Bon, tout le monde le sait, c'est une évidence : les prix flambent, la spéculation fait des ravages, bon nombre de produits sont acheminés vers la Libye et la pénurie s'installe progressivement ! Mais ce qui étonne en ce premier jour de Ramadan, c'est la frénésie des consommateurs, souvent des hommes, pères de familles aux revenus modestes. Un comportement compulsif irrationnel... Un petit tour dans nos marchés hier, 1er Ramadan, nous a permis de constater de visu que ce ne sont pas les plus riches qui se bousculent devant les étals et qui dépensent des dizaines de dinars, mais plutôt la classe moyenne ou ce qui en reste. Selon les chiffres du ministère du Commerce, durant le mois de Ramadan, la consommation augmente généralement de 30% sur le marché intérieur tunisien. La demande est en forte hausse pour tous les produits, mais c'est le pain qui est le plus couru. Il y a en effet une floraison spécifique de types de pain que l'on ne trouve qu'en cette période de l'année. C'est du côté du marché Sidi El Bahri, à Bab El Khadhra que les étals sont les plus bigarrés, avec du pain « Diari » (fait maison) vendu au kilo et dont la plus petite tranche vous coûte un demi dinar. Il y a le pain M'bassess, coloré de jeune d'œuf, avec des grains de sésame à 350 millimes, il y a le pain mélangé d'olives dénoyautées à 400 millimes, sans oublier la fameuse Tabouna à 250 millimes, ce qui est cher pour ce petit pain traditionnel. Au marché central, la file la plus longue, véritable cohue, pour ne pas dire bousculade, se situe au niveau des vendeurs de fromage traditionnels comme la ricotta et le sicilien. La dépense moyenne est de deux dinars par personne, pour de petits monticules qui disparaîtront bien vite dans les estomacs affamés le soir venu… Plus loin, les tomates, les poivrons et les pommes de terre ont presque doublé de prix. Le kilo de poivrons, qui était aux alentours d'un dinar a atteint 1d800. Touts les légumes ont d'ailleurs augmenté de deux à cinq cents millimes en moyenne. La palme des spéculateurs les plus voraces revient à ceux qui vendent des salades - tout en en racontant - à 950 millimes pièce ! Quant aux fruits, leur prix flambe réellement, avec parfois des augmentations de 50%, notamment pour les pêches plates à 3d500 et les poires à 2d500. Les bananes ne descendent pas au dessus de leur perchoir à 2d300. Les pastèques et les melons, fruits populaires par excellence, varient entre 350 et 800 millimes le kilo, ce qui, vu leur poids, peut atteindre quelques dinars. Le marché aux poissons était carrément inabordable, avec des prix fous : jusqu'à 22 Dinars le kilo de rougets ! Nous y reviendrons quand les prix seront redevenus raisonnables. Le plus spectaculaire dans notre tournée de ce premier jour restera cette foule immense, nerveuse, incontrôlable qui se tenait devant le rayon de l'eau minérale d'une grande surface. Là où d'habitude on passe prendre un ou deux packs d'eau avec nonchalance, c'était la bagarre générale à coups de coudes, pour parvenir au premier rang et réussir à arracher des mains des vendeurs quelques précieuses bouteilles. Et peu importe la marque, l'essentiel c'est d'acquérir le précieux breuvage. C'est à croire que personne ne boit plus l'eau du robinet, qui est pourtant excellente. Pour terminer, rappelons que Ramadan est en principe le mois de la foi, de l'apprentissage de la patience et surtout de la modération. Mais ces fondements-là, bien peu de personnes semblent s'en souvenir…