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«Elle est incompatible avec les valeurs universelles des droits de l'Homme» Ruth Dreifuss et Robert Badinter plaident à Tunis pour l'abolition de la peine de mort
Menant une campagne internationale contre la peine de mort et faisant du plaidoyer auprès des gouvernements, deux membres de la Commission Internationale Contre la Peine de Mort à savoir : Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Fédération suisse et Robert Badinter, ancien garde des Sceaux en France, se sont rendus en Tunisie pour encourager les responsables aux pouvoirs afin d'inclure l'abolition de la peine de mort dans nos textes de loi. « Nous ne sommes pas venus pour donner des leçons, mais pour promouvoir l'abolition universelle de la peine de mort car partout, il y a une alliance entre la démocratie et l'absence de la peine de mort, si non ça sera de la dictature », tenaient à dire Mme Dreifuss et M. Badinter lors d'une rencontre avec des représentants de la presse qui a eu lieu vendredi après-midi, à la Maison de France.
Présentant la Commission Internationale contre la Peine de Mort, Robert Badinter a rappelé qu'elle a été créée à l'initiative de José Luis Rodriguez Zapatero ex- président du Conseil espagnol, et Federico Mayor, ancien président de l'UNESCO et ancien ministre espagnol, ainsi que d'autres membres venant de différents horizons dont l'Algérie. Malgré les efforts déployés dans ce sens « la peine de mort est toujours présente, ce qui nous pousse à mobiliser plusieurs pays pour rejoindre le camp des abolitionnistes », rappelle M. Badinter. Et s'ils ont choisi la Tunisie pour y faire du plaidoyer en ce moment, c'est parce qu'ils considèrent que notre pays « a une grande tradition dans la lutte contre l'abolition de cette forme de peine ». « Et quand la Tunisie proclame l'abolition de la peine de mort, elle va montrer que la page est tournée avec le système de dictature et que les choses changent », enchaîne l'ancien garde des Sceaux qui est parvenu à obtenir l'abolition de cette peine en France en 1981. Il considère d'ailleurs que « la conséquence logique de la Révolution tunisienne, laquelle a émané de la volonté du peuple, est l'abolition de la peine de mort, pas dans les pratiques mais dans les textes ». « A quoi bon garder des textes qu'on n'utilise pas du tout », recommande le militant des droits humains.
Et la Chariâa ?
Mais avec la montée des islamistes et la présence de groupes de salafistes qui prônent la Chariâa comme source de lois, l'abolition de la peine de mort pourrait-elle être inscrite dans la Constitution tunisienne et les textes de loi, d'autant plus que des politiciens français (Marine Le Pen) considèrent que la dictature laïque a été supplantée par une autre islamiste ?
Répondant à cette question, Mme Dreifuss annonce qu'elle « ne partage pas l'idée diffusée en Europe laquelle considère qu'il y a une certaine incompatibilité entre l'Islam et la démocratie ». « Je suis persuadée du contraire, et les événements en Tunisie l'ont rappelé une fois de plus », rassure la militante pour le droit à la vie, tout en citant quelques expériences européennes, notamment, celle de son pays la Suisse où, l'on trouve des partis politiques qui se réfèrent à la foi religieuse. « La Suisse, qui comme vous le savez, est une Fédération où les pouvoirs décentralisés sont très forts, ces partis étaient hégémoniques pendant très, très longtemps », toujours d'après Mme Dreifus. Et d'ajouter « nous avons réussi à générer de l'expérience de ces partis ».
Doutes
Par contre, « j'ai des plus grands doutes quand des groupes extrémistes qui ne jouent pas le jeu démocratique et qui exercent parfois avec violence leur croyance, et s'efforcent d'obliger d'autres gens à adopter le même comportement tout en demandant à l'Etat de remplacer les lois de la Cité par la collectivité ». Malgré cette attitude, Mme Dreifuss reste optimiste. « Je pense que la Tunisie est, de tous les Etats qui ont connu des bouleversements à la suite du soulèvement populaire, celui qui a le plus de chance d'inventer une nouvelle forme de vie commune qui soit réellement enracinée dans la démocratie », toujours d'après l'ancienne présidente de la fédération suisse.
De son côté, M. Badinter rappelle que « la laïcité, n'est autre chose qu'un principe qui veut que chacun puisse pratiquer-en toute liberté- la religion de son choix et pas uniquement la religion ». « Chacun est libre de ses convictions et l'Etat doit garantir à chacun le libre exercice de son culte ou de ses convictions », insiste Robert Badinter tout en ajoutant que « la laïcité n'est pas l'anti-religion ». Partant de ce fait, il considère l'humanité va pour l'abolition universelle de la peine de mort et ce « parce que le mouvement s'accélère et il n'y a pas de retour en arrière », annonce M. Badinter. « La peine de mort est incompatible avec les valeurs universelles des droits de l'Homme », tenait à affirmer l'ancien garde de Sceaux français.