Par Ahmed NEMLAGHI - Nul doute que L'UGTT, cette organisation des travailleurs créée par des militants de première heure, a joué un rôle important dans la défense des droits et des libertés depuis bien avant l'indépendance. Avant l'indépendance, son leader, Farhat Hached, qui a été d'ailleurs à la base de sa création, a été également aux côtés des militants contre l'occupation coloniale. Il fut d'ailleurs un élément gênant pour les autorités coloniales car il menait une lutte sur les deux fronts, syndical et politique. Dans la conjoncture de l'époque, le syndical était tributaire du politique, pour la bonne raison qu'il y avait une inégalité de traitement entre les nationaux et les colons. Ces derniers étaient favorisés en matière d'emploi et de salaire. Le taux de chômage parmi les jeunes tunisiens de l'époque était Considérable. Farhat Hached dénonçait cet état de fait, et estimait que tous les problèmes dont souffraient les travailleurs nationaux étaient dus à la politique coloniale, injuste et ségrégationniste. Ce fut la raison pour laquelle, ce leader syndicaliste a été sauvagement abattu par une organisation pro colonialiste dénommée « la main rouge », en décembre 1952 soit quatre ans avant l'indépendance. Habib Achour son compagnon dans la lutte syndicale et qui a été l'un des membres fondateurs de l'UGTT, en 1949 a pris la relève, à l'aube de l'indépendance, pour devenir le leader syndical le plus reconnu et qui a été le plus longtemps à la tête d'une organisation qui a acquis au fil du temps une légitimité historique. Dans la conjoncture où elle a été créée, et dans le cadre de l'action qu'elle devait mener à l'époque aux côtés des militants du Néo-Destour, il fallait qu'elle fût la courroie de transmission de ce parti au sein duquel il y avait les plus grands leaders politiques, dont notamment Habib Bourguiba , Salah Ben Youssef, Mahmoud Materi, Mongi Slim et tant d'autres Ce fut la raison pour laquelle,l'UGTT a continué être la courroie de transmission du parti à l'aube de l'indépendance. Cependant les choses ont évolué depuis, et cette organisation syndicale étant la seule qui a joué un rôle positif dans le sens des revendications des travailleurs, a subi les fluctuations politiques par lesquelles est passé le régime politique durant les 30 ans où Bourguiba était à la tête du pouvoir. En effet à cette époque, il n'y avait pas de multipartisme à proprement parler. Même si, pendant la période de déclin de Bourguiba, certains partis d'opposition ont été autorisés, mais c'était purement formel, et plutôt pour la parade, afin de tromper l'opinion publique nationale et internationale. Si bien que l'UGTT a continué à composer avec le seul parti reconnu à savoir le parti destourien. La dissension qui eut lieu au sein de l'UGTT, à l'occasion du limogeage de Habib Achour, qui entra en conflit avec le gouvernement, eut une incidence sur cette organisation syndicale qui a essayé depuis de composer avec le régime en place tout en ayant en son sein des membres dont la démarche en faveur des travailleurs est restée constante et avec la même ferveur. Ces membres avaient pour cette raison subi toutes sortes de problèmes , y compris celui de les amener à désarmer, et même à quitter l'UGTT, qui devint, la courroie de transmission, non seulement du parti, mais également celle du régime en placer. Cela a continué, voire empiré avec l'avènement du régime du président déchu. Peut-on dire que l'UGTT a non seulement composé avec ce régime, mais l'a soutenu, en essayant d'écarter les contestataires en son sein jugés comme des éléments perturbateurs ? La réponse à cette question n'est pas facile d'autant plus que plusieurs de ses membres ont des problèmes, et ont même été incarcérés, sous un prétexte d'ordre pénal, souvent montés de toutes pièces. Cela a été le cas notamment sous le régime du président déchu, où la moindre réaction était contrôlée et souvent matée, en invoquant à son auteur des motifs d'ordre pénal, souvent fallacieux. Quelle a été l'attitude de l'UGTT pendant la révolution ? L'attitude des membres, de l'organisation a été en faveur des travailleurs. Cependant, il n'y avait rien d'officiel, c'est-à-dire, qu'il n'y avait ^pas une attitude claire de la part de son secrétaire général. Ce n'est qu'après la révolution, que ce dernier a commencé à faire des revendications claires et explicites. Si bien que les avis sont partagés quant à la crédibilité de l'attitude du secrétaire général, intervenue assez tardivement. Par ailleurs et abstraction faite de cet élément, l'UGTT ne peut plus être le seul interlocuteur valable, avec cette tendance au multipartisme, signe de démocratie et de liberté. En effet, avec la création récemment du nouveau syndicat, l'éventail des partenaires sociaux devient plus aéré et mieux fourni. Les travailleurs auront la liberté de choisir leur affiliation auprès de l'un de ces syndicats, et cela ne peut être que plus enrichissant et mieux constructif. L'UGTT, est tenue de revoir sa politique afin de donner un souffle nouveau à cette organisation qui peut continuer à percer, et à militer en faveur des travailleurs, sans pour autant détenir le monopole du syndicalisme, conception qui ne sert en rien la démocratie. Pour être efficace, celle-ci ne peut être que plurielle. Les organisations syndicales et politiques sont comme des amoureux, qui ne se regardent l'un à l'autre, mais qui regardent tous dans la même direction, en l'occurrence l'intérêt du pays.