Presse… Dégage ! Des articles islamiques pour hommes et femmes, des cosmétiques et des produits de médecine prophétique sont exposés ainsi que des burqas et des Kamis Les vendeurs sont catégoriques : «Nous ne voulons aucun contact avec la presse !» Ils sont une dizaine, voire plus, à camper la mosquée Al Fath au centre ville de Tunis. Ce sont des vendeurs d'articles islamiques. Ils portent tous le même uniforme, des kamis pour les hommes et des burquas pour les femmes. Ils sont répartis en deux lignes parallèles laissant une petite allée pour les passants qui sont dans la majorité des curieux venus découvrir de quoi il s'agit… Avant de nous voir venir, Hajja Khadija était en train de donner son numéro de téléphone à une cliente ‘fidèle' qui voulait acheter une douzaine de foulards en soie. Le grand sourire de Hajja Khadija s'est vite transformé en une indifférence intégrale après s'être aperçue que nous sommes des journalistes. « Je suis désolée mais je ne veux aucun contact avec la presse », dit-elle avec un ton ferme et très froid. Un souk pour les musulmans tunisiens «Que voulez vous savoir ? Nous sommes des commerçants pas plus », renchérit Hajja Khadija qui portait une abaya noire et un voile noir et blanc avant de se précipiter vers sa voisine pour demander son avis. « Attention Hajja, ne répond à aucune question ! », crie « Bonna », une jeune fille d'à peine vingt ans qui vendait des cosmétiques et des produits de médecine prophétique. Selon Bonna, il s'agit d'un petit ‘souk islamique' qui répond aux besoins des « musulmans tunisiens». Furieuse et très agitée, Bonna ajoute que les journalistes ne sont pas dignes de la confiance des commerçants de « Souk Al Fath ». « Nous avons choisi cette rue car nous voulons travailler à côté de la mosquée pour la prière. Nous proposons des produits halals que nous apportons de l'étranger. Ces articles que vous voyez nous coutent les yeux de la tête et nous n'avons aucune intention de quitter les lieux. Nous avons aujourd'hui réussi à gagner la confiance de nos clients et nous sommes prêts à tout faire pour y rester » crie-t-elle en accusant les journalistes de malhonnêteté et de manque de crédibilité. Une cliente venue chercher une bonne huile pour ses cheveux abîmés a affirmé que Bonna et ses camarades méritent le respect et la confiance des clients. « Sans doute, les produits cosmétiques sont très chers dans les boutiques et les magasins. Ici nous pouvons trouver des différentes gammes de produits beaucoup moins chers avec la même qualité et les mêmes résultats », dit la cliente avant de payer 5 dinars pour une bouteille d'huile d'argan qui coute, selon elle, dix fois plus cher dans les boutiques. Pas de réponse pour la presse ! Quelques secondes plus tard, Bonna a été appelée par son frère. Un jeune barbu vendant des chapelets en plastique dur et en bois. « Je t'ai interdit de parler aux médias », hurle le frère de Bonna avant d'ajouter : « Allez retirez-vous d'ici immédiatement. Vous n'avez aucun droit de nous interroger sur quoi que ce soit. Nous en avons ras le bol de vos reportages et vos enquêtes qui n'ont aucun rapport avec la vérité ». Bonna et son frère ne faisaient pas l'exception. Les vendeurs ambulants présents devant la mosquée étaient affirmatifs : Pas de réponse pour la presse. « Il faut essayer de les comprendre », dit Naceur, un vendeur de jouets. « Je les côtoie depuis des semaines et je vous garantis qu'il s'agit de gens très simples venus des quatre coins de la capitale à la recherche d'un endroit calme pour exposer leur marchandise ». Selon Naceur, qui n'était pas barbu mais qui avait un grand tatouage soigneusement dessiné sur le bras gauche, les ‘vendeurs de la mosquée ont réussi à drainer une grande clientèle optant pour des articles islamiques. « A titre d'exemple, ici c'est l'un des rares endroits où on vend les burqas. Des dizaines de femmes viennent toutes les semaines pour en acheter. La vente de livres islamiques est également très prospère en ces jours. Des jeunes et des moins jeunes viennent chercher des bouquins islamiques parlant de l'Islam et de la Chariââ. En deux mots, c'est devenu le ‘souk islamique' de la capitale », affirme Naceur. Entre conformité aux rites islamiques et absence de toute sorte de réglementation, la vente d'articles islamiques connait une grande affluence de la part d'un grand nombre de Tunisiens. Il reste, tout de même à se demander s'il s'agit d'une nouvelle mode qui finira, tôt ou tard, par quitter nos mûrs ou si c'est une nouvelle mentalité qui prendra de plus en plus d'ampleur dans les mois et années à venir ?