A un moment où les actes de contestation persistent dans plusieurs régions de la Tunisie, et le jour même où, l'Union des Diplômés Chômeurs observe un sit-in à la place de la Kasbah pour défendre leur droit au travail, le ministère des Affaires Sociales, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) lancent un dialogue social, qu'ils veulent une réponse aux problèmes socioéconomiques actuels. Deux jours durant, (les 24 et 25 mai) des économistes nationaux et internationaux, des universitaires, des experts dans les domaines des accords sociaux, de l'emploi, et du dialogue social ainsi que des représentants du gouvernement se penchent dans des séances huit-clos sur la question. Finalité : établir un diagnostic de la situation économique et sociale de la Tunisie et esquisser les axes d'un contrat social pour la période 2012-2020. Certes, une telle rencontre est d'importance majeure, car elle lance un dialogue entre les différents acteurs de la société. Ce dialogue est d'ailleurs, très attendu par les Tunisiens (fonctionnaires, employés, ouvriers…) d'autant plus que nous passons par une phase sensible, dominée par les tensions et les frictions entre les différentes parties et où, les actes de protestation prennent plusieurs formes. Toutefois, les organisateurs ont opté pour la discrétion et carrément le black out. Ils ont, malheureusement, choisi d'exclure les représentants des médias de tous les ateliers de travail. Prétexte : « toutes les rencontres de ce genre se déroulent de cette manière », explique Khalil Ezzaouia ministre des Affaires Sociales.
Transparence Il est vrai que les rencontres tripartites s'effectuent de cette façon. Cependant, notre pays passe par une phase transitoire, voire exceptionnelle, c'est ce qui justifie que les citoyens aient droit à une information instantanée pour savoir comment le gouvernement et ses partenaires procèdent pour résoudre les problèmes socioéconomiques. Ca aurait été plus judicieux de connaître les avis des trois parties concernant les défis socioéconomiques actuels de la Tunisie et les stratégies qu'il faut adopter pour relancer l'activité économique et promouvoir la paix sociale. Cette question a fait, d'ailleurs, l'objet de la première table ronde organisée hier matin. Pour ce qui est de la séance de l'après-midi, elle a été réservée aux expériences internationales et au rôle du dialogue social pour répondre aux chocs socioéconomiques. Deux thèmes d'importance majeure qui touchent directement tous les Tunisiens, surtout ceux qui sont issus des classes démunies. Mais ils seront obligés d'attendre encore pour connaître les résultats de cette réunion. En effet, un groupe de travail tripartite sera formé à la fin des travaux pour se charger de la rédaction du projet de contrat social et les étapes futures du dialogue social. Unanimité A cet égard, les représentants des différentes parties, Hamadi Jebali, Chef du gouvernement provisoire, Khalil Ezzaouai, ministre des Affaires Sociales, Hassine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT, Wided Bouchamaoui, présidente de l'UTICA ainsi que d'autres intervenants : Moussa Oumarou, Directeur du département des relations professionnelles et des relations d'emploi à l'Organisation Internationale du Travail, et Monica de Coninck, ministre de l'Emploi en Belgique, étaient unanimes sur le fait que le lancement d'un débat et d'un dialogue social national, tripartite aura un impact positif sur le redressement de l'économie tunisienne et surtout, l'amélioration des conditions de vie des employés, des ouvriers, voire des jeunes chômeurs en quête de travail. Car « ils ont tous droit à une vie décente », s'accordent-ils à dire, et parce que « le contrat social reste un garant d'une paix sociale », d'après Hamadi Jebali, Chef du Gouvernement provisoire. Il a rappelé à cette occasion que le gouvernement provisoire est toujours déterminé à atteindre les objectifs de la Révolution et à surmonter les problèmes tout en rappelant que des mesures ont prises dans le domaine de l'emploi et le développement régional. De son côté, Hassine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT a réitéré « l'engagement de l'Union à suivre cette nouvelle approche qui rompt avec l'ancienne mentalité », tout en insistant sur « l'importance à adopter un nouveau plan de développement pour améliorer l'économie tunisienne et absorber le chômage ». Le secrétaire général de l'UGTT, s'est même montré optimiste par rapport à cette initiative tout en rappelant la responsabilité historique de la centrale ouvrière dans l'amélioration des conditions des travailleurs.
Pour sa part, Wided Bouchamaoui présidente de l'UTICA a déclaré : « cette rencontre permettra d'améliorer notamment, les relations entre les travailleurs et les employeurs et ce pour promouvoir les conditions d'exercice ». La présidente de la centrale patronale a même parlé de « l'adéquation de la formation universitaire et professionnelle avec le marché de l'emploi », mesure nécessaire pour réduire ce phénomène.
Partenariat
Quant à Khalil Ezzaouia il a rappelé que la tenue de cette conférence s'inscrit dans le cadre du suivi de la conférence de Bruxelles du 8 décembre 2011 pour mettre en place un nouveau type de partenariat dans le domaine du dialogue social. A rappeler à cet effet que la conférence est organisée avec le soutien du Bureau International du Travail ainsi que par le gouvernement belge.
Toujours dans le même contexte, Monica de Coninck, ministre de l'Emploi en Belgique, a donné un aperçu sur l'expérience belge dans le dialogue social qui date d'un demi-siècle. « Un dialogue basé sur l'établissement d'accords interprofessionnels nationaux », déclare la ministre.
Moussa Oumarou, Directeur du département des relations professionnelles et des relations d'emploi à l'Organisation Internationale du Travail a par ailleurs rappelé qu'un Pacte mondial pour l'emploi a été adopté en 2009 visant entre autres à mettre le dialogue social au cœur des problématiques macroéconomiques. « Sans aucun doute, le dialogue social tripartite constitue le principal outil de négociation pour trouver les solutions aux défis posés »
In fine, nul ne peut nier qu'un dialogue social reste indispensable pour faire sortir la Tunisie de cette situation de crise. Cependant, il faut que les trois parties s'engagent à court, à moyen et à long terme à concrétiser sur le terrain les résultats de ce dialogue pour assurer l'égalité et l'équité sociale.