Les médias violeront-ils aujourd'hui la loi interdisant de publier des estimations de résultats avant 20H00? La quasi-totalité jurent qu'ils n'en prendront pas l'initiative, mais si un seul d'entre eux brave l'interdit, leurs bonnes résolutions pourraient s'effondrer. Ce débat, qui torture les salles de rédaction depuis plusieurs jours, est causé par les horaires décalés des bureaux de vote: la plupart ferment dès 18H00, deux heures avant que les habitants des métropoles ne cessent de voter et que la loi n'autorise la divulgation des premières estimations. L'idée est que tout chiffre dévoilé avant la fermeture des derniers bureaux pourrait fausser le vote, une crainte inconnue aux Etats-Unis où, décalage horaire oblige, les Californiens se rendent aux urnes alors que les télévisions new-yorkaises dissertent déjà sur l'issue du scrutin présidentiel. Déjà, en 2002 et 2007, internet avait ouvert des brèches: des sites étrangers, à l'abri de la loi française, avaient publié des estimations et des blogueurs avaient rivalisé d'allusions transparentes. Mais aujourd'hui, avec l'explosion des réseaux sociaux, la loi risque d'être bafouée au grand jour, même si les médias ont formellement interdit à leurs journalistes la moindre incartade. Et comment les médias pourront-ils garder le silence quand il suffira d'un clic aux Français pour trouver les chiffres sur les sites de la télévision belge ou du New York Times ? Nicolas Sarkozy a lui-même assuré qu'il ne serait «pas choqué» par cette violation de la loi: «Tout le monde à un ordinateur! On va mettre une barrière numérique? On va brouiller les ordinateurs?». François Hollande, en revanche, est contre car, dit-il, «ça ne modifiera pas un résultat mais ça peut affaiblir la participation». Le parquet de Paris a brandi la menace de poursuites judiciaires; le CSA rappelle en une de son site le «cadre juridique applicable la veille et le jour du scrutin». Libération a clairement annoncé la couleur: le journal «se réserve le droit» de publier les estimations dès 18H30 «si l'écart est net et les sources fiables», a dit son directeur de la rédaction, Nicolas Demorand. Dans une note à ses clients, l'Agence France-Presse a assuré qu'elle «respectera la loi». Les instituts de sondage et les gros médias associés TF1, France Télévision, Canal+, BFM TV, Europe 1, RTL, France Inter...) ont assuré qu'ils respecteraient la loi. Il faut dire que les grandes chaînes ou stations ont beaucoup à perdre: elles ont payé très Cher des estimations et font grimper les prix des minutes de publicité qui précèdent le sacro-saint 20H00. Pour autant, les responsables reconnaissent en privé rester «dans l'expectative», en attendant de voir comment la toile va réagir. Déjà, hier, la loi connaissait quelques coup de canifs avec des allusions interdites à des sondages sur Twitter où les hashtags #RadioLondres et #IciLondres par exemple renvoient aux mots codés les plus farfelus pour détourner la loi.
Des «Indignés» convergent à Paris Partis de Marseille, Toulouse, Bayonne, Lille et Angers, ils sont étudiants, enseignants, coiffeurs, aides-soignants, sans emploi ou retraités, militants du mouvement des «Indignés» ou simples citoyens, ils ont convergé hier à Paris pour dénoncer «la mascarade» de la présidentielle. Lancées entre le 3 mars Marseille) et le 7 avril (Angers), ces cinq «Marches populaires» se sont retrouvé à Paris hier après avoir fait la jonction avec la «marche des banlieues», qui s'est élancée le 15 avril de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). A raison de 20 à 30 kilomètres par jour, elles ont rassemblé entre 10 et 15 participants par étape pour les plus petites Angers) et entre 20 et 30 pour les plus importantes Bayonne, Marseille). Certains y ont participé de bout en bout, d'autres ont pris part à quelques étapes, au gré de leur disponibilité. On trouvait aussi des instituteurs, des infirmiers ou des RMIstes à Angers, un coiffeur, des chercheurs, un graphiste, un aide-soignant ou un plombier-chauffagiste à Lille, et même un lycéen qui prépare le bac à Marseille. Le doyen de Toulouse a 60 ans, la benjamine d'Angers a 13 ans et marche avec sa mère. Au total, La marche de Marseille a compté 150 à 200 participants, celle de Bayonne une centaine, selon des participants. Tous disent se retrouver sur «le rejet du système politique actuel» et la volonté de «se réapproprier l'espace public» et d'»éveiller la population». «On veut dénoncer la mascarade électorale, montrer que le peuple n'a pas la parole», explique Sylvie, 42 ans, qui vient de Lille. «On ne se sent plus du tout représentés par les politiques. On cherche un nouveau fonctionnement de la démocratie», renchérit Alexandre, 31 ans, de La marche angevine. A chaque commune traversée, les marcheurs se sont installés «sur la place publique», organisant des «assemblées et repas populaires», des projections de documentaires ou des débats. «Le but c'est d'échanger avec les gens, de partager les expériences, les ressentis» et de «créer l'étincelle là où il y a besoin, pour ne plus subir une société qui met des murs entre les gens», pense Nicolas, 25 ans, de La marche marseillaise centrée sur «l'écologie». Les marcheurs interrogés disent qu'ils ont été accueillis «positivement par les gens». «Ils sont intrigués, posent des questions, restent avec nous pour discuter. Certains se sont joints à nous. On a fait de belles rencontres», souligne Louise, 19 ans, de Marseille. Les campements étaient installés la plupart du temps avec l'accord des mairies, qui ont parfois fourni douches et toilettes. Il y a eu toutefois de l'hostilité dans des municipalités, comme à Illiers-Combray (Eure-et-Loir), Longjumeau Essonne) ou Montrouge (Hauts-de-Seine), relèvent des marcheurs obligés de trouver refuge chez l'habitant.
Français d'Outre-mer et Amériques ouvrent le bal La moitié des électeurs des territoires d'outre-mer et les Français vivant sur le continent américain ont commencé à voter hier: les premiers ont démarré à midi à Saint-Pierre et Miquelon, ouvrant ainsi le bal du premier tour de la présidentielle. Si le scrutin débute aujourd'hui en métropole, les premières opérations de vote ont débuté hie à Saint-Pierre et Miquelon, en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et en Polynésie française (soit près de 900.000 électeurs) ainsi que pour les Français du continent américain. Cette mesure, déjà en vigueur pour l'élection de 2007, vise à éviter qu'en raison du décalage horaire avec la métropole, ceux-ci soient appelés à voter alors que les résultats sont déjà connus. Mais leurs résultats sont soumis au même horaire légal de diffusion que tous les autres, à savoir aujourd'hui 20h00. A La Réunion, à Mayotte, à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, et pour tous les autres Français de l'étranger (1,15 million en tout sont inscrits sur les listes électorales consulaires), le scrutin se déroulera aujourd'hui, comme en métropole. Au total, ce sont environ 44,5 millions de Français qui sont appelés aux urnes les 22 avril et 6 mai pour les deux tours. Jusqu'à 20H00 donc, avec la fermeture des derniers bureaux de vote, la publication de sondages, d'estimations ou de commentaires est interdite par la loi, de même que la diffusion d'informations sur les résultats. Le respect de cet horaire a donné lieu à un débat, à l'heure de l'internet généralisé et dans la mesure où les médias étrangers ne sont pas soumis à la loi française. Pour les dix candidats, «toute action de campagne et tout acte de propagande à visée électorale sont interdits». Alors la plupart ont prévu de faire une pause dans leur fief: François Hollande sera dans son département corrézien, à Tulle où il a prévu d'aller sur un marché, Nicolas Sarkozy sera chez lui à Paris, comme Jean-Luc Mélenchon, tandis que François Bayrou se rendra à Pau. «Famille», «repos», «promenade» sont également au menu pour Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Eva Joly, Jacques Cheminade. Nicolas Dupont-Aignan a choisi pour sa part de réunir toute son équipe de bénévoles pour un déjeuner à son QG de campagne à Paris.