Sur 760.000 demandeurs d'emploi en Tunisie, 245.000 sont des diplômés du Supérieur Taux sectoriel de chômage 33 % Diplômés de 2011 : 80.000 pour lesquels 34.000 postes d'emploi seulement ont été créés Taux de chômage selon les filières : gestion, économie et finance, 49 % Culture, langue et biotechnologie 47%, sciences humaines et droit : 45%, filières paramédicales 42 %, sciences fondamentales 38 %, filières techniques apparentées à l'ingénierie 35 % et 15 % pour les filières sciences de l'ingénieur et informatique Cercle vicieux Au Ministère de l'Enseignement supérieur, cela fait des années que l'on tente d'impulser différents programmes susceptibles d'aider à l'insertion des diplômés et donc à l'amélioration de leur employabilité ainsi qu'au développement de la culture entrepreneuriale. Les derniers projets en date, à savoir PARES I et II (Projet d'Appui à la Réforme de l'Enseignement Supérieur) mettent l'accent sur d'un côté l'amélioration de la qualité de la formation à l'Université et de l'autre à l'adéquation de cette formation avec le marché de l'emploi. Autrement dit, la solution réside dans la certification, considérée par 91 % des gestionnaires d'embauche comme un critère désormais déterminant dans le recrutement des diplômés. En tout cas, on en est encore au stade des initiatives et des expérimentations de programmes. Ce qui revient à dire que les solutions effectives et définitives ne sont pas pour demain. D'ici leur réalisation, l'Université tunisienne continuera de « licencier » chaque année des dizaines de milliers pour lesquels il faudrait de nouveaux projets d'insertion. Ce cercle vicieux n'en finira pas d'angoisser les familles et de troubler le sommeil des responsables politiques et économiques du pays. Diversion et prêches fallacieux ! Si telle est la réalité de l'Université tunisienne en matière d'employabilité, si le chômage des diplômés a atteint un seuil aussi alarmant, si les solutions proposées restent insuffisantes en l'absence d'un programme national d'envergure pour l'amélioration de l'employabilité dans tous les secteurs de la vie professionnelle, n'est-ce pas criminel de vouloir détourner notre attention de ces chiffres terrifiants pour la focaliser sur la question du voile dans les salles de classe et sur l'agression présumée d'une étudiante « niqabée » ? L'affaire Habib Kozdoghli doyen de la Faculté des Lettres de La Manouba entrera dans les annales de l'Université tunisienne pour témoigner de l'une des dérives post-révolutionnaires en Tunisie, à savoir cette stratégie diabolique de diversion qui vise à occulter les vraies difficultés du pays et à leur substituer de faux problèmes ou bien des questions très secondaires et parfois très inactuelles. Mercredi soir, Ridha Belhaj fondateur et porte-parole du parti fondamentaliste « Attahrir » promettait aux Tunisiens, sur Hannibal TV, que l'application de la Chariâa les guérirait de tous leurs maux, quels qu'ils soient, politiques, sociaux, économiques, culturels ou autres. Bien que l'occasion lui ait été offerte par Faouzi Jerad, l'animateur de l'émission, pour détailler le plan de son parti en vue de juguler le chômage et d'éradiquer ou d'atténuer la pauvreté, le leader islamiste multiplia les faux-fuyants et détourna l'interview sur des sujets sans rapport direct avec la question posée. Soyons sérieux ! D'autres figures islamistes dont certains hommes d'Ennahdha appellent au retour de l'enseignement zeitounien susceptible à leurs yeux de proposer de nouveaux horizons aux diplômés. Vers quels secteurs orienterait-on alors les futurs demandeurs d'emploi : seront-ils tous des maîtres dans les écoles coraniques, des animateurs de crèches salafistes, des prédicateurs dans les mosquées, des fonctionnaires du ministère des Affaires religieuses, des objecteurs de conscience dans les prisons, des barbouzes dans les arènes politiques, ou bien des marieurs de pubères avec les cacochymes ? Soyons sérieux ! La Tunisie est en ébullition et ses jeunes sont les premiers à s'impatienter. Il est urgent de leur envoyer des signaux rassurants. La majorité d'entre eux n'est pas dupe des discours fallacieux prometteurs de paradis artificiels ; elle veut du concret, des faits, des réalisations ! Pour répondre à ces attentes, il faut d'abord solliciter de vraies compétences capables de trouver des remèdes provisoires aux maux circonstanciels tout en envisageant les solutions radicales au chômage des diplômés. La jeunesse tunisienne est au bord du gouffre et ce n'est pas avec un prêche ou des sermons qu'on peut l'en éloigner !