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Mémoire à vif
Au gré du flux
Publié dans Le Temps le 18 - 01 - 2013

« Les violons pleurent un temps perdu qui ne reviendra pas Les violons pleurent une patrie perdue qui, peut-être ne reviendra pas. »
Mahmoud Darwich
Quand on brule le lieu de la mémoire, on brûle l'âme de ce pays qu'on précipite dans l'enfer de la violence, dans les ténèbres de l'intolérance et du fanatisme. Quand on s'attaque, les serres acérées au beau, on noircit l'horizon, on rétrécit le ciel, on tue le jour et on enterre l'espérance. Quand, les traces magiques de nos prédécesseurs éclairés sont réduites en cendres, pleurez car c'est le début de la fin : le soleil n'éclairera plus la cité piétinée par les barbares, faucheurs de la vie, les incendiaires de la pensée. Quand les néron assoiffés de vengeance, aveuglés par la bêtise et l'illusion d'un combat perdu, osent invoquer Vulcain, réveillez-vous car après les morts, ce sera au tour des vivants. Les héros maudits danseront autour du bûcher, les yeux révulsés, les cris hystériques.
Cet islam des ténèbres qui fait irruption de manière extrêmement violente et agressive et viole un patrimoine inestimable et réduit à néant les mausolées de savants, d'érudits et d'exégètes reconnus, à la renommée incontestable, est à mille lieues de nos contrées, de nos traditions, de notre perception religieuse, de notre héritage. Il ne s'exerce que par la force et la contrainte. Il ne reconnait pas le dialogue, la réflexion, le doute et l'interrogation. Il se contente de brandir le glaive, le sabre et les vociférations haineuses. Il cherche à s'imposer par les armes, par la technique de la terre brûlée, par la terreur et par l'horreur de l'idéologie wahhabite. Né dans les contrées de l'ignorance, de la barbarie et de la férocité, nourri d'argent sale et d'intentions malveillantes, il rêve de gloire et de conquête car il voudrait assassiner son rival : l'Islam soufi parce qu'il est paix, joie, amour, transcendance, spiritualité, contemplation et extase.
Cet Islam des Lumières, tolérant et fascinant a connu une grande lignée de penseurs depuis Ibn' Arabi, grand maitre qui a enfanté ce courant dans une merveilleuse formule « L'amour est ma religion et ma foi. » C'est la foi du cœur, voie et voix d'un sentiment irrépressible, celui de fusionner avec l'Aimé, de se fondre dans celui qui est amour, don et offrande et auquel on voue adoration, vénération et qu'on ne peut atteindre que dans le renoncement à soi, dans une communion parfaite à travers ces chants soufis magnifiques aux paroles palpitantes et le vertige de ces danses tournoyantes qui ouvrent « l'œil du cœur », selon cette belle métaphore. Toute l'existence est quête de cette union désirée avec le Sublime.
Le mausolée de Sidi Bou Said qui vient d'être incendié par les esclaves du wahhabisme saoudien en guerre contre notre si riche héritage soufi, a été érigé en la mémoire du grand homme, l'un des fondateurs du soufisme en Tunisie. Né en 1160, il fut contemporain de Saida Manoubia, de Sidi Belhassen, de Sidi Abdelaziz El Mahdaoui. Il eut même le privilège de connaitre Ibn Arabi au cours d'un séjour chez nous. Sidi Bou Said a eu deux filles : Lilla Salha, femme libre qui refusa de se marier avec un homme qu'elle n'aimait pas. Son mausolée se trouve entre Carthage et Salambo, au bord des lacs puniques et Lilla Chérifa qui tomba amoureuse d'un européen qu'elle épousa après sa conversion par Sidi Bou Said, lui-même. Sa tombe et celle de son mari ont été brûlées car tous deux sont enterrés aux pieds de Sidi Bou Said.
La mémoire de tous ces grands a été souillée par un travail de sape visant à effacer toute empreinte, à faire de nous des orphelins, des déracinés coupés de leur Histoire, sans passé, sans mémoire, sans identité, sans avenir. Nous en souffrons car atteints au plus profond, touchés dans ce qui nous a construits, ce qui nous lie, ce qui nous procure bien-être, joie, plaisir, satisfaction. La violation de cette mémoire nous indigne, soulève colère et nausée car c'est une mise à mort systématique et programmée de notre être, de notre existence. Nos certitudes, nos désirs, nos rêves sont menacés de disparition. Notre espace vital se réduit, nous respirons mal, nous suffoquons. Nous sommes en train de mourir de mort lente et atroce, d'assister à l'écroulement de ce que nos prédécesseurs ont mis si longtemps à construire.
Mais nos frères ennemis sont aveuglés par une foi étroite et butée qui ne tolère aucun dialogue car ils nous ont tourné le dos et s'ingénient à nous accuser d'apostasie et de reniement. Aucun dialogue n'est possible pour les ennemis du dialogue. Nous crions dans le désert, ils désertent la vie et se tournent vers la non-vie, armés de certitudes définitives et d'illusions. Comment Abel et Caïn pourraient-ils communiquer quand la haine et l'intolérance dominent quand raison et passion sont en guerre ? Une guerre fratricide qui mine le monde arabo- musulman, l'écartèle et menace son devenir.
Face à la violence de cette déferlante, nous n'avons que le choix de la bataille : nous réapproprier ce passé lumineux, cet héritage précieux, le protéger du saccage, du pillage et du vandalisme, le transmettre intact aux générations futures. Le rôle de l'éducation et de l'école est vital dans ce combat contre l'obscurantisme rampant. Ne pas abandonner l'école aux convoitises des barbares qui ont, déjà, commencé à investir cet espace pour enrôler les jeunes, leurs victimes, pour conditionner des esprits bien malléables à cause de la faillite, annoncée, d'un système éducatif vacillant.
« Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir » écrit Mahmoud Darwich. Cet espoir se bat contre la désespérance qui nous étreint la gorge, les jours de grisaille et d'abattement. Il nous pousse à crier d'indignation et de colère, à jeter les muselières qu'on nous impose.
La politique de la terre brûlée a toujours échoué. Néron en a fait l'expérience : « Rome demeure debout/ Et les graines d'un épi desséché rempliront la vallée d'un champ de blé. »


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