La réforme de la Justice a toujours été parmi les préoccupations majeures des gouvernants, dès qu'ils sont au pouvoir, étant encore enthousiastes et férus de changement et de réformes. Cependant, cet enthousiasme finit par s'estomper, avec le temps et au gré des circonstances et des impondérables. C'est que la Justice est le reflet du système politique, mais aussi celui du degré de maturité des membres d'une société dans un pays donné. L'historien et sociologue d'origine tunisienne, Ibn Khaldun, n'a-t-il pas affirmé, à juste titre que la Justice est à la base de toute civilisation ? En Tunisie la réforme de la Justice est intervenue plus d'une fois même durant l'ère coloniale. Tahar Khéreddine fils de l'illustre ministre de Ahmed Bey, a contribué dès sa nomination à la tête du ministère de la Justice, à la réforme de ce secteur notamment, concernant la composition des tribunaux. A l'avènement de l'indépendance, Bourguiba a commencé par la réalisation du code du statut personnel, pour préserver les droits de la femme et de la famille, alors qu'il était encore premier ministre. Il oeuvra, dès son accession à la présidence de la République à la réforme de la Justice, et s'est préoccupé de la refonte de l'organisation des tribunaux, afin de permettre désormais à tous les citoyens d'être égaux devant la loi.
Le joug de l'exécutif
Les magistrats étaient depuis l'ère coloniale, nommés par le ministère de la justice, qui exerçait sur eux un ascendant considérable. Bourguiba, qui était au départ pour l'indépendance des magistrats, a institué le conseil supérieur de la magistrature dont il était cependant le chef suprême. Tout le long du régime bourguibien, les juges se trouvaient de plus en plus sous le joug de l'exécutif. Cette situation a perduré avec Ben Ali, qui fit du conseil supérieur de la magistrature un organe lui permettant d'exercer son ascendant, plutôt qu'un organe assurant l'indépendance de la magistrature, et des droits de l'Homme, pourtant consacrés par la Constitution. A la Révolution, il était nécessaire, afin de permettre une Justice impartiale dont le rôle est de préserver les droits des citoyens, et d'assurer l'indépendance de la magistrature, de lui apporter plus d'efficience, d'efficacité et de crédibilité. Le ministère de la Justice transitionnelle et des droits de l'Homme a été créé dans le but de consolider l'idée de réforme de la magistrature.
Indépendance et impartialité
L'idée de la création d'une instance provisoire pour l'indépendance de la magistrature avancée par les composantes de la société civile, dont notamment le Syndicat et l'Association des magistrats tunisiens, était dans le but de concrétiser et de consolider l'indépendance de la magistrature. Cette instance devait être créée par décret-loi et adopté par la Constituante. Or les choses sont restées en l'état, et on ne voit rien venir, ni en ce qui concerne cette instance ni la Justice transitionnelle en général. Entre temps, les juges dépendent toujours de l'exécutif et du conseil supérieur de la magistrature qui reste encore opérationnel. Administrativement, les juges dépendent jusqu'à présent de l'exécutif, et ce, tant concernant leur nomination, que leur mutation ou leur révocation. Suite au mouvement judiciaire de l'année 2012-2013, l'Association des Magistrats (AMT) a contesté cette méthode « illégale et qui manque de transparence » Le fameux conseil supérieur de la magistrature, est un organe qui par le passé a en effet permis à l'exécutif de garder la mainmise sur la magistrature. Il est temps que cet organe passe le relais à une instance, qui oeuvrerait à l'institution d'un corps judiciaire, totalement indépendant du pouvoir exécutif. Ce n'est qu'en assurant son indépendance qu'il préservera son intégrité et son impartialité.