Parce que la femme tunisienne possède cette flamme de la détermination et cet engouement pour la vie, elle fonce tête haute dans tout ce qu'elle entreprend et s'impose dans tous les domaines. Elle excelle au prix de son bien-être pour être à la fois, femme émancipée, mère exemplaire et épouse épanouie. Elle pourrait être femme d'affaires, femme de ménage, femme au foyer, enseignante, ingénieure, vendeuse de pain au bord des routes ou paysanne travaillant la terre, elle milite sans cesse pour mener à bien sa vie.
Et c'est à l'occasion de la Journée mondiale de la femme rurale qui aura lieu demain, qu'aujourd'hui, dimanche 14 octobre 2012, des caravanes de solidarité partent rendre hommage à la femme rurale kasserinoise.
Ce convoi citoyen symbolique est un acte de solidarité qui est organisé par la société civile. Une initiative prise plusieurs associations qui, rappelons-le, ont leur bureau au gouvernorat de Kasserine. Nous citerons l'Afturd-Twiza (Femme et Développement), Tigar (Femme et parité), FJCC (Forum des Jeunes pour la Culture et la Citoyenneté plus la section locale de la Ligue des Droits de l'Homme. Quant aux personnalistés qui partent de la capitale, Mme. Samia Souissi, M. Taoufik Karkar, Mme. Hédia Jrad, Mme. Samia Kammarti et Mme. Emna ben Miled
Selon les derniers chiffres, Kasserine est le gouvernorat qui a fait le plus grand nombre d'offrandes à la police benalinienne.
Ville marginalisée, de par le passé, elle possède pourtant des richesses intellectuelles, environnementales, industrielles et culturelles qui auraient pu et pourraient, aujourd'hui, travailler en sa faveur.
La culture et l'industrie de l'Alfa sont les premières sources d'argent pour tout le gouvernorat. Cette plante pourrait contribuer énormément dans le développement de la région. L'alfa possède, effectivement, une pâte fine très recherchée à l'échelle internationale. Transformée en papier, elle est exportée vers l'Asie, l'Amérique et l'Europe.
L'alfa peut fabriquer des billets de banque (l'euro européen, le yen japonais et le dollar américain). Elle peut, également, servir dans l'aéronautique pour la fabrication des filtres les plus fins utilisés dans la construction des moteurs d'avions ou dans la à fabrication des puces électroniques chinoises.
Cette aubaine menacée d'extinction à cause de la sécheresse, est cueillie par les femmes rurales kasserinoises. C'est ancré dans les traditions de la région : c'est aux femmes d'arracher la plante d'alfa.
Une tâche pénible qu'elles doivent assumer et assurer avec leur corps frêles. Un métier noble et ingrat à la fois. Noble de par sa dureté et son apport à la région. Ingrat parce que et les conditions de travail sont cruelles et sa rémunération est dérisoire voire avilissante.
La précarité le dispute à la misère et au besoin. Qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il fasse un soleil de plomb, mains brûlées et dos courbé, elles sont dans les champs, non pas uniquement pour arracher l'alfa mais pour arracher leur droit à la vie avec la modique somme de 100 millimes le kilo ! On les prive d'éducation et d'apprentissage pour en faire une proie facile, docile et manipulable qui exécute les ordres.
Femme rurale, femme digne
La journée en l'honneur de la femme rurale kasserinoise est répartie sur trois moments clé.
Un Rassemblement symbolique a lieu à 13h, devant l'usine de pâte à papier. Les participantes et participants lèvent un slogan haut en significations : «Egalité pour les femmes et les régions». Suite à cela, une marche en direction de la maison de la culture kasserinoise, Mourakèb thakafi, a lieu et durant laquelle, plusieurs autres slogans sont affichés rythmés par des revendications que les présents scandent par solidarité à la femme rurale kasserinoise.
Aux femmes de la région, se joignent les Sidibouzidiennes et travailleuses et travailleurs affiliés à l'UGTT.
Les avocats-avocates-magistrats-magistrates marchant en robe dans la rue se mêlent à ce beau monde.
Le second moment marquant de cette journée est le rassemblement à la maison de culture où 600 places sont réservées aux caravaniers et aux femmes de Kasserine. Deux événements culturels relatent le quotidien des arracheuses de l'alfa. Il s'agit, tout d'abord, de la projection d'un cout-métrage «L'Alfa est comme l'or ». Ce film de Hichem Ben Ammar dure 10 minutes et est suivi d'un débat sur la condition de la femme rurale à Kasserine. Des idées et propositions sur la modernisation de l'habit rural de la femme kasserinoise suit la projection du film.
Place, ensuite, au 4ème art avec le forum théâtral sous la direction d'Ezzedine Gannoun. L'auditoire assiste au théâtre interactif durant une quarantaine de minutes. Au théâtre El Hamra, le théâtre des opprimés, les spectateurs participent au spectacle en dialoguant avec cinq à six personnes de la région. Le débat interactif porte sur les difficultés et les soucis de leur région tels qu'ils sont vécus au quotidien par les Kasserinois et leur appréhension sur l'avenir ( eau, pollution, autoroute, chômage des diplômés, histoire locale...)
Dix-sept ans après le Congrès mondial des femmes tenu à Pékin en 1995, qui a vu la naissance de la Journée mondiale de la femme rurale, les Tunisiennes décident d'aller rendre hommage à la femme kassrinoise, lui de donner la voix, partager avec elle la dureté de la vie et faire en sorte de sensibiliser la conscience collective pour améliorer sa condition.