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Driss Guiga : « Oui, en janvier 1984, le gouvernement Mzali n'avait plus de légitimité politique et Bourguiba, de légitimité éthique »
Flash back Retour sur un événement tristement mémorable
Publié dans Le Temps le 26 - 06 - 2012

Le récit des événements de janvier 1984 a été tr�s longtemps controversé. Apr�s le témoignage de Driss Guiga, samedi dernier, 1 la Fondation Temimi, c'est désormais une étape tirée au clair.
La 6�me et derni�re session qui a été consacrée 1 cette lourde péripétie de l'histoire de la Tunisie peut mettre fin aux spéculations qui ont porté préjudice aux deux principaux protagonistes .

Revenant sur la gen�se de cette affaire, Driss Guiga a brossé d'abord le cadre politique et social du pays durant toute l'année 1983. Et c'est la préparation du budget de l'année 1984 qui a constitué le catalyseur de ce qui va générer une explosion sociale en janvier 1984. Mansour Moalla, ministre du Plan et des Finances, ayant jugé que l'investissement n'était plus possible sans la limitation des fonds alloués 1 la Caisse de Compensation avec, 1 l'appui, un plan sur dix ans visant son extinction définitive. Bourguiba était de cet avis et exhorta mŸme Habib Achour de le soutenir dans cette entreprise. Le défilé des maladresses politiques de 1983 se présente comme suit:

- camouflet de Mzali 1 Moalla en direct 1 la Télévision, lui déniant de parler d'augmentation des prix des produits de premi�re nécessité, notamment le pain, et rassurant la population 1 ce sujet, ce a qui abouti au départ de ce dernier le 18 juin, apr�s des péripéties croustillantes relatées par Moalla dans son dernier ouvrage*;

- démission de Abdelaziz Lasram qui ne partageait plus l'option prise par Mzali, quelques mois apr�s son différend ouvert avec Moalla ;

- mise en sc�ne en Conseil des ministres avec le Maire de Tunis pour justifier l'augmentation des prix par le gaspillage (les poubelles de Tunis regorgent de pain);

- vote de la loi de Finances 1984, prévoyant l'augmentation des prix des produits de premi�re nécessité par le Parlement, sans la moindre objection ( sept abstentions seulement)

D�s lors le déclenchement des hostilités devenait inéluctable : Douz, Kebilli puis Feriana, Kasserine et Thala. En peu de temps c'est tout le pays qui s'est soulevé contre l'augmentation 1 plus de 100% du prix du pain, avec des pics 1 Gafsa, Gab�s et Sfax. Bourguiba ayant été lui-mŸme l'instigateur et Mzali l'exécutant soumis, il fallait justifier. La premi�re réaction du régime par l'entremise de Mezri Chekir 1 la télévision est jugée inadaptée, voire provocatrice (2 janvier ), celle de Mzali, le lendemain, plutôt musclée et déterminée. La riposte s'est alors corsée davantage malgré l'état d'urgence décidé par Bourguiba 1 son retour de sa visite périlleuse 1 Ksar Hellal, confirmation faite par Me Tahar Bousemma, qui était dans l'avion présidentiel et qui a apporté lors de cette session des compléments utiles et précieux. Ce n'est que le vendredi 6 janvier que la situation a été renversée par le « génie »de Bourguiba lequel annonæa 1 la télévision le retour au statu quo. Encore une fois Bourguiba s'est dérobé, faisant ainsi une pi�tre démonstration de son dédain pour l'éthique politique. Or, « le malheur de l'homme provient de son inconséquence. » Pourtant, les événements similaires survenus au Maroc et en Egypte ne l'avaient pas dissuadé d'augmenter le prix du pain, allant jusqu'1 dire 1 Guiga : « moi, je ne suis ni Hassan II ni Sadate. » Son ministre de l'Intérieur avait beau le flatter « mais vous Ÿtes plus proche du peuple», rien n'y fit. Or, en bon juriste le président savait que le prix est un contrat tacite entre le vendeur et l'acheteur. Et puisque le prix du pain relevait du monopole de l'Etat, il était naturel qu'une augmentation aussi substantielle était une rupture unilatérale et abusive de ce contrat tacite, d'oÌ cette réaction légitime, fondée et assumée de l'acheteur qui s'appelle le peuple.

A vrai dire, les caisses de compensation sont des mécanismes inventés par les gouvernants pour acheter le silence des populations, voire leur soumission ; ce faisant ils deviennent otages de l'engrenage provenant du droit acquis, des perturbations des budgets et des crises socioéconomiques cycliques, sans préjuger du préjudice causé par le gaspillage signe de l'irresponsabilité du citoyen. Le gouvernement a manqué en la circonstance de discernement : ayant prévu des indemnisations en faveur des ménages ciblés, il avait buté sur des contraintes du calendrier budgétaire pour servir cette compensation directe. Auquel cas, il fallait retarder l'augmentation des prix. En somme, de l'amateurisme politique. Quant 1 la gestion sécuritaire, elle a fait de son mieux pour limiter les pertes humaines, de l'aveu mŸme de Bourguiba dans sa mémorable allocution télévisée. C'était l1 le sujet de discorde retourné plus tard contre Guiga.

Mais les retombées politiques de cet événement seront injustes pour Guiga et désastreuses pour le pays avec l'aggravation de la situation économique, le limogeage de Mzali en 1986, l'arroseur étant 1 son tour arrosé. S'ensuivit le diktat de la Banque mondiale qui a imposé au pays le Plan d'Ajustement Structurel (PAS). L'arrivée de Ben Ali au pouvoir n'aura été en définitive qu'une conséquence différée des émeutes de janvier 1984, puisqu'il a été rappelé dans la foulée tel un messie, sans que personne ne fasse une lecture prospective de ce rappel.

A l'évidence, la politique tunisienne est devenue carrément biaisée depuis la proclamation de la présidence 1 vie en 1975 qui a conféré aux décisions de Bourguiba un caract�re quasi sacré : tel un monarque, il n'avait plus de comptes 1 rendre 1 personne. Pourtant, en politique ce sont les urnes qui doivent sanctionner le pouvoir en place, mais Bourguiba a fait fi de cette considération fondamentale. Mais cette r�gle s'applique plutôt en démocratie, un syst�me de gouvernance qui n'a pas obtenu l'adhésion de l'admirateur du mod�le occidental pour des raisons qui ne sont pas difficiles 1 deviner.

Napoléon disait 1 juste titre : « L'art de gouverner est de ne pas laisser les hommes vieillir dans leurspostes. »

C'est pourquoi Guiga a déploré que Mzali eut manqué de courage pour démissionner, ayant perdu la légitimité politique et que Bourguiba ait fait une autre entorse 1 l'éthique politique en reculant devant la pression du peuple sans en assumer la responsabilité, présidence 1 vie oblige.

Quant au proc�s qui lui a été intenté, c'est aussi un pi�tre habillage de la réalité. Une fois remercié avec les honneurs, moyennant une remontrance typique du Président « vous appelez 1 la démission du gouvernement, mais de quoi vous mŸlez-vous ? », Guiga a été mŸme recommandé par Bourguiba en personne pour séjourner une semaine chez l'ambassadeur Hédi Mabrouk 1 Paris. Les commentaires sur les rivalités pour la succession de Bourguiba ont été occultés par Driss Guiga sans que personne ne puisse lui dénier une légitime ambition politique. La seule zone d'ombre qui persiste concerne l'interprétation du geste de Guiga du 6 janvier 1984 quand, du balcon de son bureau, il a indiqué 1 la foule le chemin de Carthage pour faire acte de gratitude au « Combattant SuprŸme », apr�s avoir obtenu l'assentiment de Bourguiba qui, naturellement, ne pouvait que s'en délecter. A-t-il brandi en la circonstance le V de la victoire insinuant la défaite de Mzali ? Guiga le nie, et la preuve matérielle demeure 1 la charge de ses détracteurs. Précision : 1 aucun moment, le conférencier n'a eu une réflexion visant 1 abaisser Mohamed Mzali ou qui lui soit franchement hostile.


L'épisode a une autre signification : pratiquement, tous les collaborateurs de Bourguiba ont quitté la politique par la petite porte. MŸme ses deux épouses et son fils n'ont pas eu droit 1 ses faveurs. Ainsi, celui qui pouvait ressentir l'honneur de travailler 1 ses côtés devait en payer un jour ou l'autre le prix; le seul qui a échappé 1 ce destin est Ben Ali. Mais c'est le destin qui s'est chargé de le rattraper tant il est vrai que « Dieu accorde des sursis mais ne néglige personne. »

Abdeljelil Temimi pouvait jubiler : les six sessions consacrées 1 Driss Guiga ont apporté un lot de révélations fort précieuses. C'est le but recherché mŸme si pour ses contemporains d'autres facettes de sa personnalité suscitent des réserves, mais ceci est une autre histoire.

Par Mohamed Kilani

*De l'Indépendance ą la Révolution, systŹme politique et développement économique en Tunisie, Sud Editions - mai 2011.


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