Depuis que la commission de lutte contre la corruption a été instituée, bien de l'eau a coulé sous les ponts. Pour le commun des mortels, c'est-à-dire le citoyen Lambda, cette commission est un refuge pour tous ceux qui ont été lésés par ce fléau qui a gagné le pays durant près d'un quart de siècle, et qui s'appelle « Rachwa » « caoua » ou « pot de vin » selon l'importance de la contrepartie exigée pour demander un service ou même recouvrer un droit.
Point d'argent, point de suisse, et c'était les intermédiaires qui faisaient marcher le Schimilblic, alors que les grands manitous mènent de loin les transactions.
On savait qu'untel était influent, grâce (ou à cause) du lien de parenté qu'il avait avec le président déchu ou son épouse.
Changer la vocation d'un terrain, pour construire un complexe touristique ou pour construire un centre commercial, était tout ce qu'il y a de plus facile, mais ça se monnayait au profit du plus offrant.
Ce qui compliquait davantage la situation, c'était lorsque l'un des intervenants était lui-même intéressé par tel ou tel projet. Dans ces conditions cela changeait tout. Tout le monde devait se désister et faire profil bas de surcroît.
Ceux qui étaient lésés par ce genre d'opérations, étaient incapables d'ester en justice, car cela pouvait se retourner contre eux. Ils risquaient entre autres de se retrouver à l'ombre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, popur des délits qu'ils n'ont jamais commis, et avec des accusations sur mesure et montées de toutes pièces.
La corruption était une pieuvre dont les tentacules s'étendaient à tous les domaines.
La corruption a gagné en effet tous les domaines. Rien qu'à voir le nombre de magistrats révoqués pour en avoir une idée tant soit peu infime de ce qui a fait le malheur de beaucoup de citoyens, qui se sont vu spoliés de leurs droits sans pouvoir réagir.
Une commission Ad Hoc
Depuis la Révolution, la commission de lutte contre la corruption devait entreprendre un travail de Titans, en menant des investigations et en rassemblant tous les éléments susceptibles de jeter la lumière sur les cas de corruption, les plus flagrants.
Mais où en est elle depuis ? Nous savons que feu Abdelfattah Amor, l'ex- président de ladite commission a transmis certains dossiers au parquet, alors que d'autres sont restés en suspens.
Deux poids, deux mesures
Entre-temps, plusieurs auteurs de corruption, courent toujours et risquent même de passer à travers les mailles du filet.
C'est la raison pour laquelle, le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, a promis, dès son institution de prendre les choses en main, et ce dans le cadre de la consolidation de la réforme du secteur de la Justice.
En fait qu'est-ce que la Justice transitionnelle ? en termes plus simples et moins sophistiqués, c'est tout ce qui contribue à permettre au citoyen de préserver ses droits. Ces derniers constituent tout ce qui pourrait contribuer à l'émancipation du citoyen, et lui permettre de vivre dans la dignité.
Les droits c'est en fait, cet ensemble de règles régissant les rapports entre les citoyens d'une même communauté, afin d'éviter que sévisse la loi du plus fort, ou des plus nantis et faire en sorte qu'ils soient égaux en droits et en devoirs.
Or avec la corruption, c'est la loi de la jungle qui a sévi durant près d'un quart de siècle.
Indépendance de la magistrature, point névralgique
Le ministère des droits de l'Homme a entrepris de mener des concertations avec les composantes de la société civile. Le point névralgique qui est lié à la lutte contre la corruption, c'est l'indépendance de la Justice, car au final ce sont les juges qui sont appelés à trancher en sanctionnant ceux qui se sont avérés coupables en l'occurrence.
Or actuellement, d'une part l'instance pour l'indépendance de la magistrature n'est pas encore adoptée par la Constituante, et d'un autre côté les dossiers de la corruption traînent dans les bureaux de la commission ou du ministère des droits de l'Homme.
Parallèlement la commission sur la corruption qui a rassemblé plusieurs dossiers a perdu de son enthousiasme. On ne sait pas quelle issue a été réservée à ces dossiers également, alors que certains parmi les membres la composante sociale
affirment qu'il serait encore question de torture dans des postes de police ou des centres de détention.
En tout état de cause et au jour d'aujourd'hui, il n'y a que les grands dossiers de corruption qui sont jugés, ceux notamment où est impliqués Ben Ali et ses hommes. On parle de dépouillement de dossiers, mais on s'attaque à des cas ciblés, selon la conjoncture du moment.
S'agit-il d'acharnement ou de règlement de compte plutôt que d'investigation pour parvenir à établir la vérité sur cette question ?
Certains cas peuvent laisser croire, selon certains observateurs, que la corruption est parfois un prétexte pour la violation de certains droits, tels que celui de la liberté d'expression.
En attendant la corruption est toujours là, aussi bien dans les institutions privées que dans les établissements étatiques.
L'Association pour la lutte contre la corruption, propose de mettre les structures de contrôle administratif sous la tutelle d'une seule instance.
Cela dit il n'y pas de baguette magique qui fera disparaître à jamais la corruption d'un jour à l'autre.
Pour la combattre il faut surtout changer les mentalités. Celle du citoyen afin de libérer le citoyen de cette cupidité due à des années de misère, générée par le favoritisme pratiqué par un système de dictature. Celle du gouvernant de la Tunisie postrévolutionnaire censé préserver les intérêts du citoyen, quel qu'il soit et au-delà, l'intérêt général.