En phase de transition, la Tunisie est frappée, en ce moment et plus que jamais, par une vague de violence perpétrée par des groupes salafistes et des milices qui n'hésitent pas à mettre en péril la vie des citoyens toutes catégories confondues. Les actes criminels pour ne pas dire barbares, menés aussi bien contre les acteurs politiques, les défenseurs des droits humains, les fonctionnaires de l'Etat (agents et cadres de sécurité) que les simples citoyens se sont multipliés ces derniers temps, où l'on entend parler de groupes qui se sont autoproclamés moralisateurs et édifiants des valeurs nobles. Notre pays se trouve en effet, face à plusieurs défis d'ordre sécuritaire. Les conflits internes se multiplient, la violence prend plusieurs formes en contre partie, les décideurs ne bougent pas d'un cran pour arrêter ce fléau qui risque de traîner la Tunisie vers un sort inconnu.
En fait, ce que vit notre pays actuellement, est le résultat du changement politique depuis la Révolution du 14 janvier, marqué notamment, par la montée du salafisme et la formation des milices, d'où la complication de la transition démocratique. Ce constat a été évoqué hier, par Khadija Finan, chercheur spécialisée dans la région Maghreb-Méditerranée lors de la journée d'étude axée autour du thème « changements politiques et impact sur la sécurité dans la région de la Méditerranée » co-organisée par le Centre des Etudes Méditerranéennes et Internationales et la Konrad-Adenauer-Stiftung.
Parlant de l'impact du printemps arabe sur la région, la spécialiste considère que « les défis sécuritaires après la Révolution se manifestent par différents types de conflits ». Il s'agit entre autres, des conflits internes, tel est le cas en Tunisie, où l'on assiste à plusieurs formes de violence exercées par les Salafistes. Dans ce cadre, Mme Finan signale que « nous vivons une transition difficile alors qu'on imaginait qu'elle serait plus facile ». « Elle est même difficile d'analyser et de qualifier car, nous n'avons pas pris la distance nécessaire pour le faire », enchaîne la spécialiste.
Transition difficile
Faisant une lecture dans ce processus, la spécialiste déclare que « lors des premiers moments de la transition -c'est-à-dire lors de la Révolution-, tout le peuple tunisien était uni comme un seul corps contre un régime ». Mais ce corps s'est malheureusement « fissuré et le conflit s'est installé », fait remarquer Mme Finan pour qu'elle parle de conflits relatifs à la légitimité des acteurs, de la représentativité au sein des hautes instances (ANC), des valeurs de la Révolution et qui devaient les porter... « Cela donne l'impression que la situation pourrait s'enflammer durant cette période », attire-t-elle l'attention.
La situation conflictuelle s'est poursuivie même après les élections du 23 octobre 2011. A cet effet, la spécialiste précise que ces conflits sont relatifs au mode électoral et à la représentativité au sein de l'ANC... Sommes-nous bien représentés dans l'Assemblée Nationale Constituante ? Les deux partis de la Troïka (le CPR et Attakatol), sont-ils vraiment victorieux ? Ces questions posées ainsi que d'autres prouvent que le conflit est très perceptible dans les débats et les médias.
Violence multiforme
Ce n'est pas tout. Mme Finan signale « qu'une violence multiforme s'installe dans notre pays ». « Il existe une violence symbolique et une autre réelle qui coexistent ensemble », toujours d'après la même source. « Une autre violence urbaine et tribale c'est installée en Tunisie lors de la phase de transition et on ne sait pas où est ce qu'elle peut mener », ajoute la chercheuse. Il faut dire par ailleurs, que la violence ne s'est pas limitée à ce niveau. Elle est en fait, exercée contre les artistes sans pour autant oublier celle qui s'attaque aux symboles de l'Etat où celle exercée par l'Etat lui-même de manière illégale. Les événements du 9 avril en sont le meilleur exemple.
Violence sectaire
Toujours dans le même ordre d'idées, Mme Finan n'oublie pas de parler de la violence sectaire des Salafistes qui s'est développée dernièrement tout en prenant plusieurs formes. Ce sujet interpelle les observateurs qui ne cessent de s'interroger sur le sort de ces groupes. Comment vont-ils se développer ? Y-a-t-il des liens entre eux et le Mouvement Ennahdha ? Le Mouvement Ennahdha a-t-il des liens avec les Salafistes Jihadistes ? Est-ce qu'ils profitent de la faiblesse de l'Etat et de la complicité de quelques membres de ce parti ?... Des questions d'importance majeure mais, elles restent pour l'instant sans réponse claire ce qui risque de compliquer davantage la situation dans notre pays face à la passivité de l'Etat.