«Ettakatol attend d'écouter Ali Laârayedh pour se décider», affirme Mohamed Bennour, porte-parole d'Ettakatol « La formation d'un Gouvernement de salut devrait être le résultat d'un dialogue national sur le programme », clame Jilani Hammami, porte-parole du Parti des Travailleurs « Ennahdha ne peut pas dire qu'elle a élargi la base du pouvoir », affirme Khémaies Ksila, membre du bureau exécutif de Nida Tounès « Nous allons vers davantage de troubles », prédit Faouzi Charfi, dirigeant à Al-Massar Chargé par Moncef Marzouki, pour former la prochaine équipe gouvernementale, suite à la démission de Jebali, Ali Larayedh, doit entamer des pourparlers. Ce n'est pas une opération facile à conduire. Contrairement à ce qu'affirment certains, il n'est pas donné que la composition du prochain gouvernement puisse être connue en peu de temps. Lorsqu'on se rappelle que 7 mois de tractations n'ont pas suffi pour arrêter la composition de la Haute Instance de l'Audio-visuel, on comprend que ce n'est pas en quelques jours qu'on va former un nouveau gouvernement. Un autre élément laisse douter des possibilités de succès. On parle de l'élargissement de la base politique de la prochaine coalition en y intégrant Wafa et le groupe parlementaire Liberté et Dignité. Wafa, dirigé par Abderraouf Ayadi connu pour ses positions extrêmes, est un groupe dissident du Congrès pour la République (CPR). S'il intègre le prochain gouvernement, arithmétiquement, c'est la situation du 24 octobre, avant les divisions qui ont miné le parti du président Marzouki. Quant au groupe Liberté et Dignité, dirigé par Bahri Jelassi connu pour son discours primaire, que peut-il apporter politiquement à Ennahdha ? Ettakatol n'a pas encore arrêté sa position définitive. « Il faut attendre qu'il soit contacté par Ali Laârayedh. Il doit l'écouter avant de décider par la suite », affirme au Temps Mohamed Bennour porte-parole d'Ettakatol. Il a indiqué hier, dans une interview accordée à l'agence Tunis Afrique Presse, que son parti lie sa participation au gouvernement au contenu du programme du cabinet Laârayedh, et n'a pas encore de position officielle vis-à-vis du nouveau gouvernement. Ettakatol n'a pas de position officielle concernant le nouveau chef du gouvernement, Ali Laarayedh, et crampe dans ses exigences quant à la neutralisation des ministères régaliens et à l'organisation d'élections. Au niveau de l'opposition qui avait, globalement, bien accueilli, l'initiative de Hamadi Jebali le ton est à l'interrogation mêlée d'appréhension et de scepticisme. Jilani Hammami, porte-parole du Parti des Travailleurs, membre du Front populaire, considère dans une déclaration au Temps, que la nomination de Ali Larayedh « constitue un pas en arrière. C'est la continuité de la démarche d'Ennahdha, d'autant plus que ce n'est pas la personne la plus indiquée, vu son bilan peu reluisant au ministère de l'Intérieur. C'est le ministre le plus interrogé par l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) à cause de ses échecs répétés (le 9 avril, Siliana, l'ambassade américaine, l'assassinat de Chokri Belaïd). Ce n'est pas la personne la plus qualifiée à former un Gouvernement qui soit capable de sauver le pays de la crise. Nous considérons que la formation d'un Gouvernement de salut devrait être le résultat d'un dialogue national sur le programme. Pour dépasser la crise, il faut en premier lieu un consensus sur ce programme. Ennahdha a procédé par l'inverse. Nous n'allons pas soutenir ce Gouvernement et continuons à appeler à un congrès de salut national ». Faouzi Charfi, un des dirigeants d'Al-Massar, affirme au Temps : « ce n'est surtout pas un pas en avant. Ce n'est pas ce qu'on revendiquait. On reste dans la démarche du parti dominant. Le déclic qu'on souhaitait après l'assassinat de Chokri Belaïd n'aura pas lieu. On pensait qu'Ennahdha allait enfin réaliser que la démarche suivie d'un Gouvernement politique est un échec. On croyait qu'elle allait tirer les leçons et changer d'optique. Malheureusement Ennahdha et le CPR se sont opposés à l'initiative de Hamadi Jebali. Ils sont revenus à la politique de clans et de quotas. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. C'est une règle scientifique. La situation va se gâter ce qui mènera à une aggravation des problèmes. Nous n'avons rien contre la personne d'Ali Larayedh. Promouvoir un responsable qui n'a pas su ou pu préserver les leaders de l'opposition des agressions, ce n'est pas un signal positif. Toute la démarche d'Ennahdha est celle du non partage du pouvoir. Le fait qu'elle ne veut pas céder le ministère de l'Intérieur, laisse entrevoir des doutes sur les prochaines élections. On nous propose un changement de personne sans changer de méthode. Le Gouvernement de coalition sera faible. Tout cela fait douter de l'intention de ce parti d'organiser des élections transparentes. Nous allons vers davantage de troubles ». Khemaïes Ksila, membre du bureau exécutif de Nida Tounès est aussi pessimiste. Il rappelle au Temps : « nous étions confortés par l'initiative de Hamadi Jebali qui a gagné un large consensus national avec les partis politiques et surtout les organisations sociales comme l'UTICA et l'UGTT. C'était le début de sortie de la crise de gouvernance. Ali Larayedh et Ennahdha ont un défi très précis. En ces jours, voire ces heures, les regards de l'opinion publique nationale et internationale sont braqués sur la manière avec laquelle ils vont solutionner le problème de la stabilité politique qui est initialement tributaire de la stabilité sécuritaire et sociale. La solution n'est pas magique. Elle est connue. Premièrement, il faut un Gouvernement restreint avec à la tête des ministères de souveraineté et surtout l'Intérieur et la Justice, des personnalités irréprochables. Deuxièmement, le chef du Gouvernement doit s'engager immédiatement à mettre fin aux structures parallèles et aux groupes violents. Troisièmement, les membres du Gouvernement et leur chef ne doivent pas se présenter aux prochaines élections. C'est un début de solution pour les problèmes du pays, qu'attend tout le monde. Une autre condition fondamentale : un calendrier clair et précis avec des dates pour l'Assemblée Nationale Constituante. Ses tâches doivent se limiter à l'élaboration de la Constitution, la mise en place des trois instances de régulation (les élections, l'information et la justice), le code électoral et la loi de la justice transitionnelle. En concertation avec les forces politiques et l'Instance des élections, la date des élections doit être fixée. Elle ne devra aller au-delà de la fin de 2013. Un dialogue national doit être engagé pour servir de laboratoire pour les accords préalables à conclure afin de faciliter la tâche du Gouvernement et celle de la Constituante. Ennahdha ne peut pas dire qu'elle a élargi la base du pouvoir. Elle s'est répandue à des groupes parlementaires qui lui sont déjà acquis et qui n'ont pas de présence dans la société tunisienne, à l'instar des groupes Wafa, Liberté et Dignité et Al-Amen. C'est un faux élargissement ».