La commission de confiscation de biens mal acquis a changé de patron depuis quelques semaines. Nejib Hénène succède à Adel Ben Smaïl. Une des premières décisions qui ont suivi ce changement fut la diffusion d'un communiqué appelant des hommes d'affaires qui avaient eu l'inconscience et la maladresse de tremper dans les pratiques douteuses de l'ancien régime, à prendre leur courage à deux mains et déclarer sur l'honneur, dans un délai d'un mois ce qu'ils avaient chipé. En contre partie on leur accordera l'indulgence d'échapper aux tribunaux. Ce communiqué continue à faire des vagues. La Coordination nationale de la Justice transitionnelle, présidée par Me Amor Safraoui désapprouve cette position prise par la Commission de confiscation. Ceux qui avaient acquis des biens de façon illégale grâce à leurs relations avec les 114 personnes dont les biens avaient été confisqués, ont été appelés à se déclarer à la Commission. Ils bénéficieront de la conidentialité et de l'impunité. La Coordination nationale de la Justice transitionnelle pense qu'il s'agit là d'une légèreté vis-à-vis des pouvoirs publics et à leur tête le pouvoir judiciaire. En taisant des crimes commis à l'endroit du peuple et violant le Code pénal, la voie est ouverte à tous les abus. Le contenu du communiqué de la Commission de confiscation, est un coup dur porté à la Justice transitionnelle. Me Amor Safraoui, considère que la commission a outrepassé ses prérogatives contenues dans le décret N° 13 daté du 14 mars 2011 qui se limitent à la réception des déclarations des créditeurs et débiteurs des personnes morales et physiques dont les biens avaient été confisqués. L'ancien président de la Commission partage ce point de vue. La Coordination nationale de la Justice transitionnelle, considère que la commission n'a ni le pouvoir, ni les prérogatives pour conclure des arrangements avec quiconque. Elle précise que le communiqué contient des dépassements qui peuvent être incriminés par la loi. La Coordination déplore le silence de nombreuses parties après la diffusion de ce communiqué. Elle désapprouve le mutisme du ministère de la Justice et du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle. Elle pense que ce communiqué viole la législation en vigueur et favorise les arrangements secrets, sans protéger les intérêts des victimes. Le peuple et l'opinion publique seront frustrés de ne pas connaître la vérité. La Coordination demande à la Commission de confiscation de retirer son communiqué et de se limiter à ses prérogatives contenues dans le décret N°13-2011. Elle demande à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) d'activer la promulgation d'une loi qui règlemente la justice transitionnelle conformément aux projets présentés par les différentes associations de la société civile. Elle demande au Gouvernement et aux institutions publiques de cesser de traiter la justice transitionnelle de façon unilatérale écartant la société civile, la première concernée par cette justice. Nejib Hénène, président de la Commission de confiscation, a déclaré sur les ondes d'ExpressFM, que le communiqué avait été publié après consultation des différents membres de la commission. Il relativise la question du silence et de la non transmission du dossier à la Justice promis à ceux qui prennent l'initiative de se déclarer à la Commission. Cette promesse sera tenue, sauf décision contraire des deux composantes du pouvoir exécutif et de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). D'ici le 4 juin, dernier délai pour ceux qui veulent bénéficier des largesses promises par la Commission de confiscation, le doute reste de mise quant à l'opportunité de faire fonctionner le mécanisme du pardon sans que la vérité ne soit connue de tous et sans que la justice ne soit la règle. Est-ce en torpillant la justice transitionnelle que les objectifs de la Révolution vont être réalisés ? Qui a intérêt à le faire ? Le nombre d'hommes d'affaires qui iront déclarer, spontanément, qu'ils avaient bien profité des largesses de l'ancien régime, sera-t-il élevé ? Les prochaines semaines nous fourniront des réponses adéquates. Hassine BOUAZRA --------------------------- Les locaux régionaux du RCD-dissous seront transformés en bureaux de services administratifs Les locaux du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD-dissous) dans les régions défavorisées seront transformés en bureaux de services administratifs, a annoncé hier un haut responsable gouvernemental. Une cinquantaine de locaux du RCD-dissous situés dans des régions à l'intérieur du pays seront aménagés pour servir de bureaux de services administratifs, a annoncé le chef de cabinet du ministre de la réforme administratif, Zouheir Hamdi, à l'ouverture d'une rencontre organisée par le syndicat national des conseillers des services publics au siège de l'ENA. Ces bureaux, qui entreront en service dans quelques mois, seront aménagés avec un financement des caisses de sécurité sociale, a précisé M. Hamdi. Le responsable gouvernemental a aussi donné des détails concernant la stratégie d'urgence du ministère pour lutter contre la corruption au sein de l'administration et pour organiser la reddition des comptes par les symboles de l'ancien régime. Un portail a été mis en place pour recevoir les demandes et les messages concernant les cas de corruption qui seront examinés par une commission au sein de la direction générale de la réforme administrative, a-t-il dit. Un projet est également en cours d'élaboration en vue d'une restructuration des services de contrôle afin d'assurer l'indépendance des inspecteurs et les garanties nécessaires pour qu'ils puissent accomplir leurs missions dans la transparence. ------------ Chronique juridique Les Nations Unies à la rescousse de la justice transitionnelle ? Décidément le ministère des droits de l'Homme sème à tous vents en vue de la consolidation de la Justice transitionnelle, alors que le citoyen ne voit rien venir, à part les concertations avec les composantes de la société civile, et les accords avec certaines organisations internationales des droits de l'Homme, à l'instar du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCDH). Un document vient d'être signé dernièrement entre ce dernier et notre ministère, en vue d'appuyer la réforme judicaire. Or plusieurs organisations à caractère juridique, que ce soit l'Association des Magistrats Tunisiens, ou l'Observatoire pour l'indépendance de la Magistrature, militent actuellement dans le sens d'une véritable réforme du secteur judicaire. Celle-ci ne peut se réaliser que par une épuration de la magistrature en place. En effet dans l'état actuel des choses le secteur judiciaire comporte plusieurs imperfections, qu'elles soient d'ordre structurel ou fonctionnel Quelle contribution du HCDH ? Le document signé avec le Haut commissariat des Droits de l'Homme, serait de nature à appuyer le processus de la Justice transitionnelle, par le développement d'une approche pour la réforme du secteur judiciaire et du système pénitentiaire. Par ailleurs le document en question a pour but également d'harmoniser le cadre juridique interne avec les traités sur les droits de l'Homme ratifiés par la Tunisie. Par ailleurs, le même document a pour but également de développer le processus concernant le dédommagement des victimes. Bref un document qui contribuera à la consolidation des libertés et droits de l'Homme d'une manière générale. Indépendance de la Justice, base de la Justice transitionnelle Les organisations nationales telles que l'Association des Magistrats Tunisiens, le Syndicat de la Magistrature, ou l'Ordre National des avocats, sont unanimes à considérer qu'il n'y a point de justice transitionnelle réelle sans l'indépendance de la magistrature. Or jusqu'à présent, il n'y a eu aucune réforme concernant la procédure de désignation des magistrats, qui dépendent pour le moment du ministère de la Justice. Sur cette question les avis sont partagés. D'aucuns pensant qu'il faut une Haute Instance Indépendante de la Magistrature, dont les membres seraient élus par leurs pairs. D'autres sont pour le maintien d'un conseil supérieur de la magistrature dont les membres seraient désormais élus. Rôle du HCDH dans le développement du processus de réforme judiciaire Au jour d'aujourd'hui, il n'y a eu aucune réforme substantielle, ni dans un sens ni dans un autre. Cela fait le bonheur, affirment certains observateurs, de tous ceux qui craignent d'être touchés par une réelle épuration de la magistrature. Quel sera donc le rôle du Haut Commissariat des Droits de l'Homme pour activer la réforme de la magistrature, afin de mieux consolider son indépendance ? Selon le document signé sus-visé, le haut commissariat s'engage à apporter l'assistance nécessaire en matière de formation des juristes tunisiens dans le domaine des droits de l'Homme, et en matière d'échange d'experts juridiques en la matière. Bonne initiative, si toutefois est résolu le problème de l'indépendance de la Justice. Celle-ci ne peut se faire grâce à une baguette magique. C'est une œuvre de longue haleine, nécessitant la contribution de toutes les composantes de la société civile, qui doivent conjuguer leurs efforts, en collaboration avec le ministère de la Justice et des droits de l'Homme. Les deux ministères concernés sont tenus d'engager le processus de la Justice transitionnelle, par un certain nombre de résolutions qui doivent être soumises à la Constituante,afin de mieux asseoir le système le plus adéquat pour une réelle justice transitionnelle.