Dans cette optique innovatrice, chez Astarté, on œuvre sur la sauvegarde du patrimoine culturel et écologique tunisiens. Avec plus de 4 mille randonneurs répartis sur plusieurs groupes de randonnées, à l'instar de Randocampclub ou Evasion ; la Tunisie peut compter sur un allié de plus pour développer le tourisme naturel et promouvoir les produits de terroirs locaux et pourquoi pas obtenir les certifications internationales et les insérer dans le classement des territoires aux Patrimoines institutionnels. Invité au premier salon de Pavie (Salon des itinéraires culturels) qui a eu lieu au mois de juin, le club Astarté, présidé par Dominique Martinet, a tenu à présenter son projet : «Via Augustina : Sur les Pas de Saint-Augustin en Tunisie» afin de booster le tourisme durable et naturel. Nous avons rencontré M. Martinet.
Le Temps : pourriez-vous nous parler un petit peu de vous d'abord ? Dominique Martinet : Je suis Dominique Martinez, de nationalité française. Je vis en Tunisie depuis 2006 et je suis membre administrateur de la Voie de Vezelay en France qui est celle du chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Je suis, parallèlement, administrateur du club Astarté, la Tunisie autrement où on travaille sur le tourisme alternatif, ou plus exactement, le tourisme vert de la Tunisie profonde.
D'où vous est venue l'idée de retracer le chemin de Saint-Augustin en Tunisie ? L'idée m'est parvenue après la lecture du roman Le pèlerin de Compostelle de Paulo Coelho. Après la France, j'ai eu ce déclic et j'ai décidé de monter un itinéraire culturel cheminant sur le modèle de Compostelle en Afrique du nord sur les pas de Saint-Augustin.
Qu'est ce qui a fait que vous vous décidiez de vous installer en Tunisie ?
D'abord, j'aime beaucoup ce pays. Par ailleurs, je m'intéressais beaucoup à Saint-Augustin depuis une dizaine d'années et que j'ai fait une thèse sur lui. Je suis, donc, venu m'installer ici pour voir le cadre dans lequel il vivait et les lieux où il exerçait. J'étais allé en Algérie. Mais j'ai décidé de m'installer en Tunisie pour des raisons de commodités et c'est surtout parce que le centre des pérégrinations de Saint-Augustin se situait entre Annaba et Carthage.
Pourriez-vous nous présenter le club «Astarté» qui porte le nom d'une déesse carthaginoise?
Astarté est un club qui existe pour coacher les associations des randonnées en Tunisie et consolider les itinéraires. On n'est pas à la base des organisateurs de randonnées en tant que tels mais on propose aux randonneurs des menus de sorties avec des itinéraires précis. On a beaucoup travaillé avec les administrateurs des clubs de randonnées comme Afi Ayoub (Randocampclub). Notre première randonnée était en octobre 2010 où l'on est allé à Hammam Melleg.
Qu'en est-il du projet d'Astarté en Tunisie où vous parliez de tourisme alternatif?
Il s'agit de créer un itinéraire cheminant balisé, entre Annaba et Tunis, moyennant le chemin parcouru par Saint-Augustin à l'époque, pour les Tunisiens et étrangers amoureux de la marche. Pour l'instant, on a défini trois voies. D'abord la voie centrale qui est la vallée de Medjerda allant de Ghardimaou jusqu'à Utique. La seconde voie, est celle de Carthage-Tebess. C'était la plus grande voie empruntée par les Romains et qui relie Carthage à Tebessa en passant par Testour, Dougga et Althiburos. En fait, toutes les grandes cités romaines tunisiennes. C'est le chemin le plus long parce qu'il mène jusqu'au Sud. Il fait dans les 150km. Quant à la 3ème et dernière voie, qui est alternative, passe par le Nord, par la ville de Bizerte en passant par Utique, Ras Jebal et Tabarka.
Dans votre recherche des voies empruntées par Saint-Augustin, vous êtes-vous basé sur des documents historiques portant sur la Tunisie ?
Pour arriver à ce stade-là, il fallait, effectivement, faire un grand travail de recherches sur les voies romaines en Tunisie parce que nous avons remarqué que les routes empruntées par Saint-Augustin correspondent aux voies romaines. J'ai entamé ma recherche en 2009 dans plusieurs bibliothèques à Tunis, également à l'école française de Rome qui dispose des plus grandes cartes pour retrouver la table de Peutinger, une table qui retrace les anciennes voies romaines et qui a été faite par un moine allemand au Moyen-âge. Cette carte est une aubaine pour moi puisque grâce à elle, on peut retrouver toutes les voies romaines en Tunisie. On s'est, donc, procuré plusieurs ouvrages qui regroupent l'itinéraire romain à l'époque et qui décrivent ce que serait leur état aujourd'hui.
Avez-vous eu à coordonner avec les autorités tunisiennes locales ? Si c'est le cas, avez-vous eu des contraintes ?
Après les recherches théoriques, il fallait passer à la seconde étape, et pour ce faire, on devait contacter les autorités locales. Nous avons pris contact avec le centre national de télédétection de l'Aouina qui dépend de l'armée pour obtenir les cartes d'Etat major et les détails des cartes de toutes les communes tunisiennes dans la région du Nord-Ouest. Cette étape a été la plus dure. On a pu obtenir les cartes avec l'aide de l'ancien Secrétaire d'Etat auprès du ministère du Tourisme, M. Slim Chaker en avril dernier. Grâce auquel, on pu obtenir les cartes d'Etat major pour pouvoir décalquer les voies romaines sur les cartes actuelles. Nous travaillons en collaboration avec la SNCFT. Les voies des chemins de fer en Tunisie ont été construites sur le long des anciennes voies romaines. Chose qui nous a beaucoup facilité le déplacement.
Vous retracez donc les voies romaines en Tunisie pour booster le tourisme alternatif durable. Concrètement, sur terrain, quels genres d'actions faites-vous ?
D'aucuns savent que la Tunisie est un pays qui était à l'épicentre des plus grandes civilisations. Elle possède, en outre, de somptueux et beaux paysages méconnus par les touristes. Le rôle d'Astarté, en tant que club est réunir le plus grand nombre de randonneurs tunisiens et étrangers pour redécouvrir, sur les traces de Saint-Augustin la richesse écologique que possède la Tunisie et inciter les Tunisiens à préserver leur écosystème. Nous avons commencé à travailler avec les groupes de randonnées tunisiens en arpentant durant nos sorties, les chemins tracés par les Romains et empruntés par la suite par Saint-Augustin. Ainsi, on pourra retracer et baliser ces routes, les redécouvrir et voir l'état dans lequel elles se trouvent. On est partis avec Evasions et Randocampclub par train ou par bus à plusieurs villes comme le Kef, Althiburos et Jérissa.
Comment «Astarté» booste-t-elle le tourisme durable et culturel en Tunisie ?
Un des objectifs de notre club est d'exhorter les étrangers à connaitre l'autre partie de la Tunisie. La Tunisie profonde, ancienne et belle. Le 8 juin, on a été au salon de Pavie pour représenter la Tunisie. Nous avons présenté notre projet «Sur les pas de Saint-Augustin en Tunisie». Il s'agit d'un projet culturel qui retrace l'itinéraire de Saint-Augustin du temps où il était l'évêque d'Hippone. Une route qu'il a parcourue au Vème siècle. Cette initiative est née entre 2007/2008 et a été très demandée par les pèlerins étrangers qui parcouraient annuellement le chemin de St Jacques en France depuis Vezelay jusqu'à la frontière espagnole. Ce projet ramènera en Tunisie de potentiels randonneurs et pèlerins étrangers durant la période l'année où le trafic touristique est très faible. Ce qu'on appelle le tourisme alternatif et culturel. C'est, donc, dans un processus de développement durable pour la Tunisie que le projet «Sur les Pas de Saint-Augustin en Tunisie» est né.
Saint-Augustin fera-t-il ressusciter les civilisations d'antan et rendra-t-il toute sa splendeur à la Tunisie profonde ?
Saint-Augustin était féru de la Tunisie. C'est un juste retour des choses si pèlerins et randonneurs tunisiens ou étrangers collaboreraient dans le développement des régions, jadis, marginalisés. Le trafic touristique dans ces zones promouvra l'artisanat local, la gastronomie et les produits de terroirs tunisiens et incitera à la construction de gîtes et de maisons d'accueil dans des lieux reculés et oubliés dans leur misère. Je tiens à rappeler que ce projet est réalisé en partenariat avec les programmes transméditerranéens initiés par l'Union Européenne.