Voilà plus de deux semaines que l'enquête sur le meurtre du martyr Chokri Belaïd a été ordonnée par les autorités compétentes. De son côté le ministère de l'Intérieur a déployé tous les moyens nécessaires afin de mettre la main sur les coupables, comme l'avait affirmé le ministre lui-même. Sur le plan judiciaire, le procureur a confié au doyen des juges d'instruction, au 13ème bureau près le tribunal de première instance de Tunis, le soin de mener une enquête minutieuse afin de parvenir au résultat escompté. Et c'est là toute la difficulté devant le nombre de suspects éventuels, et le mobile du crime. Il ne faut pas être un génie pour deviner qu'il s'agit d'un crime politique, quand bien même il constitue une première pour le peuple lequel n'est pas habitué à voir de tels actes. La Tunisie, n'est ni le Liban ni l'Irak. Même du temps de la colonisation, les crimes politiques constituaient des cas isolés, dont la plupart étaient commis par « la main rouge » une organisation pro colonialiste. C'est cette organisation qui a abattu le militant syndicaliste Farhat Hached en 1952 ainsi que quelques autres, à la même période tels que le docteur Abderrahmane Mami et son cousin Tahar Mami. Il y eut en réponse des collabos qui ont été assassinés dans le cadre du mouvement national, tels que Castalli, membre du conseil municipal de Tunis. En tout état de cause, le crime politique ne fait pas partie de la mémoire collective, en tant que pratique courante. A l'aube de l'indépendance, la tension entre youssefistes (adeptes du leader Salah Ben Youssef) et bourguibistes (adeptes du leader Habib Bourguiba) a mené à l'assassinat de Salah Ben Youssef, mais hors du territoire tunisien. Il a été en effet abattu en Allemagne, dans l'hôtel où il était descendu. C'est la raison pour laquelle l'assassinat du martyr Chokri Belaïd est comparable à celui de Farhat Hached, ; encore que ce dernier ait été abattu par des ennemis. Qui a donc commis ce crime abominable sur la personne d'un militant des droits de l'Homme, dont le seul souci était de dénoncer les injustices et de défendre les droits de l'Homme ? Toutes les suppositions ont été évoquées : rival de l'opposition, extrémiste religieux, voire mercenaire étranger. L'enquête traîne et piétine. Le ministère de l'Intérieur affirme par l'intermédiaire de son porte-parole Khaled Tarrouche que l'enquête progresse, et que certains éléments seront rendus publics en temps opportun. Par ailleurs et selon diverses sources, il est presque certain que l'assassin appartient à une mouvance salafiste. Mais il n'y a rien de sûr ni d'officiel. Jusque là on ne sait même pas si l'assassin ne se trouve pas déjà sous d'autres cieux. Côté Justice, le magistrat instructeur, qui a déjà entendu quelques personnalités à titre de témoins, vient d'auditionner hier Habib Ellouze, le député d'Ennahdha. Les avocats du martyr avaient en effet demandé que certaines personnalités soient auditionnées, dont Habib Ellouze, Rached Ghannouchi et Moncef Marzouki. Leur demande sera-t-elle entièrement satisfaite ? Pourvu qu'on parvienne à connaître la vérité, afin que Justice soit faite.