Des milliers de visiteurs fréquentent la région de Sousse, les villes de Kairouan et de Sbeïtla, passent par Kasserine, Fériana et Gafsa. Mais entre la route P.1 joignant Sousse, El Jem et Sfax et la grande courbe de la route P.3 menant de Sbeïtla à Gafsa par Kasserine, il y a un désert économique et touristique qui descend jusqu'aux chotts et au massif des Matmata. Est-ce une fatalité à laquelle est condamné, en particulier la totalité du gouvernorat de Sidi Bouzid et les autres limitrophes ?
LES HAUTES STEPPES : qui s'y intéresse
Toute la région, limitée, au Nord, par les monts de la Dorsale Tunisienne, au Sud, par le littoral septentrional des chotts, comprise entre la frontière algéro-tunisienne et, à l'Est, la grande route P.2 joignant Kairouan au port pétrolier de la Skhira peut former une entité régionale appelée les « Hautes Steppes ».
Personne ne s'y est beaucoup intéressé. C'est essentiellement une région de grandes plaines et de collines orientées généralement du Sud-Ouest au Nord-Est. Certains sommets, à l'Ouest, dépassent les 1000 mètres d'altitude.
Cette région était peuplée au XIXème siècle par des tribus des pasteurs semi-nomades qui se livraient aussi à une céréaliculture aléatoire.
La seule ville de la région est Kairouan qui reste, malgré des efforts d'industrialisation, un centre artisanal, prestigieux certes, mais rural. Actuellement, la population s'est définitivement fixée. Elle a étendu ses emblavures et l'arboriculture y a fait d'énormes progrès. Mais la fragilité de l'économie agricole, les difficultés de transport, la rareté des bourgs et l'absence de vraies villes, excepté Kairouan sont à mettre en rapport avec un milieu naturel et une pluviométrie difficiles à maîtriser.
L'aménagement de grands barrages-réservoirs a été ardu et coûteux. Heureusement, l'exploitation des nappes souterraines pose moins de problèmes même si elles sont souvent petites et de salinité plus ou moins acceptable.
Les gouvernorats de Kasserine, Kairouan, Sidi Bouzid et Gafsa comptaient à peu près 1.800.000 habitants. A part les environs de Gafsa, c'est encore une région essentiellement agricole qui a pour exécutoire Sousse et Sfax.
Plan pour le chômage
Incontestablement, l'équipement de cette grande région a été, pour le moins, négligé. Sa promotion, dans tous les domaines, a été inexistante. Les investissements, exceptés les capitaux locaux, ont été rarissimes. Les explosions de janvier en sont la preuve et la conséquence.
Aujourd'hui, il est question de voler à son secours. Cependant, rien ne se fait à coups de baguette magique. Nous pensons que, malgré les bonnes volontés, la résorption du chômage prendra du temps, la mise en place des infrastructures aussi. Pendant plusieurs années, les emplois et les revenus nouveaux proviendront essentiellement soit de la création de nombreuses micro-entreprises soit d'une réorganisation de certains circuits commerciaux soit de grands travaux d'équipement qui conditionneront le pays dans le futur.
Par exemple : on entend beaucoup parler de la construction d'une autoroute reliant Gafsa-Kasserine à la côte. Indépendamment du coût pharaonique de sa construction, il faudra ajouter celui de son étude préalable.
Il est curieux qu'on n'ait pas pensé, à notre époque d'économie d'énergie et de prochaine pénurie de produits pétroliers devenant très onéreux – sans parler des problèmes de pollution ! – à examiner la reconstruction de la voie de chemin de fer Sousse-Henchir Souatir, Redeyef qui n'a disparu qu'en 1969, à la suite d'inondations catastrophiques. Le tracé étant connu, même s'il faut envisager certains changements d'itinéraire, les frais d'étude de l'implantation et de l'expropriation seront bien moindres. Ce qui est intéressant pour un pays qui ne roule pas sur l'or !
Ensuite qui osera publier les économies d'énergie – de dinars donc ! – à la tonne et au nombre de voyageurs transportés, réalisées par le chemin de fer sur l'ensemble « bagnoles-camions » ? Combien d'emplois seraient créés ?
En plus, cette ligne aboutirait à Sousse où il sera moins coûteux d'agrandir le port existant plutôt que d'en construire un nouveau et artificiel dans la région d'Hergla, essentiellement agricole, comme il en est question.
Enfin, dans un très vaste projet d'aménagement, cette ligne Sousse-Redeyef pourrait être reliée, par des voies, à rénover seulement, à partir de Kasserine, à El Kef et à partir de Gafsa, par des voies existantes, à Sfax et à Gabès.
Au moment où renaissent des projets mirifiques visant à amener de l'eau de mer dans les chotts, connecter les réseaux ferrés tunisiens, et même les étendre vers Tabarka, par exemple, nécessiterait une très nombreuse main d'œuvre pendant de nombreuses années et intéresserait tout l'Ouest tunisien.
Dans un autre ordre d'idées qu'est-ce qui est prévu dans les domaines du traitement de l'alfa et de ses dérivés ? La cellulose sert à beaucoup de choses.
Au niveau de réformes des structures commerciales, nous pourrions souhaiter une promotion et une labellisation des produits régionaux, par exemple. Les huiles et les agneaux de Sidi Bouzid sont délicieux. Les abricots de Haffouz ou même les « Hendi » de la région pourraient être promus.
Au plan des micro-entreprises, tout reste à faire, surtout si le tourisme démarrait. Il faudrait des documents touristiques, des « guides » – même des guides de chasse : la région étant très giboyeuse ! – et des structures, du type « maison rurale » par exemple. Un afflux de visiteurs curieux d'une part stimulerait la production des fruits, des légumes et des viandes, d'autre part entraînerait une demande accrue de produits artisanaux et ... d'animateurs compétents.
«Le circuit de la Révolution »
Sans risque de nous tromper, nous sommes surs que, sitôt le calme revenu, le « Circuit de la Révolution » sera très demandé, même par de nombreux tunisiens qui ne connaissent pas du tout la région. De Siliana à Makthar, Thala, Kasserine, Sidi Bouzid, Regueb, Mazzouna, Bir Ali Ben Khelifa – qui est Ali Ben Khelifa ? – il y a tant à voir et à apprendre.
Avec deux grands parcs nationaux : Chaambi et Bou Hedma, bientôt un troisième au Jebel Orbata ainsi que de nombreuses réserves naturelles du Jebel Mghila, Rihana, Thala, Khechem El Kelb, etc. ... le tourisme « vert » serait bien loti s'il trouvait des guides compétents et des logements pour les visiteurs.
Les vestiges historiques de toutes les époques parsèment la région. Indépendamment des sites prestigieux de Sbeïtla, de Kasserine – qui pourrait être plus soigné ! – et de Thélepte, la préhistoire est illustrée à Aïn Bou Dries, au col du Faïd et autour de Meknassi. On retrouve la protohistoire un peu partout dans la région de Kasserine. L'époque romano-byzantine se rencontre au moins sur les dix sites classés par l'Institut du Patrimoine ainsi que ceux dont parlent les « Actes des colloques de Sbeïtla » et l'excellent ouvrage de l'historien et archéologue : F. Béjaoui, intitulé « La Tunisie du Centre Ouest, Les Hautes Steppes ».
Les chasseurs sont certains de trouver en abondance des lièvres, des perdrix, des gangas, des sangliers. Il existe un « coin », à une vingtaine de kilomètres de Sidi Bou Zid, appelé : « B'har laranib » : la mer des lièvres !
Dans cette région, relativement peu peuplée, les randonneurs peuvent découvrir mille curiosité : depuis le trou soufflant de l'air chaud au Jebel Trozza, aux grottes des alentours d'El Haouareb, aux villages perchés de Sened – où des gîtes sont aménagés ! – de Sakket ou de l'immense Sebkha de sidi Mansour, etc.
A notre avis, cette immense région a de très nombreux atouts qui n'ont pas été exploité faute d'une promotion convenable. On peut y remédier facilement et rapidement pour le plus grand profit des populations locales.