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La côte du corail
Redécouvertes
Publié dans Le Temps le 05 - 08 - 2007

La côte Nord de la Tunisie est encore en grande partie déserte exceptées ses extrémités ; L'Ouest abrite Tabarka et l'Est voisine avec Bizerte.
Un jour, prochain probablement, une grande route « en corniche » reliera Bizerte à Tabarka et ... la « côte du corail », certainement aussi pittoresque, sera le reflet Sud de la « côte d'azur ». Souhaitons seulement que ce littoral puisse rester, un peu au moins, « naturel ».
La côte Nord de la Tunisie semble avoir été « boudée » par les hommes des « temps modernes » sans doute parce qu'elle est pratiquement perpendiculaire à la direction des vents dominants pluvieux et souvent froids venant du Nord. De plus elle n'offre aucun abri sûr ni aux vaisseaux croisant au large ni même aux barques de pêche. Elle est enfin séparée d'un riche arrière pays agricole, allant des plaines de Mateur à celles, renommées, de Béja et de Jendouba : « Les Grands camps » : le « Grenier de Rome », par plusieurs chaînes de collines, très boisées naguère, aujourd'hui tapissées d'un maquis aussi dense que parfumé malgré de gros efforts de reboisement en eucalyptus et en pins pignons.
La région centrale de la côte Nord est bordée depuis Nefza et son « exutoire » maritime : Cap Negro, jusqu'au Cap Ras Elkoran, par les trois, parfois quatre, chaînes de collines des Mogods pratiquement parallèles à la mer.
Le socle géologique intérieur est formé, en grande partie, de grès et d'argiles de la fin de l'ère tertiaire à travers lesquels pointent des filons de roches volcaniques telles que les prismes basaltiques du Guelb Saad Moun. L'exposition aux vents marins de ces collines, de 4 à 500 mètres d'altitude moyenne, explique d'importantes précipitations hivernales comprises entre 800 et 1000 millimètres par an. Celles-ci favorisent la croissance d'une forêt de chênes verts et de chênes lièges auparavant, aujourd'hui, d'eucalyptus et de pins.
Quatre cordons de dunes littorales constituent principalement le paysage du bord de mer. Si les premières, les plus anciennes, qui s'étendent largement entre Sidi Mechrig et Cap Serrat, ont été consolidées par le calcaire de myriades de débris de coquilles, les trois autres formations dunaires sont restées meubles et sont facilement érodées.
Les maquis formés de lentisques, d'arbousiers et de bruyères, parfumés par les myrtes, les lavandes et les thyms recèlent encore, dans les fonds humides, quelques chênes zéens séculaires qui émergent de véritables « forêts-galeries » de lauriers roses. En automne, quand les chasseurs traquent les sangliers ou « la dame des bois », la belle bécasse au plumage mordoré, de nombreuses espèces de champignons délicieux : girolles, coprins, cèpes, « trompettes de la mort », agarics croissent dans les sous-bois et les clairières. Toute l'année, les enfants creusent pour « récolter » des escargots « de Bourgogne » ou des « Petits gris » appréciés par les amateurs.
Jusqu'à présent, sur des sols pauvres, la population, essentiellement agricole, tire de maigres revenus sur de petites exploitations. La région des Mogods est pourtant très peuplée : la densité moyenne est de l'ordre de 80 habitants au km_ : supérieure à la moyenne nationale.
De ce fait, malgré de gros efforts de drainage des terres, de sélection des cheptels bovin, ovin et caprin et de développement de cultures maraîchères, alliés à des reboisements importants, l'équilibre bioclimatique naturel, agressé par le surpâturage, le déboisement et la surcharge démographique, est toujours menacé.
Pourtant cette région dispose de nombreux « atouts maîtres ». C'est d'abord son environnement naturel encore préservé. Le moutonnement vert des croupes qui s'étendent, avons-nous dit, depuis les collines situées à l'Ouest de Cap Negro jusqu'à l'éminence qui soutient le phare de Cap Serrat, est tellement peu peuplé qu'il est envisagé d'y créer un grand parc naturel, mi-terrestre mi-marin, sur le Jebel Chitane, paraît-il, à l'Ouest de la station balnéaire de Sidi Mechrig. Les dunes de sable qui s'étendent à l'Est de Cap Serrat se terminent sur le môle à l'aspect presque saharien de Kef Abed tandis qu'à l'intérieur, les belles forêts qui couvrent, en particulier, le Jebel Sma leur servent d'écrin giboyeux. De longues plages de sable s'étendent à l'Est de Kef Abed et jusqu'aux rocs de Ras Elkoran, les dunes consolidées et les sols argilo-calcaires, attaqués par l'érosion marine, ont donné un littoral formé d'une succession de plages de sable et de petites falaises séparées par des caps rocheux. Toute la côte est bordée d'écueils vestiges d'un littoral ancien. Malgré d'importants travaux de désenclavement régional, ces plages sont difficilement accessibles autrement que par des pistes forestières exigeant l'emploi de véhicule tout terrain. Tout le long de la côte du corail, la mer est splendide et « généreuse ». Les plongeurs, les chasseurs sous-marins, les pêcheurs à la ligne du bord et les privilégiés qui mettent un bateau à l'eau à Cap Serrat, à Sidi Mechrig ou à Cap Negro difficile à atteindre, vous parleront de fonds à gorgones superbes et de poissons délicieux : loups, dentés, mérous, ombrines, sans compter les énormes liches, serres ou limons pris en barque, à la traîne et les cigales de mer capturées en plongée sur les flancs escarpés des îlots jumeaux : les Fratelli. Les plages les plus connues, les plus fréquentées aujourd'hui, sont celles de Cap Serrat et de Sidi Mechrig. Cette dernière porte encore des vestiges de bâtiments et de quais de l'époque romaine. La baie de Cap Negro est difficile à atteindre, même avec un 4 x 4, au bout de sa longue piste qui sinue entre des collines tapissées de maquis. Connaissez-vous la petite plage de la Louka ? Un gamin inventif a planté une longue feuille de laurier dans une veine humide de la dune bordant la plage et ... un filet d'eau douce a jailli. Sur les deux versants de Kef Abed, la mer ou des oueds courts ont découpé de petites plages que les amateurs de pêche gagnent malgré le sable pulvérulent des pistes, tant les fonds marins sont - étaient ? - poissonneux. Tous ceux qui aiment cette région déplorent l'accumulation de déchets, provenant souvent de bateaux passant au large, qui tapissent les plages. Ils voudraient aussi que la répression des pêches à l'explosif ou au carbure de calcium, qui dépeuplent les fonds, soit plus efficace.
Cette côte est peuplée depuis la nuit des temps. Des sites préhistoriques, tout proches de Ras Elkoran, sont soit ibéro-maurusien soit atérien : deux civilisations typiques de l'Afrique du Nord ! Des stations paléolithiques sont situées près des plages de Cap Serrat ou des Oued Ziatine et Guemgoum le long desquels s'épanouissent, en début d'été, les petites clochettes blanches et parfumées, délicatement enroulées en spirale le long de la tige, des spirantes d'été : des orchidées sauvages que personne n'a encore trouvées ailleurs ! De nombreux habitats préhistoriques ont certainement été recouverts par la mer dont le niveau s'est élevé depuis ou restent dissimulés par la végétation dense des maquis.
Les hommes de l'époque protohistorique ont taillé dans les parois rocheuses de multiples tombeaux rupestres, appelés « Haouanet », parfois décorés de sculptures ou de peintures pariétales. Ces populations berbères auraient-elles été influencées par des rites funéraires venus de la lointaine Anatolie turque via la Sicile ou auraient-elles « inventé » un type de sépultures existant ailleurs, à une autre époque ?
Un rapide inventaire des sites historiques dans la région de Sedjnène a permis de relever de nombreux vestiges punico-romains, encore que ces « étrangers » n'aient réussi à implanter dans cette région que des influences. La population est très probablement restée presque exclusivement berbère. Ses fondements civilisationnels sont toujours présents dans la décoration de la poterie des alentours de Sedjnène. Elle devrait être protégée des influences « modernes » introduites par les demandes des touristes.
La pêche du corail le long de cette côte a dû commencer à l'époque préhistorique. Les Berbères préfèrent pour leurs parures le corail rouge vif. Carthaginois et Romains en ont certainement pêché bien que l'on ne sache pas grand-chose à ce sujet. Ce qui est certain c'est que, dès le Moyen Age, les Européens : Catalans, Corses, Génois, Pisans et Siciliens sont venus « trafiquer » et pêcher le long de ces côtes. Si Charles Quint en 1541 installe les Génois dans la citadelle de Tabarka, les Français méridionaux créent un port à Cap Negro. Ils sont présents depuis le règne du roi de France Henri II au XVIème siècle. Ils pêchent, trafiquent et commercialisent en plus les produits agricoles du Béjaoua et amassent d'énormes fortunes : les bénéfices annuels représentent parfois le double du capital initial engagé !
La concurrence est féroce. Même si les rois de France intriguent auprès des sultans turcs et font étrangler, à Istanbul, un bey tunisois qui s'opposait à leurs desseins, en 1741, le bey Ali Pacha prend d'assaut le comptoir français du Cap Nègre et la citadelle génoise de Tabarca. Mais, en 1781, la France obtient la concession exclusive de la pêche du corail depuis l'île de « Tabraque » jusqu'aux confins de Tripoli. Elle gardera cet avantage jusqu'au XIXème siècle !
De longues plages presque désertes, étendues au soleil sous un ciel d'azur, des collines boisées ou tapissées d'un maquis giboyeux propice à toutes sortes de randonnées, une bande littorale presque inhabitée et une côte exempte encore d'aménagements ne risquent-elles pas de susciter des « projets » de promoteurs modernes ?
Ne faudrait-il pas dès maintenant comme le fait gouvernement tunisien protéger ce qui est encore naturel ? Il serait souhaitable, en particulier, de sauvegarder les poneys des Mogods : une race de petits chevaux et non de vrais poneys. Ce sont des chevaux barbes, pour ne pas dire berbères, dont les qualités sont indéniables et qui sont devenus un peu petits en raison de leur nourriture dans cette région assez déshéritée. Certes les phoques moines exterminés et en voie d'extinction, ne reviendront pas paresser sur les îlots déserts mais, le serval à la fourrure blanche tavelée de noir, le caracal aux « oreilles noires », dit-on en Turc, pourraient être réintroduits, les premiers dans les fonds humides, les seconds sur les collines sèches. Le cerf de Berberie, les dernières loutres, les rares porcs-épics et les discrets chats sauvages devraient bénéficier d'une protection efficace afin que l'authenticité et la richesse de la biodiversité de cette région soient préservées dans le cadre d'une politique de développement durable.


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