Nous l'avons trouvé dans tous ses états. Elle était déstabilisée et hors d'elle-même quand nous l'avons abordé. Visiblement ciblée par les agents de l'ordre, on l'a attaquée, ils étaient à peu près 5 ou 6 policiers à l'avoir entourée et entrainée par la force loin de ses amis. On l'a poussée vers la rue Ali Bach Hamba et c'est là qu'on l'a rouée de coups et on a tenté de lui arracher son sac-à-dos. Elle s'est débattue avec la force que lui permettait son corps frêle contre ces enragés «humains». Si on n'a pas pu lui prendre son sac, on lui a tout de même pris son appareil photo professionnel. Voici donc son témoignage :
«On vient de m'agresser ! J'ai d'abord reçu des coups sur la tête par les matraques des motards, niveau ministère de l'Intérieur. Dans un second temps, j'assistais interloquée face aux projectiles que les policiers jetaient sur les manifestants (chaises et verres des cafés). Je me suis éloignée un petit peu avec un groupe d'amis du côté du café l'Univers, pour me rafraîchir. C'est à ce moment-là qu'un agent de l'ordre en civil s'est approché de moi, faisant semblant de vouloir me parler et de me protéger contre une éventuelle attaque de ses collègues. D'un seul coup, je me suis retrouvée poussée vers la rue Ali Bach Hamba et entourée par 5 policiers qui m'ont agressée physiquement et moralement et m'ont volé ma caméra ! Heureusement que je l'ai récupérée une heure plus tard, mais ils ont bien veillé à confisquer la carte mémoire. »
Témoin de la scène et portant notre dossard Presse, nous avons essayé d'intervenir auprès des policiers qui occupaient le terre-plein central de l'avenue. Après avoir négocié durant 30 min avec le chef du District de Tunis et deux autres hauts gradés de la police. On nous a bien voulu rendre l'appareil de Lina Ben Mhenni après avoir vérifié notre identité et notre carte de presse. Le chef du district de Tunis s'est adressé à nous : «Vous portez votre dossard Presse et vous avez votre carte professionnelle. Vous, vous avez le droit de prendre des photos et d'être là pour exercer votre métier parce que la loi le stipule. Donc, personne n'a le droit de vous confisquer votre matériel ou de vous toucher. Par contre, Mlle Lina est une bloggeuse, et pour l'instant, il n'y a pas de loi qui dit que les bloggeurs ont ces droits-là. Donc, pour nous, elle demeure une simple citoyenne et la loi s'applique sur elle. Le jour où un texte de loi apparaitra et donnera aux activistes ou blogueurs le droit de filmer ou prendre des photos durant les manifestations, personne ne leur confisquera quoique se soit.