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D'où vient la marchandise ?
Reportage : Moncef Bey dans tous ses étals
Publié dans Le Temps le 23 - 01 - 2010

Le souk de Moncef Bey est encore, malgré la création d'autres petits marchés parallèles du genre, une destination privilégiée pour tous les adeptes des nouveaux produits à bon marché ou à prix abordables de la technologie moderne. On y vend des marchandises de toutes sortes : cela va des accessoires les plus anodins du téléphone portable aux téléviseurs les plus sophistiqués et les plus rares.
C'est une vraie caverne (à ciel ouvert) d'Ali Baba où s'approvisionnent en articles divers la majorité des habitants de la capitale et de ses environs ainsi que tous les visiteurs tunisiens ou étrangers de cette métropole. D'où viennent justement ces marchandises autour desquelles courent les rumeurs les plus déplaisantes ? Comment entrent-elles sur le sol tunisien ? Qui sont les commerçants qui animent ce marché autorisé mais toujours suspecté ? Quels sont leurs problèmes, s'ils en ont ? Qui sont leurs clients ? Comment s'organise le souk de Moncef Bey qui nourrit des milliers de familles tunisiennes et permet à des millions de concitoyens de s'offrir à moindres frais un semblant de luxe et de confort ? Nous essaierons dans le cadre de cette enquête de lever le voile sur certains secrets dudit marché mais d'autres mystères le concernant ne seront qu'à moitié dissipés ; parce qu'apparemment la suspicion qui entoure ce souk fait désormais partie de ses composantes essentielles.
Origines...
Si l'on en croit ce que colportent certains commerçants que le souk de Moncef Bey dérange plus ou moins directement, tout ce qui se vend dans ce marché proviendrait de la contrebande. D'après l'un d'eux, l'introduction des marchandises écoulées là-bas se fait par voie maritime ou terrestre à travers des réseaux organisés que financent et couvrent des personnes fortunées. « Ils ont leurs astuces, ajoute-t-il, pour échapper aux contrôles douaniers. Ce sont de vrais requins qui maîtrisent l'art de l'importation illégale. » Un camionneur de la zone affirme avoir plusieurs fois transporté d'importants quantités de produits et d'articles dont la provenance lui paraissait suspecte, « mais à chaque fois, je découvrais en cours de route et plus précisément aux multiples points de contrôle que leur propriétaire était en règle. On parle beaucoup de contrebandiers puissants qui seraient derrière ces mouvements mais personnellement je n'ai rien vu de louche ici. Ce que je peux certifier par contre, c'est que ce marché fait vivre des milliers de familles et rend d'énormes services au Tunisien qui veut faire des économies sur l'achat de nombreux biens domestiques. » En interrogeant un commerçant de Moncef Bey sur la provenance de ses appareils électriques et électroniques, il nous a répondu qu'il les avait achetés soit dans des fabriques tunisiennes, soit chez des grossistes, soit enfin chez des particuliers parmi nos travailleurs à l'étranger. « Il m'arrive certes de traiter avec de grands importateurs très connus par ici, (je ne peux pas vous dire leurs noms) surtout quand il s'agit d'articles introuvables dans le circuit ordinaire. Mais la plupart de mes fournisseurs sont des Tunisiens qui vivent en Europe et qui me proposent une marchandise d'origine certifiée et d'excellente qualité. Des fois, c'est moi-même qui me déplace chez eux pour rapporter les articles mais la plupart du temps, ce sont eux qui frappent à ma porte. Dans mon magasin, la marchandise imitée n'a pas droit de cité. Vérifiez par vous-mêmes. Et je ne fais pas comme mes voisins qui vous disent, à propos de tout ce qu'ils vendent, que c'est original. Mes clients savent en tout cas à qui ils ont affaire ! ». D'après notre interlocuteur, 90 % des marchandises du souk viennent d'Asie (de Chine en particulier) et de Libye. Comment entrent-elles sur le sol tunisien ? « Quelquefois régulièrement, mais souvent par voie clandestine », nous répond-t-il. Les services douaniers ont tout le monde à l'œil néanmoins et à maintes reprises les contrebandiers ont dû payer très cher leur trafic illégal. » Un deuxième commerçant, spécialisé dans la vente des portables et de leurs accessoires, fut moins nuancé dans ses affirmations sur l'origine des marchandises du souk : « Tout ce qui se vend ici est entré illégalement. Il faut tout simplement savoir passer par les mailles des filets de la Douane. Parce qu'autrement vous perdez tout, et repartez à zéro. »
Qui sont les marchands ?
La majorité des commerçants avaient leurs échoppes ou leurs étals à la rue Zarkoun avant le transfert du souk à Moncef Bey. Il semble cependant que des « intrus » très jeunes ont investi le marché ces dernières années et y ont semé la zizanie. Deux commerçants de la « vieille » génération l'affirment : « Avec leur arrogance et leur grossièreté, ils font fuir les clients. On dirait même qu'ils ne se sont pas installés ici pour travailler et gagner leur pain quotidien. Célibataires et visiblement sans soucis, ils dérangent sérieusement tous ceux qui ont comme nous des bouches à nourrir. Nous nous demandons d'ailleurs comment et sur quelles bases les autorités municipales leur ont reconnu le droit de s'implanter ici et d'occuper des espaces plus grands que les nôtres. L'autre dérangement est, ajoutent-ils, causé par les étals anarchiques des vendeurs à la sauvette. Quand on nous a délogés de la rue Zarkoun, on nous a promis de mettre fin à ce commerce sauvage. Or, les vendeurs à la sauvette ne se multiplient pas seulement dans les artères du centre-ville mais envahissent de plus en plus notre souk ! »
Les vrais maîtres des lieux
Les commerçants de Moncef Bey sont rarement propriétaires de leurs locaux. Ils sont pour la plupart locataires ou plutôt sous-locataires. Certains ont juste une procuration du locataire initial et de ce fait n'ont presque aucun droit sur leur fonds de commerce. Les espaces occupés sont en effet à la disposition de personnes autorisées par la municipalité à les exploiter. En général, il s'agit d'anciens commerçants du souk qui ont conservé des droits sur la surface louée ou de personnes indigentes pour qui le loyer de l'espace commercial octroyé constitue une source de revenu. Cependant, et d'après ce que nous ont appris certains marchands, l'autorisation d'exploiter ce genre d'espace est parfois délivrée à des particuliers aisés et à des personnes peu recommandables qui abusent de cette faveur pour majorer continuellement le montant des loyers. Les loyers les moins chers dépassent facilement les 150 dinars pour des superficies très serrées. Mais l'on peut payer plus de 500 dinars pour un espace aussi étroit. Le paiement est mensuel et dans quelques cas rares trimestriels.
Les autres charges des commerçants
En plus du loyer, les commerçants du souk paient 20 dinars par mois à la municipalité et 1 dinar à titre de participation aux frais de gardiennage. Dans la partie couverte du souk, les 6 blocs dont elle est constituée sont gardés par 18 employés, (à raison de 3 gardiens par bloc). Ils participent également à la collecte au profit du Fonds de Solidarité 26-26. D'après les commerçants, ces frais en apparence supportables représentent un lourd fardeau qui les empêche de réaliser de vrais bénéfices : « Je vous jure, dit l'un d'eux, que parfois je ne peux même pas épargner les vingt dinars dus à la municipalité. Beaucoup parmi nous ne travaillent que pour réunir le montant du loyer. Je parle surtout des commerçants spécialisés dans l'habillement. La concurrence de Boumendil et des vendeurs à la sauvette a condamné certains à fermer boutique.» En ce qui concerne certains grands commerçants de la place, ils emploient plusieurs ouvriers qu'ils paient chacun à plus de 300 dinars le mois.
Le commerce qui marche
La vente des nouveaux modèles de téléviseurs plasma, des portables et des récepteurs numériques est ce qui marche le mieux depuis un certain temps à Moncef Bey. A l'occasion de la CAN 2010, on a enregistré une hausse sensible dans la vente des récepteurs de chaînes cryptées. L'un des vendeurs de ces appareils affirme en avoir écoulé plus de 30 depuis le début de la compétition africaine. Concernant les téléviseurs à écran plat, ils ont eux aussi leurs clients qui évitent d'aller dans les grandes surfaces en raison des tarifs excessifs pratiqués là-bas dans le rayon des articles électriques et électroniques. D'après les commerçants de Moncef Bey, l'économie réalisée par ces clients sur les postes de télévision, les climatiseurs, les réfrigérateurs géants et les machines à laver de qualité se chiffre en centaines de dinars parfois. Quand il s'agit d'articles montés ou fabriqués en Tunisie, la différence de prix varie entre 40 et 70 dinars. Ce qui est certain, c'est que les affaires ne sont pas mauvaises pour tout le monde. Un marchand de portables résume la situation commerciale à Moncef Bey dans cette phrase : « Certains coups peuvent vous propulser dans le cercle des fortunés du pays, mais vous pouvez aussi passer toute votre vie à tourner dans le vide ! »
Sans garantie
Lorsque vous achetez un article quelconque à Moncef Bey, ne vous attendez pas à ce qu'on vous délivre un certificat de garantie en bonne et due forme. Ce qu'ils appellent « garantie » là-bas, c'est souvent ce cachet que le vendeur appose sur la facture. « C'est vrai, reconnaît un marchand d'électroménager, que notre garantie n'est pas si fiable que ça. Mais la marchandise que nous délivrons est toujours testée sous les yeux du client avant qu'il l'acquière. Et puis, lorsqu'une machine trahit une quelconque défectuosité chez celui-ci, nous la reprenons et la réparons à nos frais. Parce qu'à vous dire la vérité, nos fournisseurs ne sont pas tous joignables pour que nous leur rendions l'appareil détraqué. Et pour être encore plus franc avec vous, je vous dirai que quelquefois nous demandons au client de participer aux frais de réparation. » Un vendeur de portables s'étonne à ce propos que les gens demandent le certificat de garantie aux commerçants de Moncef Bey. « Il circule à notre sujet bien des rumeurs malveillantes. On pense toujours que nous escroquons les clients. Alors qu'ils aillent ailleurs et qu'ils se fassent arnaquer autrement ! ». Son voisin spécialisé dans le même commerce s'emporte contre un genre de clients indélicats qui, après avoir occasionné des dégâts sur l'article acheté, viennent exiger qu'on le reprenne et qu'on le remplace par un autre. « Je n'ai plus confiance dans le client. D'ailleurs savez-vous que la plupart des commerçants du souk acceptent les chèques et risquent donc quotidiennement d'être victimes de clients insolvables ? »
Les clients de Moncef Bey
Les acheteurs de portables sont plutôt jeunes. Ils viennent au souk pour ses prix abordables et pour la diversité des marques qu'il propose aux clients. Les nouveaux couples achètent des machines à laver, des frigidaires et des cuisinières à gaz ou des fours électriques. Les plus vieux cherchent les derniers cris dans le monde des téléviseurs et à un degré moindre dans celui des appareils de climatisation. La clientèle appartient aux catégories sociales moyennes, mais d'après les commerçants, les richards tunisiens ne rechignent pas à faire leurs commandes à Moncef Bey. En tout cas, pendant notre tournée au souk, nous n'avons croisé que des gens de condition moyenne.
C'est la crise, tous les jours, sauf dimanche !
« Dans le temps, notre commerce rapportait beaucoup. Les meilleurs chiffres d'affaires ont connu une chute d'au moins 30 %. Aujourd'hui, la concurrence est rude avec les grandes surfaces. L'offre est par ailleurs débordante où que vous alliez alors que la demande a fortement baissé. Ce que nous proposons aujourd'hui aux clients ne représente plus une nouveauté comme c'était le cas il y a 10 ou 15 ans. N'oubliez pas non plus que dans les magasins de la ville, on accorde des facilités de paiement. Nous ne pouvons pas consentir ce sacrifice parce que nous devons continuellement avoir des rentrées d'argent sans quoi c'est notre survie qui est en jeu. » C'est en ces termes qu'un vendeur d'appareils électriques et électrique a décrit la crise qui s'est installée à Moncef Bey. Néanmoins, il reconnaît que le dimanche est un jour exceptionnel dans la vie du souk. Chacun essaie de couvrir ses pertes de la semaine en réalisant le maximum de bénéfice ce jour-là.
Anarchie
Les échoppes du souk Moncef Bey comme ses nombreux étals dégagent une impression flagrante de trop-plein. Les articles et les cartons s'entassent par dizaines à l'intérieur et à l'extérieur des boutiques. Les trottoirs et la chaussée des artères occupés par le marché servent de présentoirs immenses aux commerces des riverains. De plus, la partie libérée (miraculeusement) par les marchands est investie par les centaines de voitures des fonctionnaires des administrations environnantes lesquels ont transformé toute la zone en un vaste parking. Pour en revenir aux boutiques du souk, force est d'y remarquer qu'aucune enseigne (quand il y en a)n'informe réellement sur l'activité de son propriétaire. Parce que chaque commerçant vend tout et n'importe quoi.
Créé en 1994
Il fut créé en 1994 pour abriter les nombreux commerces qui encombraient avant cette date la rue Zarkoun et les ruelles voisines. La superficie qu'il occupe actuellement est de plusieurs centaines de mètres carrés. On y compte plus de mille commerces. Le souk se divise en deux grands ensembles : une partie non couverte où se sont installés notamment les marchands des appareils électriques et électroniques et une autre couverte répartie en 6 blocs compartimentés sans vocation précise. Une dizaine de gargotes et trois ou quatre cafés ont ouvert dans les alentours du souk ou bien à l'intérieur même de ses pavillons. Officiellement, le souk ferme lundi. Mais les marchands ne se conforment pas tous à ce règlement.


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