Selon des données fournies par le ministre de l'agriculture, Mr Mohamed Ben Salem, lors d'une conférence de presse donnée, jeudi 2 août, les perturbations enregistrées au niveau de l'approvisionnement en eau potable de plusieurs gouvernorats du pays ont pour origine un ensemble de causes dont une carence caractérisée dans le stockage de l'eau dans les réservoirs avec des quantités suffisantes, outre l'existence de 74 mille compteurs d'eau bloqués dans tout le pays dont 20 mille dans le gouvernorat de Sfax qui a été particulièrement touché. Les compteurs bloqués encouragent les abonnés au gaspillage de l'eau car ils consomment sans faire l'objet du suivi technique nécessaire ni payer leur consommation d'eau.
Dans la région de Sfax, la capacité de stockage des réservoirs en place s'élève à 60 mille mètres cubes. Or, à l'apogée de la crise, on enregistrait parfois zéro mètres de stockage. La situation a pu être améliorée grâce aux efforts soutenus déployés, de sorte que les quantités stockées atteignent actuellement 16 mille mètres cubes. La capacité de stockage des réservoirs dans les gouvernorats du Sahel, soit Sousse, Monastir et Mahdia, également très affectés par les coupures d'eau, atteint 120 mille mètres cubes et elle aurait suffi à couvrir les besoins si elle avait été régulièrement renouvelée.
Renforcer la capacité de stockage
Le ministre de l'agriculture a souligné que l'approvisionnement régulier et normal en eau potable nécessite le renforcement des capacités de stockage des réservoirs d'eau, afin que l'approvisionnement ne souffre pas des aléas, comme les coupures du courant électrique ou la réparation de pannes dans le réseau de distribution. L'eau en Tunisie est abondante et existe en quantités importantes notamment cette année 2012 qui a été particulièrement pluvieuse.
Aussi, au cours d'une séance de travail tenue mercredi 1 août au ministère de l'agriculture, il a été convenu de procéder au changement des compteurs d'eau bloqués dans tous les gouvernorats du pays en accordant la priorité au gouvernorat de Sfax où existent 20 mille compteurs d'eau bloqués, parallèlement au forage et à l'équipement de quelques 10 puits nouveaux afin de renforcer les ressources en eau potable à destination des gouvernorats de Sfax et Sidi Bou Zid. Ces projets devront être réalisés avant l'été 2013.
Le ministre a dénoncé l'attitude de certains citoyens qui s'opposent au forage des puits, quoique certains se trouvent sur les terres domaniales. D'après un communiqué rendu public par la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (SONEDE) en date du 1 août, les riverains d'un puits foré par la SONEDE afin de satisfaire la demande croissante en eau potable de la ville de Kasserine ont bloqué le courant électrique servant à alimenter ce puits et à l'exploiter.
Carence à tous les niveaux
Le ministre a indiqué que l'enquête administrative menée par une commission créée à cet effet pour déterminer les causes des perturbations dans l'approvisionnement en eau potable a établi l'existence de carences manifestes au niveau des services des études , de production et d'exploitation de la SONEDE. C'est pourquoi, après le limogeage de l'ancien PDG de la SONEDE et son remplacement par un nouveau PDG, il a été décidé de démettre de leurs fonctions les directeurs centraux des services des études, de production et d'exploitation. Outre l'enquête administrative, une instruction judiciaire a été ouverte. Mais le ministre a souligné qu'il n'y a pas eu d'intention arrêtée de négligence, bien que certaines études relatives à l'accroissement des capacités de stockage des réservoirs remontent à plus de six ans, à l'instar de l'étude relative à la construction d'un réservoir d'une capacité de 26 millions mètres cubes, alors que celle des plus importants réservoirs existant en Tunisie ne dépasse pas les dizaines de mille. Un bailleur de fonds a accepté de financer le projet, et a demandé de voir l'étude en rapport, mais il s'est avéré que l'étude n'a pas encore été achevée, quoique remontant à plusieurs années.
Les données relatives à l'évolution de la consommation d'eau n'ont pas été non plus actualisées. On se base encore sur un taux d'accroissement annuel de 3,5%, au moment où le taux réel d'accroissement a dépassé 12%. L'année 2012 a connu également une relance du flux des touristes et du nombre des tunisiens à l'étranger de retour au pays pour les vacances, mais on n'en a pas tenu compte.
Le ministre de l'agriculture a reproché au directeur de l'exploitation de n'avoir pas pris soin de régler le problème des compteurs d'eau bloqués. Ce directeur a indiqué que la capacité de production nationale en compteurs ne suffit pas à couvrir les besoins de la SONEDE, mais il aurait dit en avertir la hiérarchie pour recourir à l'importation.
Au niveau de la production d'eau, les carences se sont traduites par le peu d'attention porté à l'augmentation de la consommation à des niveaux dépassant ceux de la production. Le responsable n'a pas averti la hiérarchie à ce sujet, ni procédé à des études prospectives en vue de se préparer au nouveau contexte. Sur un autre plan, le directeur de la deuxième station de traitement d'eau potable en Tunisie, soit la station de Belli, dans le Cap Bon, avait quitté son poste et était allé travailler à l'étranger, mais il n'a pas été remplacé. La station de Belli assure l'approvisionnement de cinq gouvernorats dont ceux de Sfax et du sahel. La Société tunisienne d'électricité et de gaz n'a pas, non plus, apprécié à sa juste valeur l'importance stratégique de cette station et l'a inscrite dans son plan de coupures d'électricité techniques à des fins d'équilibre. Aussi, la coupure de l'électricité à destination de cette station a provoqué des perturbations importantes dans l'approvisionnement de l'eau dans les gouvernorats signalés.
Les responsables des directions centrales accusés de carence ont signalé , lors de l'enquête, la faiblesse des ressources financières de la SONEDE, déficitaire de quelques 30 millions de dinars, ce qui réduit sa marge de manœuvre pour améliorer le système d'exploitation et de distribution des eaux en Tunisie de façon satisfaisante. L'une des causes est que les prix de l'eau en Tunisie sont bas, ce qui affecte les ressources de la SONEDE et favorise en même temps le gaspillage. L'accent a été mis sur la nécessité de réviser les prix de l'eau en Tunisie qui sont les moins chers dans la région méditerranéenne au Nord et au Sud, et ce dans le sens de leur adaptation aux réalités.