N'en déplaise aux plus modernistes parmi nous, ceux qui prônent un Islam qui se veut à l'air du temps, comme on l'aime permissif et adapté aux changements qui s'opèrent dans le monde, les plus puristes, parmi nous également, continuent à croire en un Islam rigoureux, seule voie passante qui redonne à la Charia toute sa plénitude. « La voie de la Charia et le choix de la réforme » est le thème du colloque qu'organisera le parti ‘'Jabhat El Islah'' ce dimanche et qu'abritera le Palais des Congrès. Une manière de repenser la Charia et de réfléchir, loin des préjugés et des idées préconçues, sur la portée d'une telle entreprise pour laquelle s'entête les islamistes. Mais qu'est-ce que la Charia et qu'est-ce qu'on entend en fait par ce terme qui fait peur autant que le cortège de supplices corporels qui l' accompagnent ? Selon Malek Chebel dans le « Dictionnaire amoureux de l'islam », le terme renvoie à la « loi qu'ont inspirée les textes fondamentaux de l'islam au premier rang desquels se trouve évidemment le Coran... La Charia se compose de textes canoniques essentiellement le Coran et les hadiths, mais aussi des interprétations que les théologiens leur ont données au cours du IXème siècle. » Toujours selon Malek Chebel, La Charia n'est pas née d'un seul coup et elle n'est pas non plus tirée d'une seule doctrine. « Il a fallu du temps au corps des juristes pour élaborer ce codex immense. »
Charia, qu'est-ce que c'est ?
« Cela dit, la Charia n'est qu'une œuvre humaine et donc elle n'a pas la même autorité que le hadith ou le Coran » soutiennent les détracteurs de la Charia qui ne voient pas l'utilité d'une interprétation du texte coranique et des hadiths ayant vu le jour deux siècles après l'Hégire avec l'imam Chafii. Mais qu'en est-il de la Charia du temps des changements qui s'opèrent sous nos cieux depuis le 14 janvier 2001 ? La Charia qui refait surface dans des discours politiques a été très mal reçue par une frange de la société qui y voit là une instrumentalisation de l'Islam à des fins politiques. Pour Néji Djelloul professeur d'histoire et d'archéologie islamique à l'université de la Manouba, et membre du bureau politique du parti Républicain « Les partisans de la Charia, qui veulent en faire une source unique de la prochaine constitution, font donc un amalgame entre la Charia coranique et l'ensemble de la Charia islamique dominée par une volumineuse production qui s'est accumulée à travers les siècles. » Selon Néji Djelloul, l'apparition de la Charia dans le discours politique a commencé avec les « Frères musulmans » en Egypte. Le terme désignerait ainsi les lois et les règlements régissant toute l'existence des musulmans.
La Charia à travers l'Histoire
Notre interlocuteur qui nous explique les faits à la lumière de l'histoire nous signale que les anciens exposés juridiques en rapport avec la Charia remontent à la fin du second siècle et au début du troisième siècle de l'hégire (VIIIè –IXè siècles). Ces exposés donnèrent par la suite les quatre grandes écoles orthodoxes. Mais cette formation fut précédée par une tradition primitive qui s'est formée localement à Kufa, Médine, Basra et Damas.
« Le système qui se fit jour reflétait la pratique locale et la réflexion des savants qui n'étaient pas très dépendants du Hadith. Ce fut la période par excellence de l'ijtihad...Au troisième siècle de l'hégire, les gens du hadith, puis les jurisconsultes, s'orientèrent vers la lutte contre les courants novateurs au nom d'un idéal religieux. L'un des aspects les plus importants de cette lutte est l'émergence de la doctrine de Bidaa. C'est dans ce contexte que Chafii (m. 204/820) aurait mis en place le terrible mécanisme de la littérature herméneutique (usul al-Fiqh). Ainsi, après une période faste d'ijtihad, le droit musulman devient prisonnier du hadith et de l'ijma des savants anciens » souligne Néji Djelloul. Charia et politique Reste à savoir la conception de la Charia selon les partis à référentiel islamiste. Skander Réquiq du parti Amana fait remarquer dans une interview qu'il a donnée au journal Le Temps que les interprétations de la Charia diffèrent selon les sociétés musulmanes et les traditions de chacune d'entre elles. « De quelle Charia allons-nous parler ? Est-ce la Charia de l'Arabie Saoudite qui ne permet pas à la femme de conduire une voiture ou est-ce la Charia des Talibans qui n'applique la flagellation du voleur que sur les pauvres et les moins nantis ? » dit-il. La Charia devient-elle et du fait de la bêtise humaine la forme la plus inappropriée de notre compréhension du fait religieux ? « C'est si réducteur de résumer la Charia aux seuls châtiments corporels, car la Charia est aussi l'adoption d'un mode de vie à la manière islamique porteur d'un ensemble de valeurs universelles. » : c'est du moins ce que pensent ceux qui sont pour l'adoption de la Charia comme seule et unique source de législation dans la nouvelle constitution tunisienne à l'exemple du Hizb Tahrir. Les plus puristes parmi les islamistes croient dur comme fer en la Charia comme unique moyen salvateur qui redonnera à la Umma l'ennoblissement qui lui a valu du temps du Prophète. Qu'en pensent les partisans du Hizb ‘'Jabhat Islah'' ? La réponse nous sera donnée ce dimanche au Palis des Congrès.