Au jour d'aujourd'hui, on peut dire que Sami Fehri en a encore pour un bon bout de temps en prison. Il n'y pas photo : la demande de liberté présentée par ses avocats vient d'être rejetée. Cependant la nouvelle chambre d'accusation, chargée du dossier, après son renvoi par la cour de cassation, se réunira le 3 janvier prochain pour se prononcer à nouveau sur cette affaire, du moins quant en ce qui concerne l'accusation ainsi que le vice de procédure qu'invoquent les avocats de la défense. Le ministère de la Justice s'étonne pour sa part, que la défense fasse de ce cas une affaire politique. Les avocats quant à eux n'ont fait jusque là que manifester leur étonnement comme la plupart des juristes d'ailleurs. En effet la décision de la chambre d'accusation, en vertu de laquelle il a été maintenu en détention a été annulée par la cour de cassation. Ce qui implique en principe sa libération immédiate. Cela a été confirmé d'ailleurs par le premier télégramme enjoignant au directeur de la prison de libérer Sami Fehri. Mais le temps que ce dernier range ses affaires, qu'un deuxième télégramme a été envoyé à la prison,annulant le premier, avec le contre-ordre au même directeur de la prison, de garder en détention le même prévenu. Un télégramme annule un autre Ce deuxième télégramme, a été envoyé par un deuxième substitut qui n'est pas vraisemblablement intervenu sans raison. En effet, pour que le procureur se rétracte le même jour, à quelques heures d'intervalle il faut qu'il y ait un motif d'ordre public grave et imminent. Il est en droit d'intervenir pour éviter l'inévitable, telle qu'à l'occasion de l'exécution d'une condamnation à mort par exemple, en présence de faits nouveaux qui sont portés à sa connaissance ultérieurement à une décision de justice, et qui sont de nature à annuler ladite décision. Quels faits nouveaux en l'occurrence ? C'est là le hic, car aucun organe de justice, tant à la cour d'appel qu'à la cour de cassation, n'a pu donner des éclaircissements sur ce point. La question ne consiste pas à disculper Sami Fehri ou le charger. Au-delà de sa personne, c'est cette procédure particulière, qui étonne les gens du domaine, magistrats et avocats confondus, et à laquelle ils ne sont nullement habitués. Bien plus, les avocats de la défense, qui au départ ont tenté de s'enquérir auprès du procureur général, ont eu beaucoup de mal, car il n'y avait aucun substitut de disponible. Finalement ils ont pu, tant bien que mal, présenter une nouvelle demande de libération, qui a été donc rejetée. Là au moins ils sont fixés ; mais est-ce à dire qu'ils sont convaincus que cette affaire a été traitée normalement ? Indépendance de la magistrature affectée ? La réponse à cette question est plutôt mitigée, car il y a au moins, selon plupart des juristes, la présomption d'innocence qui n'a pas été respectée. Dans une interview accordée à une télé de la place, Farhat Rajhi, président de chambre à la cour de cassation, et qui vient de partir à la retraite, a exprimé les mêmes inquiétudes concernant cette affaire « dont c'est le ministère lui-même qui aurait tranché, en ordonnant la libération immédiate de Sami Fehri, suite à la décision de la cour. Cela fait partie de ses prérogatives », a-t-il précisé. Outre le fait que cette affaire prête beaucoup à réfléchir concernant l'indépendance de la magistrature, ainsi que la liberté d'expression, s'agissant du directeur d'une chaîne diffusant des critiques aux membres du gouvernement, notamment lors de certaines émissions satiriques. Sami Fehri est accusé par ailleurs, d'avoir profité d'un service public indûment, eu égard à certaines présomptions, qui restent cependant à être justifiées de manière tangible. En attendant il bénéficie également des moyens de défense conférés par la loi. Il a droit à un procès équitable, sans acharnement ni traitement de faveur.