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Tardive mais essentielle et honorable pour l'indépendance de la Justice Chronique juridique L'annulation de la décision d'extradition de Baghdadi Mahmoudi par le tribunal administratif :
Par son arrêt rendu en assemblée plénière juridictionnelle, annulant la décision d'extradition de Baghdadi Mahmoudi, le tribunal administratif a désavoué le Premier ministre, donnant raison par là même à Moncef Marzouki qui a intenté une action dans ce sens. Cette décision datant du 8 octobre dernier n'est toujours pas rendue publique, ni transmise à la Constituante pour avis, selon des médias qui ont pu avoir accès à cette information avec des moyens du bord.
Rappel des faits
L'affaire a commencé par l'arrestation de Baghdadi , il y a presque un an (le 21 novembre 2011) à la frontière tunisienne, alors qu'il tentait de passer en Algérie. Ayant fait l'objet de deux demandes d'extradition, présentées à l'Etat tunisien, par le nouveau gouvernement, libyen, il a intenté des recours par l'intermédiaire de ses avocats, en appel ainsi que devant le tribunal administratif, sans avoir obtenu gain de cause. Le tribunal administratif avait notamment décidé que la signature du président de la République n'était pas nécessaire pour exécuter l'extradition de Baghdadi Mahmoudi, décidée par le chef du gouvernement. Cette décision était fondée sur le fait que la caducité de la Constitution de 1959, du fait de la promulgation de la loi d'organisation temporaire des pouvoirs, laquelle renforce les prérogatives du premier ministre. C'est ainsi qu'après moult tergiversations, l'extradition de Mahmoudi, a été exécutée dans la précipitation et à un moment où le président de la République s'y attendait le moins. Ce qui a suscité son mécontentement, voire son indignation, ainsi que celle de certains représentants d'associations humanitaires et des droits de l'Homme.
« C'est un rapt et non une extradition légale »
Les organisations des droits de l'Homme, tant sur le plan national qu'internationale, ont dénoncé cette extradition, en l'absence de garanties de sécurité et de défense contre les violations des droits dont Mahmoudi pourrait être l'objet, puisqu'il risque entre autres la peine de mort. Celle-ci est considérée en effet, par la Cour pénale de Justice, comme une torture portant atteinte à l'intégrité physique et morale de l'être humain. C'est donc une livraison au massacre, que cette extradition, selon la plupart des organisations des droits de l'Homme. Me Marcel Ceccaldi, avocat français de Mahmoudi, a déclaré qu'il s'agit « d'un rapt de son client, de la part d'un gouvernement qui se prévaut de la démocratie, des libertés et des droits de l'Homme.... ! »
Action du président de la République devant le Tribunal administratif
De son côté, le président de la République intenta une action en annulation de la décision d'extradition, devant le tribunal administratif, au motif que ladite décision n'a pas reçu son approbation et qu'il n'a même pas été au courant du jour où Mahmoudi allait être « expédié ». Cela a donné lieu à une polémique, entre les deux parties de la Troïka, le troisième, à savoir le président de la Constituante, faisant mine de rien. Ce n'est qu'ultérieurement qu'il essaya d'intervenir pour tenter de trouver un terrain d'entente entre le président et le chef du gouvernement. En vain, puisque chacun campa sur sa position quant à ce problème. Entre-temps le différend suivait son cours devant le tribunal administratif. Ensuite, chacun vaqua à ses occupations, et l'affaire Mahmoudi a été comme mise entre parenthèses. Le litige entre les deux parties de la troïka n'a plus été évoquée depuis, jusqu'au jour où la décision, a été rendue par le tribunal administratif.
Un arrêt de principe édifiant
L'arrêt de l'assemblée plénière du tribunal administratif vient confirmer qu'il y eu empiétement de la part gouvernement sur les prérogatives du président de la République. Ce qui est tout à fait contraire au principe démocratique de la séparation des pouvoirs. Le tribunal administratif n'a pas hésité à dénoncer cet état de fait, en annulant la décision d'extradition de Baghdadi Mahmoudi. Cela n'aura pas d'incidence sur l'extradition elle-même qui a déjà eu lieu, car il n'est plus possible de faire marche arrière. Cependant cet arrêt est important à plus d'un titre : 1) Il constitue une mise en garde contre tout empiétement par l'un des organes du pouvoir sur un autre, et incite les composantes de la société civile,et les citoyens d'une manière générale à ne pas hésiter à agir pour dénoncer tout empiétement de ce genre, lequel peut mener à la dictature. 2) Il confirme la tendance qu'a toujours eue le tribunal administratif,depuis sa création et même à l'époque du président déchu, à se prononcer sur les cas qu'il a eu à juger, avec impartialité, et en vertu de la loi, et ce dans la majorité des cas. Les difficultés qu'il y avait à l'époque était inhérentes à la procédure d'exécution des arrêts prononcés contre les pouvoirs publics. Certains huissiers de Justice n'avaient pas le courage d'aller signifier une décision prononcée contre le ministère de l'Intérieur par exemple. Cet arrêt confirme une fois de plus cette tendance qui va dans le sens de la consolidation de l'indépendance de la Justice. Une question reste pendante cependant : Quand cet arrêt sera-t-il rendu public et soumis à la constituante ?