Le démarrage de la campagne oléicole dans la région de Sfax est prévu pour le 11 novembre courant. La récolte s'annonce bonne avec 60 mille tonnes d'huile d'olive, soit presque le double de celle de la dernière saison, qui a été de l'ordre de 36 mille tonnes. D'après des professionnels du secteur, l'exportation est en principe placé aussi sous de bons auspices parce que la récolte s'annonce très moyenne en Espagne.
Paradoxalement, ces estimations et ces prévisions a priori fort réjouissantes ne sont pas sans donner du souci à tous les intervenants dans le secteur oléicole, à commencer par les agriculteurs dont la quiétude est troublée par deux facteurs.
Maraude : l'impératif de vigilance
Le premier est relatif au risque de maraude, fléau qui sévit depuis quelques années et qui perturbe le sommeil des agriculteurs sans être jugulé par les forces de sécurité. Il a été convenu lors d'une réunion au gouvernorat de Sfax de mettre en place des comités de vigilance tant le péril de la maraude s'annonce particulièrement menaçant. Les agriculteurs ont même été clairement appelés, par les autorités régionales, à se prendre en charge pur assurer la garde de leurs récoltes car ils ne doivent pas compter uniquement sur les services de sécurités, incapables, quelle que soit leur bonne volonté de couvrir les vastes étendues couvertes par les oliveraies lesquelles occupent plus de 90% de la superficie totale de la région de Sfax. Pour dissuader les voleurs d'olives, une autre mesure consiste à placer les points de collectes sous contrôle des comités précédemment cités.
Actes de pillage : rebelote
Le second fléau est celui du pillage, particulièrement, des lots techniciens, exploitations tenues soit par de petits agriculteurs soit par des ingénieurs dans les zones d'El Hencha, El Amra et Jébéniana, exploitations où l'année dernière des actes de pillage accompagnés d'une vague incendiaire et de vandalisme, perpétrés par une minorité de gros bras et de pilleurs, ont ravagé ces exploitations après avoir fait main basse sur la récolte d'olives au mépris de toutes les lois. Or le scénario du pillage de la récolte s'est renouvelé cette saison comme l'indiquent récemment les protestations et le blocage, durant une trentaine d'heures, de la route Sfax-Mahdia au niveau de la localité de Saâdi, à 17 km de Sfax, par des exploitants de lots techniciens des Agarba et des Bdarna. Excédés par le vol du fruit de leur labeur, ces derniers ont dressé des barrages et empêché les voyageurs d'arriver à leurs destinations. Selon certains témoignages, des voyageurs ont été victimes de rackettes de la part d'énergumènes postés soit sur la route de Mahdia soit sur les routes secondaires empruntées par les automobilistes connaissant le réseau routier local. Main-d'œuvre, le casse –tête qui perdure Outre les vols et le pillage, le deuxième souci pour les agriculteurs a trait à la main-d'œuvre qui se fait paradoxalement rare, alors qu'il est question de taux de chômage exorbitant, que partout l'on revendique à cor et à cri le droit au travail et que l'on crie à tue-tête la misère et à la disette ! Conséquence : une bonne partie des recettes des agriculteurs seront « bouffées » par les salaires, prévus à la hausse, de la main-d'œuvre. Le problème de la rareté de la main-d'œuvre, qui n'est pas nouveau s'est accentué cette année, dit-on, à cause des salaires perçus dans le cadre des chantiers de travail qui font monter les surenchères et incitent beaucoup d'ouvriers à la paresse.
La grogne des oléifacteurs
D'habitude, les oléifacteurs tirent les marrons du feu, quelle que soit la conjoncture et surtout en cas d'abondance de la récolte : « Ce n'est plus les cas, rétorque Abdellatif Fakhkafh, un professionnel, membre du conseil exécutif de l'UTICA-régionale à Sfax. Depuis la fameuse campagne oléicole 2005/2006, les oléifacteurs sont sur la paille. Ils croulent sous les dettes dont le total est passé de 500 à 740 millions de dinars. Faute de mesures de rééchelonnement de leurs dettes, faute de crédits, ils ne sont pas en mesure de faire tourner leurs huileries. Rendez-vous compte : sur les 400 unités que compte la région, il n'y en a plus guère que quelque 200 qui pourraient ouvrir ! » A ce propos, nous apprenons que les équipements de 20 à 25 huileries ont été démontés et exportés en contrebande en Algérie lors des événements de la Révolution pour permettre à leurs propriétaires de subvenir à leurs besoins ! Notre interlocuteur ne cache pas sa déception à cause de l'attitude du ministre de l'Agriculture : « Et encore !, poursuit-il, Le ministre de l'Agriculture nous a orientés vers le ministère des Finances pour trouver des solutions aux problèmes qui perdurent depuis des années ! or le secteur est malade et il a besoin d'une restructuration réfléchie mais urgente. Chaque année, c'est toujours la même réponse : au début de la saison, on nous répond qu'il faut parer au plus urgent et veiller au bon déroulement de la campagne. Quand celle-ci prend fin, on ne se donne plus la peine de se pencher sérieusement sur les problèmes du secteur et depuis le temps que cela dure, ça n'a pas changé. »
Exportateurs : le même pétrin
Abdellatif fakhfakh ne cache pas non plus son amertume concernant la situation dans laquelle se débattent les exportateurs et la réduction considérable de leur nombre « d'une centaine à une dizaine actuellement présents sur le marché. Il est vrai que pour l'Etat et la banque Centrale, il n'y a pas de problèmes d'exportation. Mais il faut préciser que les exportations sont assurées dans leur majeure partie par trois sociétés espagnoles, de quoi priver l'économie d'une précieuse prévalue dont il a besoin, car lesdites sociétés réalisent leurs bénéfices à l'exportation en dehors de nos frontières »
Pollution : que faire de la margine ?
Plus la récolte est bonne, plus se pose le problème de la pollution par la margine. En effet, la trituration des olives et la fabrication de l'huile devront inévitablement générer, cette année, d‘importantes quantités de margine qui dépasseront largement les200 mille m3, soit de loin plus que la capacité de collecte des décharges d'El Guenna à Agareb et de Bouzouita, à Menzel Chaker.