PDP) très applaudie, précise que la séance inaugurale de ce congrès se tient dans une avenue (l'avenue Habib Bourguiba que le peuple avait libérée. Elle a salué les diplômés chômeurs qui avaient tenté de briser l'encerclement de cette avenue. « Le mur de la peur est tombé », dit-elle. Elle a rappelé que la Tunisie a connu dans son histoire récente deux grands moments : l'indépendance et la Révolution de la liberté et de la dignité. Elle a par la suite passé en revue les grands moments et les différents combats menés par son parti depuis le 4ème congrès du PDP. Le parti a participé au sauvetage du pays le lendemain de la Révolution du 14 janvier, en lui épargnant le vide institutionnel. Les leçons sont tirées Les élections du 23 octobre ont révélé un échec qui a dév–––oilé l'existence d' « un gap avec les couches populaires ». Les erreurs commises ont été répertoriées et une autocritique a été faite. « Nous avions opté pour une politique de communication loin de nos traditions », dit-elle. Il faut réussir le contact avec le citoyen en le respectant, sans clientélisme. La leader rappellera qu'au sein de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC), les démocrates ont dû affronter ceux qui ne reconnaissent pas l'opposition. « Nous avons refusé de jouer le rôle d'une opposition de décor », précise-t-elle en ajoutant « une année et demi après la Révolution et plus de cent jours après la composition du gouvernement, la Tunisie vit un moment très délicat. La Révolution est en danger de déviationnisme. L'hésitation et les signes de fissure à l'intérieur du gouvernement sont clairs. Les citoyens commencent à douter car le Gouvernement, n'a encore pas lancé de message clair. De même la classe politique n'a pas montré des perspectives pour équilibrer la scène. Comme si la Révolution a été faite pour que la dictature passe d'une main à une autre ». Rien de concret n'a été fait, ni pour les blessés de la Révolution, ni sur aucun autre dossier. Au contraire le Gouvernement n'a fait qu'attaquer l'opposition, l'information, l'UGTT et dernièrement les blessés de la Révolution. Vers où va la Tunisie ? Meya Jéribi, demande l'établissement d'une feuille de route claire. La date du prochain rendez-vous électoral doit être fixée dans un débat avec les membres de la Constituante qui doit contrôler davantage le Gouvernement. Elle exige que le consensus soit la règle pour la rédaction de la Constitution., tout en ajoutant qu'il faut mettre en place « un programme de sauvetage économique et social, en commençant par les couches populaires ». C'est un programme qui ne peut voir le jour que si le Gouvernement reconnaît ses erreurs et que l'option pour un modèle participatif soit prise, pour assurer un retour de la confiance. « L'opposition doit jouer son rôle de contre-pouvoir », dit-elle. Elle précise que la création du nouveau parti démocratique, social, centriste et modéré s'inscrit dans l'optique du rééquilibrage du paysage politique. Ce parti est fondé sur la valeur de la justice, une valeur capitale en Islam et dans les conventions internationales. Ce parti, dit-elle, « doit lutter contre le chômage et la marginalisation, militer pour la justice et combattre toutes les formes de violence et d'extrémisme ». Meya Jéribi est consciente que l'union ne suffit pas. Il faut s'implanter dans tous les coins de la République. Les défis de la Tunisie ne sont pas l'affaire d'un pôle, mais de tous les Tunisiens. « Une nouvelle direction naîtra de ce congrès, sur la base d'élections transparentes », promet-elle. Toucher toutes les catégories sociales Hammouda Louzir (président d'Afek Tounès), précise que « la nouvelle étape qui commence nécessite de nouveaus sacrifices. Elle exige que l'action politique soit exercée autrement. Nous avons tiré les leçons du passé pour bâtir un parti démocrate et centriste. Nous le voulons populaire et progressiste. La Troïka est en train de dévier des attentes du peuple. Le non établissement d'une feuille de route claire est étonnant. Les dernières nominations sont scandaleuses car elles privilégient l'appartenance partisane à la compétence, alors que le pays a besoin de solutions urgentes. La loi de finances complémentaire ne contient aucune grande mesure pour lutter contre le chômage ». Le nouveau grand parti doit présenter un nouveau programme économique, social et culturel crédible. « Ce parti doit toucher toutes les catégories sociales. C'est un parti qui sera ouvert, évitera l'extrémisme et défendra la justice, la liberté et la dignité », dit-il. Le jeune Slim Azzabi (Parti Républicain), rappelle que depuis la conférence de presse du 11 janvier dernier, quatre nouveaux partis et une trentaine de personnalités nationales et plusieurs syndicalistes ont rejoint le processus d'unification. Le nouveau parti devra « poursuivre la marche du mouvement réformiste depuis Khéreddine, consacrer les luttes antérieures et s'engager à réaliser les attentes des jeunes qui ont fait la Révolution ». Il propose que les jeunes ne soient pas confinés dans des organisations de jeunesse relevant du parti, mais placés dans les structures décisionnelles du parti. Farouche défenseur de la décentralisation, Slim Azzabi, tient à ce que le nouveau parti la consacre dans son organisation tout en appliquant le principe des élections. La démocratie interne est vitale dans la vie des partis. Il a formulé l'espoir de voir le processus actuel d'union converger avec celui de la Voie Démocratique et Sociale (VDS). Ahmed Brahim, président de la VDS, très applaudi, commencera par dire aux congressistes « votre réussite sera plus grande lorsque nous nous rencontrerons tous pour créer une force plus grande ». Il rappellera le doute et les craintes qui caractérisent la situation politique dans le pays. Il déplore le manque de compétence des gouvernants et leur non compréhension des priorités. La feuille de route est à établir. « En dépit d'un début de prise de conscience que les tensions idéologiques desservent le pays, certains comportements mettent en péril les acquis de la société tunisienne », dit-i, tout en appelant à mettre fin au clientélisme. Il a rappelé la déclaration de Rached Ghannouchi au journal le Figaro avouant que « le gouvernement est en train d'apprendre à conduire les affaires du pays comme celui qui apprend à monter à bicyclette ». Sans miser sur l'échec du Gouvernement, Ahmed Brahim, précise que l'équipe gouvernementale »est incapable de répondre aux attentes du pays ». Le pays attend que d'autres forces soient capables d'assumer la relève. Le besoin d'une force uni étant accepté par tous, Ahmed Brahim rappelle qu'à la VDS, « nous sommes décidé à réussir le processus d'unification. Le seul choix est le fusion dans une seule structure ». Les deux approches se rencontreront. Le dialogue sera intensifié pour réussir cette convergence. C'est une question d'intérêt national », dit-il. Attendons les résultats des travaux du congrès et la reprise des négociations par la suite.