Nunuche, soumise ou machiavélique, la femme dans l'imaginaire des auteurs des fictions télé se trouve réduite à un instrument au service de la domination du pouvoir masculin, ou en une instance d'exercice d'un pouvoir dont la seule légitimité est un attrait purement sexuel exercé sur des hommes qui ne pensent qu'à ça. Ce n'est que de la fiction nous rétorquera-t-on, elle n'est pas tenue de se conformer à un réel nécessairement différent et autrement plus complexe et contrasté. Admettons. Il n'en demeure pas moins qu'une telle convergence dans les représentations mérite qu'on s'y arrête. Commençons par les évidences : C'est le monde tel qu'on le perçoit qui constitue le moteur de l'écriture, surtout si le souci est d'offrir au téléspectateur une histoire réaliste, un monde auquel il est censé s'identifier du fait de la prétendue proximité de la fiction avec la vie de tous les jours du citoyen Lambda, encore sous le choc des milliers de calories consommées en un temps record. Les dramatiques télévisuelles constituent à cet égard un lieu idéal pour scruter l'état des mentalités, les modes de représentations dominants filtrés par les imaginaires des auteur(e)s. Le résultat est consternant et dénote d'une régression, fille d'un processus de remise en question des acquis de la femme et du retour d'un machisme ambiant que l'après quatorze Janvier est en train de paradoxalement exacerber. Plus, écrire pour la télévision durant le mois de Ramadan impose de se conformer à un cahier des charges très restrictif. Bienséance et quête de concordance avec les valeurs majoritairement partagées par les téléspectateurs. Même le vernis pseudo-moderne et branché affiché par « Mektoub », ne fait pas illusion tant il reste fondamentalement conservateur dans l'image qu'il promeut de la femme. Quid de la force d'inculcation de ces modèles. Après tout le spectateur est souverain ou du moins c'est comme cela qu'il se représente. Le feuilleton arrivant avec le thé, à un moment où on commence à peine à mesurer les effets de l'agression caractérisée perpétrée contre un estomac aux abois.
Au fondement de ces ripailles quotidiennes, des femmes jeunes et moins jeunes usées par des heures passées sous la chaleur de leurs fourneaux, à concocter mille et un plats auxquels elles ne goûteront probablement pas. Tout ça par dévouement à une tradition que les hommes ont tout intérêt à perpétuer. Devant les chefs d'œuvre distillés par la télé, l'inégalité ne fait que se creuser. Des femmes en loques, dépossédées de toute énergie et des hommes repus sont confrontés au spectacle de cette naturalisation de la domination masculine, à la fatalité de l'infériorité de la femme. Où que l'on zappe point de salut. Aliénée par un quotidien qui les broie, achevées par des représentations qui les confinent dans un statut d'adjuvant, au mieux de complément de mâles, intronisés par la religion et la tradition comme chefs de famille, certaines finissent par intérioriser le caractère inévitable d'une infériorité que ni la nature ni la culture ne viennent fonder. Au point de voter à main levée pour une loi qui consacre cette inégalité.