Le matin d'une belle journée ensoleillée, faisons, «l'école buissonnière» : profitons en pour re-découvrir des quantités de « choses » qu'on croyait avoir oubliées. Errer dans l'histoire D'abord dès le départ, pourquoi ce quartier s'appelle-t-il «Le Bardo» ? Qu'est ce que ce toponyme signifie ... en arabe ? Pourquoi croise-t-on un autre « Bardo » dans la banlieue de Béja ? Puis la route continue vers Djedeida. On raconte que des Andalous y ont édifié sur l'Oued Medjerda un superbe pont de 116 mètres de long sur 6 mètres de large ! Les sept grandes arches étaient bâties sur un radier assez haut pour que l'eau en tombe en cascade. Il a été emporté après la seconde guerre mondiale. Quand exactement ? On dit aussi que le fils du Bey avait fait construire, près du pont, une résidence campagnarde qui a été célébrée par les écrivaines de l'époque. Les amateurs affirment, que la viande des agneaux de Djedeida est délicieuse. A vérifier ! Virons de bord et dirigeons-nous vers El Batan. Que signifie ce toponyme ? Il paraît qu'il viendrait de l'espagnol « batanar » qui signifierait « fouler » ou de « batan » : moulin à fouler. Nous retrouvons encore les Andalous. Ils ont construit, vers 1690 sur ordre du Bey Mohamed fils de Mourad II ou peut-être sous le règne de Youssef Dey au début du XVIIème siècle, un pont magnifique. Les seize arches pouvaient être fermées par des vannes. L'eau actionnait des moulins à « fouler »qui « feutraient » les chéchias et irriguait les champs voisins. Près de ce pont, il existait une « maison de plaisance » beylicale. Actuellement, une fabrique de chéchias fonctionne depuis le XVIIème siècle sans interruption et selon les mêmes techniques ! Tout près, un haras abrite encore des « Poneys des mogods » : une race typiquement tunisienne de petits chevaux aux qualités remarquables. Quelques kilomètres plus au Nord, on arrive à Tébourba, l'antique Thuburbo minus. Pourquoi a-t-elle été bâtie aussi loin de Thuburbo majus, proche d'El Fahs ? Cette bourgade a été « revivifiée » par les émigrés andalous vers 1610. Pourquoi le bourg « originel » avait-il décliné ? La place centrale entourée de mosquées, de fondouks et de commerces reflète l'influence espagnole. La Grande mosquée – comme celle consacrée à sidi Thabet – daterait du XVIIème siècle. Bourg dynamique, Tébourba grandit très vite aujourd'hui et on y trouve d'excellentes « rôtisseries ». Maintenant, empruntons la route C 50 qui longe La Medjerda et mène à Medjez El Bab. Sept à huit kilomètres plus loin, une toute petite route « sans matricule » s'ouvre sur la droite et passe devant la fromagerie « Souani ».
La montée sur le rempart
Nous entamons ici l'escalade des pentes du Jebel Ansarine. D'abord, constatons que les cartographes hésitent sur l'orthographe : Ansarine ou Lansarine ? Qui nous dira pourquoi il porte un nom aussi célèbre alors qu'il semble bien que les Ansar ne s'y soient jamais fixés. On sait que les collines ont été repeuplées au XIXème siècle par une « colonie » de Tripolitains sur ordre du Bey. Elles semblent avoir été assez bien peuplées dans l'Antiquité. Après avoir dépassé les bâtiments de la fromagerie, dans les premiers lacets de la route, on découvre, à droite, un vaste « espace ludique » planté de grands pins. Les moins « nomades » pourront décider de s'y arrêter et y pique-niquer dans le calme. En continuant à suivre les lacets de cette petite route, on débouche sur le plateau, boisé à cette extrémité. Les pistes des deux côtés de la route mènent à de beaux « coins à pique-nique » plantés de pins d'Alep qui abritent de nombreuses orchidées sauvages au printemps. Enfin, on débouche sur le « plateau », souvent balayé par le vent, aux terres relativement pauvres.
Les (re)découvertes
Dans l'Antiquité, les vallées presque parallèles de l'Oued Tine et de la Medjerda étaient reliées par une voie passant par Uzali Sar / Henchir Djlal où nous allons arriver. Elle aurait été élargie et remise en état par les troupes allemandes en 1942-43. Est-elle la route que nous suivons actuellement ? Etait-ce la piste qui traverse Henchir Djlal ? A gauche, le sommet d'une colline appelée Sidi Frej porte un « signal » et une grande antenne. Durant la campagne de Tunisie, il s'y est déroulé des combats importants. Les Autorités françaises qui avaient fait construire un fortin. Qu'en reste-t-il ? Deux ou trois kilomètres plus loin, les embrasures noires et quadrangulaires de Haouanet tranchent sur le blanc d'une petite falaise calcaire et signalent Henchir Djal, l'antique Uzali Sar. Les archéologues français Maurin et Peyras en 1971 et l'historienne tunisienne Mademoiselle Naïdé Ferchiou en 1990 ont étudié le site mais aucune fouille n'y a été faite. A partir de la route, une petite voie goudronnée récente y mène. Les vestiges divers sont très étendus. On peut commencer par les petits haouanet de la falaise calcaire, vus de la route. Puis, en contournant cette éminence, on découvrira les vestiges, sans doute uniques en Tunisie, de Haouanet « bâtis ». Comportaient-ils plusieurs chambres sépulcrales superposées dont une souterraine et une dernière bâtie ? De quelle époque datent-ils ? IIème ≈ IIIème siècle avant J.C. ? Et ceux de la falaise calcaire ? Sont-ce les ancêtres des mausolées lybico-puniques puis romains ? Dans un creux, un amoncellement de très gros blocs signale sans doute un de ces mausolées envahis par un figuier. En s'approchant des maisons du hameau, on arrive devant les restes d'un mur d'enceinte, bâti très soigneusement en « pierres sèches », sans liant. Un ravin borde le site. Une source / Aïn Djlal y coule : elle devait alimenter des thermes. Sur le plateau, entre les maisons, les vestiges de citernes, d'un grand bassin, des colonnes et des murs permettent de retracer mentalement le plan de certains bâtiments antiques. Pourquoi ce bourg a-t-il disparu ? En suivant la piste traversant le village, puis en remontant vers la droite en direction de la dernière maison, la plus haute, on arrive au pied d'une petite falaise. Dans les parois rocheuses, d'autres haouanet ont été creusés. Leur façade est encadrée par deux pilastres engagés surmontés par un entablement. Sont-ils plus récents que les premiers ? A différents endroits, on remarque les traces de carrières antiques. On salue au passage un énorme olivier dédié à « Lella Fatma ». Les marcheurs invétérés, reviendront à la route, la traverseront et trouveront, pratiquement à 5 ≈ 600 mètres au Nord du carrefour, une source intermittente : Aïn Lahzina. Les gens du coin la leur indiqueront. Deux collines la domine. Elles sont littéralement tapissées de tombeaux berbères antiques. Grand tumulus, dolmens entourés soit de gros blocs, soit de petites pierres, ou érigés sur une plate-forme, succèdent aux « tumulus-tétards » et aux monuments annulaires ou quadrangulaires. Cette nécropole est-elle antérieure aux haouanet ? Est-elle plus « berbère », moins « romaine » ou « punique » ? Ceux qui souhaitent faire une « grande randonnée » à la découverte de vestiges antiques, partiront du carrefour, iront deux ou trois kilomètres environ, plus loin, vers l'Ouest, jusqu'à la Mechta Morseta et le hameau au lieu-dit Oum Chlelig, qui étaient des bourgs antiques, puis ils reviendront, vers Aïn Della et le marabout de Sidi Barka, situés deux kilomètres au Sud. De là, ils regagneront Henchir Djlal, à un peu plus d'un kilomètre dans l'Est. En regagnant leur voiture, ils auront parcouru sept à huit kilomètres de vraie découverte. Comme promis !