Des contradictions de la Révolution, une vague de misogynie déferle sur le pays. On voue aux gémonies, les femmes en général et celles qui travaillent en particulier. Une certaine littérature rétrograde et puisant dans une lecture religieuse aux fins connues estime que la place de la femme est au foyer. Son rôle est de servir son époux et de lui donner une descendance. Elle n'a ni droit au savoir ni à celui du travail. On l'accuse d'ailleurs d'être la cause principale du chômage qui sévit parmi la gente masculine ! Voilà la solution proposée à la crise de l'emploi. Par ailleurs, la femme, en tant qu'objet de toutes les tentations, doit être emmurée, et si elle doit sortir, c'est sous bonne escorte masculine.
Vue de cet angle la femme est considérée « mineure d'esprit et incomplète de religion », elle ne peut donc aspirer à un statut équivalent à celui de l'homme, son protecteur, son tuteur, auquel elle doit obéissance totale.
La femme n'est-elle pas la moitié de la société ?
On n'a que faire de ces idées importées des pays des mécréants qui ne savent exporter que dépravation et immoralité nous rétorque-t-on.
Est-ce qu'elle n'a pas droit au savoir ? C'est aussi une idée occidentale qui ne peut qu'altérer nos mœurs puritaines, nous rappellent, ces nouveaux objecteurs de conscience. Mais le plus inquiétant dans tout cela est cette attitude bienveillante, voire approbatrice de la part d'une grande frange de la société tunisienne qui oublie que la femme dans notre pays a pris une grande part à la construction et à l'édification de cette nouvelle Tunisie ouverte sur le savoir et sur tout ce qui s'y rapporte. Les compétences féminines sont dans tous les domaines de la vie active. Souvent elles dépassent et de loin celles des hommes qui, semble-t-il sont de plus en plus jaloux et embarrassés par cette réussite.
Depuis des années, le nombre de filles diplômées est supérieur à celui des garçons.
Les résultats du Bac de cette année ont donné la preuve de cette percée éclatante des filles dont le taux de réussite atteint 61,46% loin devant celui des garçons qui n'est que de 38,54% !
Deux chiffres qui ne laissent aucune place au moindre commentaire quant à la clairvoyance de ceux qui ont misé sur la femme dès l'orée de l'indépendance. Le droit au savoir est un droit inaliénable pour tout citoyen et toute citoyenne et n'a jamais été une faveur pour qu'aujourd'hui des illuminés viennent le remettre en cause pour une raison ou une autre. Et qu'on cesse et une fois pour toute de nous rabattre les oreilles par une soi-disante morale qu'on veut réinstaurer au sein d'une population qu'on accuse d'immoralité et de mœurs légères, comme si la femme en est la cause.
Les 38.000 nouvelles bachelières sont là pour défier ces calomniateurs obscurantistes qui vivent en dehors du mouvement de l'Histoire. Cette nouvelle vague de bachelières venue agrandir les rangs de leurs devancières est la meilleure réponse aux détracteurs de la femme. Elle est aussi le bouclier qui fera rempart face aux tentatives visant la femme et ses acquis.
Acquis qu'elle a amplement mérité et que le bon sens exige de nous tous de les défendre, car il font partie de toute cette panoplie d'avancées qui constituent aujourd'hui notre mode de vie moderniste et égalitaire vis-à-vis de la femme.