Mohamed-El Aziz Ben Achour: La Tunisie et l'Union française    Agence Tunisienne de Transport Terrestre: ouverture d'un nouveau centre d'examen pour permis à Sidi Bouzid    Tennis challenger Saint Tropez: Moez Chargui en finale    Championnats du monde de para-athlétisme 2025 à New Delhi: 11 athlètes tunisiens y participent    Un ancien ministre allemand des Affaires étrangères : L'Europe contrainte de négocier avec la Tunisie sur la question migratoire    Un Tunisien victime d'un AVC toutes les demi-heures... conseils pour sauver votre vie !    Foot -Coupe de la CAF : L'Etoile du Sahel chute au Soudan    Etats-Unis - Le Pentagone veut verrouiller l'information, la presse s'insurge    Fatma Mseddi appelle à la création d'un front citoyen pour sauver le processus du 25-Juillet    Le courant ne passe plus monsieur le président !    Le procès de l'homme d'affaires Ridha Charfeddine reporté au 10 octobre prochain    Tunisie : Moins d'accidents, mais plus de morts sur les routes en 2025    Le ciel en spectacle : éclipse solaire partielle ce 21 septembre    Plus de vingt grossistes et intermédiaires arrêtés lors d'une campagne contre la spéculation    Rome : Un Tunisien expulsé pour mariage fictif afin d'obtenir un titre de séjour !    Alerte météo : un puissant changement attendu en Tunisie dès la semaine prochaine    Cinéma : Dorra Zarrouk et Mokhtar Ladjimi sous les projecteurs du Festival de Port-Saïd    Les Etats-Unis pourraient percevoir des milliards de dollars dans le cadre d'un accord sur TikTok    Commentaire : Le pouvoir au peuple, non aux marionnettistes de coulisses    Mustapha Mnif: Vivre pour autrui    Tunisie-Chine : inauguration d'un Centre de Formation en Médecine Traditionnelle Chinoise    Le Copyright à l'ère de l'IA : Qui détient les droits ?    Ahmed Ounaies : la décision marocaine sur les visas est «naturelle» et liée à la sécurité    Washington impose 100 000 dollars de frais pour le visa de travail H-1B    Météo : Pluies isolées au Sud-Est et températures stables ce samedi !    Plus de 400 000 élèves bénéficient d'une aide financière    Tunis accueille la 3e conférence internationale sur la pharmacie en oncologie    Le Portugal reconnaîtra officiellement la Palestine ce dimanche    Maroc, Kaïs Saïed, migration…Les 5 infos de la journée    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    Hôpital Mongi Slim : inauguration d'un centre de formation en médecine traditionnelle chinoise et 7 unités de soin    L'huile d'olive tunisienne : les prix s'effondrent malgré la hausse des exportations    Liste des collèges et des lycées secondaires privés autorisés en Tunisie pour l'année scolaire 2025-2026    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    Travaux dans le sud de la capitale : prolongation de la déviation nocturne à Ben Arous    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    USMO : fin de l'aventure pour Victor Musa    Kais Saied dénonce les coupures intentionnelles d'eau et d'électricité et critique la gestion administrative    La Société ''El Fouladh'' lance un concours externe pour embaucher 60 agents    Kaïs Saïed dénonce une « guerre acharnée » contre l'Etat tunisien    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Driss Guiga avoue : «j'ai été lâche»
Un moment... pour l'Histoire
Publié dans Le Temps le 12 - 06 - 2012

«Je l'avoue, j'ai été lâche ( en arabe jaban), je me suis tu ». Ce fut un moment pathétique, samedi à la Fondation Temimi. Personne n'y était préparé. Parlant des élections de 1981, l'ancien ministre de l'Intérieur évoquait la péripétie décisive : il participait avec le Premier ministre Mzali et les gouverneurs de la République à une réunion au Palais de Carthage.
Quand quatre gouverneurs eurent informé le Président des activités débordantes de l'opposition, Bourguiba en a rapidement saisi le message et ressenti la gravité ; Il s'est alors allé à une litanie qui a valeur de programme d'action : « je n'accepterai jamais d'être contesté par un parlementaire ; quoi, Bourguiba épinglé par un Tunisien ? C'est inconcevable. » les gouverneurs retiennent le message et assurent des élections « normales », c'est-à-dire à la tunisienne, selon une technique - que les scientifiques excusent ce massacre linguistique- bien rodée depuis l'indépendance.

Guiga et Mzali se sont tus. Pourtant, ils étaient les seuls capables d'infléchir la tendance, ratant ainsi un grand tournant de l'histoire du pays. Ils se sont inclinés face au caprice du vieux Bourguiba, un président à vie qu'aucune sanction politique ne peut toucher, devenant plus qu'un monarque lequel doit laisser aux institutions le soin de gouverner le pays et se contentant de trôner.

Extrapolant, Guiga eut également l'élégance de reconnaître l'absence de toute culture démocratique chez l'ensemble du personnel politique depuis l'indépendance, à commencer par lui-même, précisant que le Néo Destour n'a jamais fonctionné selon des mécanismes démocratiques. La présidence à vie en 1975 en constitue d'ailleurs une singulière apothéose*.

L'épisode pourchasse encore Driss Guiga dont la relation avec Bourguiba est pourtant chargée de souvenirs marquants :, Bourguiba était présent sur invitation de son oncle Babri Guiga. lors de sa circoncision à Testour. En 1943, il rencontra Bourguiba à Hammam-Lif en tant que jeune militant à deux mois du Bac. La réaction du leader le marquera pour la vie : « je ne veux plus te revoir ici ; tu dois bien préparer ton examen car on aura besoin de toi plus tard. »


Une trajectoire singulière

Quatorze ans plus tard, c'est ce même Driss Guiga qui sera chargé en sa qualité de secrétaire général de l'Assemblée nationale d'une mission ingrate : signifier au Bey la proclamation de la république, donc sa destitution constitutionnelle. Par pudeur, il se garda de faire appel aux photographes pour immortaliser le départ précipité du Bey, lui évitant ainsi une humiliation supplémentaire.

Le parcours politique de cet avocat doublé d'homme de culture doit toutefois connaître un coup de frein : après un intermède comme directeur de l'Administration régionale, Bourguiba lui imputera un certain laxisme ( ?) en 1962 quand il était en charge de la direction générale de la Sécurité ( Complot Cheraiti), ce qui l'a conduit à l'Office du Tourisme ( 7 ans).

Trois fois ministre aux Affaires Sociales ( 1969) à la Santé Publique (1969-73) et à l'Education Nationale (1973-76), Driss Guiga doit toutefois payer pour sa témérité en faveur de la décentralisation universitaire qui n'était pas du goût de Hédi Nouira. Son exil à Bonn comme ambassadeur lui offre le temps de la méditation. Il croit même bien faire en proposant à Bourguiba, lors de son séjour pour traitement, des lectures éclectiques en philosophie mais son illustre hôte préféra des Mémoires d'hommes politiques. Tout y est dit , notre défunt Président cherchait invariablement à se comparer aux autres pour marquer l'Histoire. Sa sortie complètement ratée n'est finalement que la conséquence logique de cette obsession.

Guiga lui décerna néanmoins un satisfécit : Bourguiba travaillait avec rigueur, exécrait la familiarité et l'approximation. Mais la vieillesse aidant, il ne pouvait plus tenir au-delà de deux-trois heures d'astreinte au bureau. Précision importante : Guiga reconnut que Wassila Bourguiba a joué un grand rôle dans la politique intérieure de la Tunisie depuis le départ de Nouira en janvier 1980, avec, en prime, une omniprésence dès que Yasser Arafat était là afin de jouer la modératrice face aux élans incontrôlés de Bourguiba. C'est à ce tournant de la vie politique que Driss Guiga se retrouva au gouvernement en tant que ministre de l'Intérieur, dans la foulée des événements de Gafsa. Confirmant la conspiration entre Libyens et Algériens à ce sujet, Guiga donna sa lecture des péripéties malencontreuses et des insuffisances de la réactivité politique qui en disent long sur le vide enregistré..


Le suspense continue

Prié de livrer sa version des événements de janvier 84, Driss Guiga précisa que cela mérite un ouvrage à part. L'assistance suggéra alors que la Fondation consacre à cette question une session supplémentaire. Abdeljelil Temimi, ravi et honoré, promit une sixième rencontre- un record- avec cet homme politique qui constitue une mine d'informations intarissable, conservant de surcroît une vivacité de la mémoire hors du commun. Tout au long des cinq séminaires, Guiga s'est toujours montré chevaleresque vis-à-vis de Mzali malgré l'épisode avéré de 1984. Me Tahar Bousemma, avocat et ami de l'ancien premier ministre, ne se priva pas, après la séance, de lui témoigner son admiration pour cette élévation et cette élégance.

Mais au lieu de conclure sur une note gaie, le conférencier revint sur la mascarade électorale de novembre 1981 : « j'en conserve encore le sentiment de culpabilité et une torture de la conscience. » A quatre-vingt-huit ans, l'homme cherchait visiblement à assumer plutôt qu'à se dédouaner. Saisissant...

Par Mohamed Kilani
* « Le pouvoir, lorsqu'il ne laisse plus apparaître d'autre ambition que celle de sa propre perpétuation en même temps que la préservation de celui qui l'exerce, prend naturellement à contre-pied tous ceux pour qui il ne saurait être qu'un moyen de transformation sociale. » ( Jean-Marie Colombani - Le Monde)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.