Les tunisiens savent-ils gérer leur budget ? Question qui semble incongrue mais qui est tout à fait justifiée en cette période de l'année où chaque foyer va dépenser près de 33% de ses revenus rien que dans l'alimentation, contre moins de 25% le reste de l'année, selon les chiffres de l'INS. Bizarrement, durant le mois de Ramadhan, on ne prend qu'un seul repas, contre minimum trois en temps normal. Cherchez l'erreur !
Il faut savoir que ce repas unique est bien plus riche et varié que ceux du reste de l'année. Plusieurs petits plats sont servis chaque soir, avec des ingrédients relativement chers et dont le prix augmente à cause de la forte demande et de la cupidité de certains commerçants.
Une dame fonctionnaire de l'Etat s'insurge contre cet état de choses : « Jusque-là, je croyais appartenir à la classe moyenne. Mais aujourd'hui mon salaire suffit à peine à couvrir les dépenses de la famille et je vais bientôt me retrouver pauvre parmi les pauvres... » Une réalité que partage un grand nombre de petits fonctionnaires et même de cadres moyens.
Mais revenons à nos plats, si coûteux. Les entrées sont nombreuses ; soupes, salades diverses, briks, plat principal, fruits, yaourts et verre de thé. Et ce n'est qu'un début, puisque toute la soirée sera rythmée par ces sucreries traditionnelles à base de fruits secs qui coûtent cher, trop cher. Le kilo d'amandes oscille entre 14 et 16 dinars, selon la qualité. Même chose pour les pistaches ou les noisettes. Quant aux pignons, ils ne descendent toujours pas de leur perchoir entre 50 et 65 dinars le kilo !
Ajoutez à cela la glace pour les enfants et pour les grands, les ingrédients du « Shour », cette collation avalée à l'aube, juste avant l'appel à la prière du matin et vous aurez une idée précise des dépenses familiales durant ce mois Saint... Et encore, on ne vous a pas parlé de la qualité, nécessairement luxueuse lorsqu'il s'agit des invités VIP, qu'il faut recevoir dignement surtout si on a des intérêts communs.
Ce qui a changé cette année, c'est qu'une inflation estimée à près de 10% par les économistes sérieux est venue alourdir le couffin de notre pauvre ménagère, déjà bien lourd. La spéculation qui sévit au marché du gros, la contrebande des marchandises vers la Libye où les bénéfices sont plus substantiels. Le meilleur exemple est celui de la viande de mouton, vendue chez nous à 17 dinars environ, et qui se vend à près de quarante Dinars chez nos voisins.
Si on ajoute à cela les hausses de salaires, les usines brulées, les commerces dégradés et la dévaluation du Dinar face aux monnaies mondiales, on constate une flambée généralisée des prix. Dès lors, les mesures prises par le gouvernement pour juguler cette inflation galopante sont devenues caduques. Leur seul résultat a été l'alourdissement de la dette de notre caisse de compensation qui souffre déjà énormément.
Le pire c'est que tout cela se passe en dehors de tout contrôle des prix. D'ailleurs les commerçants qui affichent les prix sont devenus rares, ce qui permet de varier les coûts selon la tête du client. Une attitude qui va à l'encontre de toute morale en ce mois Saint, où chaque musulman est censé se comporter de façon plus honnête, plus intègre...
Mais ça, c'est pour les vrais musulmans, pas pour les voleurs et les spéculateurs !